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La catastrophe sanitaire qui a accompagné en France la vague de chaleur ces dernières semaines était loin d'être imprévisible. Il était également possible d'en limiter considérablement les effets.

Certes une expérience nationale manquait. La France n'a en effet pas été frappée par une canicule prolongée depuis des décennies, en dehors toutefois d'un épisode meurtrier à Marseille, il y a quelques années, qui avait donné lieu à des publications et à de judicieuses recommandations. Il convenait donc, bien que notre système de santé publique et nos urgences hospitalières soient les meilleures du monde comme jadis notre transfusion sanguine, de se pencher sur l'expérience de quelques grands pays développés.

Ainsi, une publication espagnole récente permettait de prévoir l'ampleur de la surmortalité observée en France ces derniers jours. J Diaz et coll. ont en effet mesuré la mortalité à Madrid entre le 1er janvier 1986 et le 31 décembre 1997 (hors accidents, causes respiratoires et cardiaques) et l'ont corrélée aux conditions météorologiques et à la mesure de différents polluants dans l'atmosphère. Les résultats sont d'une grande simplicité : la mortalité augmente de 28,4 % pour chaque élévation de 1° C au dessus de 36,5° C. Pour les chaleurs extrêmes, c'est à dire supérieures à 38-39°C la courbe température-mortalité tend à devenir exponentielle. Cet accroissement de la mortalité est particulièrement marquée chez les sujets de plus de 65 ans et notamment chez les femmes de plus de 75 ans présentant par ailleurs des facteurs de risque vasculaire. Un faible taux d'humidité dans l'air augmente les effets nocifs de la chaleur.

Pour en savoir plus sur l'épidémiologie de la mortalité liée à la chaleur, il convenait de prendre connaissance du Morbidity Mortality Weekly Report du 4 juillet 2003. On y aurait découvert une publication très complète sur les décès liés à la chaleur à Chicago entre 1996 et 2001 et sur les mesures sociales à prendre pour diminuer cette mortalité.
Sur le plan météorologique une vague de chaleur est définie par une température supérieure à 32,2 ° C durant plus de 3 jours. Au delà de ce seuil on observe des morts liées directement (coup de chaleur, déshydratation) ou indirectement (décompensation de pathologies pré-existantes) à la hausse de la température extérieure. En fait, il semble que les phénomènes pathologiques apparaissent surtout lorsque la température extérieure dépasse celle du corps humain, les mécanismes physiologique de refroidissement de l'organisme (vasodilatation cutanée et transpiration) étant perturbés chez les nourrissons et surtout les sujets très âgés.

En 1995, une première vague de chaleur a frappé Chicago causant très précisément 485 morts dus à la chaleur et entraînant une surmortalité supplémentaire (cardiovasculaire notamment) de 739 décès.

Une étude épidémiologique réalisée dans les suites de cette catastrophe a permis de confirmer des facteurs de risque classiques comme un âge avancé, l'incapacité de vivre de façon autonome et ...l'absence d'air conditionné. A la suite de cette catastrophe sanitaire, un plan d'urgence pour faire face à la chaleur a été mis en place à Chicago et dans d'autres villes américaines. Ce plan, essentiellement social, prévoit en particulier une information du grand public dès l'élévation de la température, une augmentation du nombre de contacts quotidiens avec les personnes âgés grâce à l'action des services sociaux et à la mobilisation citoyenne et la mise à la disposition des sujets qui le souhaitent, dès que la température dépasse 34° C, d'espaces publics disposant de l'air conditionné. Dans ce pays réputé pourtant ultra libéral, de véritables allocations chaleurs sont mêmes recommandées par les autorités sanitaires pour permettre aux sujets les plus vulnérables et les moins fortunés de faire fonctionner des appareils d'air conditionné.

Grâce à ces mesures simples, la mortalité directement liée à la chaleur n'a plus été que de 103 cas lors de la canicule qui a frappé Chicago en 1999.

CQFD.

Dr Anastasia Roublev


Diaz J et coll. : Heat waves in Madrid 1986-1997: effects on the health of the elderly. Int Arch Occup Environ Health. 2002;75:163-70.
Heat-related deaths--Chicago, Illinois, 1996-2001, and United States, 1979-1999.MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2003 Jul 4;52(26):610-3.© Copyright 2003 http://www.jim.fr

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