
Les patients atteints d'affections hématologiques sont
largement atteints par la pandémie de COVID-19. Une méta-analyse
regroupant 3 377 patients hospitalisés pour hémopathie maligne et
Covid-19 a rapporté un taux de mortalité de 34 %. Ce taux varie en
fonction des affections : 53 % pour les insuffisances médullaires
acquises, 41 % pour les leucémies aiguës (LA), 32 % pour les
lymphomes, 31 % pour les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC) et
34 % pour les néoplasies myéloprolifératifs.
Une immunisation inconstante et plus lente
Les affections hématologiques et leur traitement sont
hétérogènes, et la réponse immunitaire à une infection ou à une
vaccination devrait également être variable. L’étude d’une série de
21 patients atteints de LLC a montré que 14 d’entre eux (67 %) ont
développé des anticorps IgG contre la nucléocapside du SARS-CoV-2.
Ceux qui n'ont pas développé d'anticorps comprenaient à la fois des
patients non traités et des patients recevant un traitement pour la
LLC.
Le taux de séroconversion chez les receveurs d'une
transplantation de cellules souches hématopoïétiques ou de CAR-T
cells était similaire à 66 % (25 des 38 patients). Il est à noter
que la lymphopénie en cellules B chez ces patients n'empêchait pas
une réponse anticorps contre le SARS-CoV-2. Dans des cas de LA, les
anticorps contre la glycoprotéine du spicule externe et la
nucléocapside interne ont été détectés chez 7 patients sur 8 (88
%).
Le vaccin Covid comme les autres vaccins
Une revue Cochrane de 2011 sur les vaccins viraux chez les
patients atteints d'hémopathies malignes a conclu que, malgré la
faiblesse des preuves, la possibilité d'une protection l'emportait
sur les risques mineurs de la vaccination.
Cependant on manque toujours d'études randomisées pour évaluer
l'efficacité des vaccins chez les patients atteints d'hémopathie
maligne. Une exception est l'essai randomisé contrôlé d'un vaccin
recombinant avec adjuvant contre placebo pour le zona (RZV) chez
569 patients atteints d'hémopathie maligne.
Tous les patients recevaient ou avaient reçu un traitement
antinéoplasique dans les 6 mois qui précédaient la vaccination. Le
RZV a été bien toléré et a induit une réponse humorale chez 119 des
148 patients (80 %). Cette analyse excluait les patients atteints
de lymphome B et de LLC, chez lesquels le taux de réponse humorale
se situait entre 20 et 50 %. Un zona est survenu chez 2 patients du
groupe vacciné qui ont reçu un traitement par rituximab. Ces
observations confirment que les traitements entraînant une
déplétion en cellules B, ou peut-être l’hémopathie à cellules B
elle-même, affaiblit la réponse vaccinale humorale et l'efficacité
globale du vaccin.
Les auteurs ont étudié la réponse immunitaire humorale au
vaccin recombinant contre l'hépatite B et la réponse de rappel au
RZV chez des patients atteints de LLC. Les patients étaient naïfs
de tout traitement (32 patients pour le vaccin contre l'hépatite B
et 22 patients pour le RZV) ou recevaient un inhibiteur de BTK
depuis au moins 6 mois (26 patients pour le vaccin contre
l'hépatite B et 41 patients pour le RZV). Les patients naïfs de
traitement présentaient une réponse humorale altérée aux 2 vaccins,
ce qui est conforme aux autres immunisations observées dans cette
population. Chez les patients sous traitement par inhibiteur de
BTK, les anticorps de surface de l'hépatite B étaient négatifs à 3
mois après la vaccination chez tous les patients sauf un. Le taux
de séroconversion avec le RZV était également plus faible chez les
patients traités par inhibiteurs de BTK (41 %) que chez les
patients naïfs de traitement (59 %). Il convient de noter que
l'absence de réponse humorale n'exclut pas une réponse cellulaire à
la vaccination.
Une autre étude du RZV chez des patients traités par ibrutinib
a rapporté une réponse lymphocytaire T chez 50 % des patients (4/8)
qui n’avaient pas présenté de séroconversion.
Sur la base de nos connaissances actuelles sur les réponses
immunitaires à l'infection par Covid-19 et aux vaccins non Covid-19
chez les patients atteints d'affections hématologiques, on peut
s'attendre à une réponse atténuée aux vaccins Covid-19 dans cette
population vulnérable.
Les contacts familiaux des patients à risque élevé de
complications infectieuses doivent être prioritaires pour la
vaccination antigrippale annuelle, et, suivant cette logique,
devraient recevoir la vaccination Covid-19.
L'immunisation passive par anticorps monoclonaux ou plasma de
convalescent de titre élevé a montré qu'elle permettait de réduire
la charge virale et les complications liées au Covid-19.
Le bénéfice des vaccins Covid-19 doit être évalué non
seulement sur leur tolérance générale, mais aussi sur leur capacité
de réduire la mortalité importante due à l'infection par le
Covid-19 chez les patients atteints d'affections
hématologiques.
Pr Gérard Sébahoun