
Avec officiellement 6,5 millions de morts en moins de trois
ans et probablement 2 à 3 fois plus en réalité, la pandémie de
Covid-19 a eu un impact considérable en termes de mortalité. Après
plusieurs décennies de hausse continue de l’espérance de vie
(hausse qui tendait cependant à se ralentir ces dernières années),
la soudaine hécatombe provoquée par l’épidémie a provoqué une chute
de cet indicateur souvent utilisée pour mesure le niveau de
développement et le système de santé des différents
pays.
Des chercheurs de l’institut Max Planck de Rostock en
Allemagne (spécialisé en démographie) se sont penché sur
l’évolution de l’espérance de vie au cours des années 2020 et 2021
dans 27 pays européens et aux Etats-Unis. Leur étude, publiée ce
lundi dans la revue Nature montre que presque tous les pays
occidentaux ont connu une baisse (plus ou moins importante) de
l’espérance de vie lors de la première année de l’épidémie en 2020,
au cours de laquelle les solutions préventives et thérapeutiques
manquaient pour juguler l’épidémie.
La Suède n’a pas trop souffert de l’absence de confinement
La France a ainsi connu une perte d’espérance de vie de 6,2
mois sur l’année 2020, plus importante que l’Allemagne (2,6 mois)
mais plus faible que l’Italie (12,6 mois) ou l’Espagne (15 mois).
Seuls le Danemark, la Finlande et la Norvège, où la mortalité par
Covid a été faible tout au long de l’épidémie, n’ont pas vu leur
espérance de vie baisser.
On notera, sans relancer l’éternel débat sur l’utilité du
confinement, que la Suède, seul pays à n’avoir pas pris de mesures
sanitaires drastiques, a connu une baisse d’espérance de vie de 7,6
mois, plus importante donc que ses voisins scandinaves, mais plus
faible que la plupart des pays occidentaux.
L’étude se penche ensuite l’évolution de l’espérance de vie
entre 2020 et 2021, année au cours de laquelle les vaccins ont été
rendus disponibles à grande échelle. Une corrélation assez nette
semble se dessiner entre le taux de vaccination de la population de
chaque pays et la remontée de l’espérance de vie. Les pays d’Europe
de l’Ouest, où plus de 80 % de la population adulte était vacciné
fin 2021, ont ainsi en partie récupéré la perte subie en
2020.
C’est le cas notamment de la France, où la vaccination de
masse a permis de gagner 5 mois d’espérance de vie en 2021, nous
permettant de retrouver peu ou prou notre niveau d’espérance de vie
prépandémique.
3,5 ans de perte d’espérance de vie en Bulgarie
A l’inverse, dans les pays d’Europe centrale et orientale,
ainsi qu’aux Etats-Unis, la réticence d’une grande partie de la
population à se faire vacciner ou même à respecter les gestes
barrières élémentaires a provoqué une nouvelle chute de l’espérance
de vie. C’est particulièrement net dans les pays de l’ex-bloc
communiste, qui présentent par ailleurs les taux de mortalité par
Covid-19 par habitants les plus élevés au monde. La Bulgarie (43
mois d’espérance de vie perdue entre 2019 et 2021), la Slovaquie
(33 mois), la Pologne (27 mois) et la République Tchèque (22 mois)
présentent les chutes les plus importantes.
Aux Etats-Unis, la Covid-19 a accéléré un phénomène de baisse
de l’espérance de vie observée depuis quelques années, dû
notamment à la progression de l’obésité et à la crise des opiacés.
Comme nous l’avions déjà évoqué dans un précédent article,
l’espérance de vie aux Etats-Unis est désormais de 76,1 ans, soit
le niveau le plus bas depuis 1996.
Aussi importante que soit ces diminutions d’espérance de vie,
elles ne sont rien comparés aux conséquences désastreuses des
conflits et épidémies de la première moitié du XXème siècle. Les
auteurs de l’étude rappellent ainsi qu’entre 1914 et 1918, sous
l’effet combiné de la Première Guerre Mondiale et de la grippe
espagnole, l’espérance de vie a diminué de 22,7 ans en Italie et de
16,5 ans en France.
De quoi, si ce n’est nous consoler, relativiser nos
problèmes.
Nicolas Barbet