
Les jeunes fument, mais comment ?
Si ces données reflètent bien la réalité, elles signifient que les messages diffusés fréquemment dans les médias concernant les dangers du cannabis, mettant en garde notamment contre les risques associés d’accidents de la route ou suggérant un risque de développement de maladies mentales ne semblent pas avoir d’influence sur les pratiques des jeunes gens. « C’est un discours que n’entendent pas les jeunes, les chiffres le montrent » constate Jean-Pierre Couteron, psychologue et président de la Fédération Addiction, cité par le Monde. Ce paradoxe nécessite une meilleure connaissance des profils des consommateurs et une élucidation de leur habitudes, motivations et éventuelles craintes. Aujourd’hui, si des chiffres globaux sont avancés, attisant les peurs médiatiques, on n’en sait peu sur les comportements des adolescents et leurs conditions de consommation. L’OFDT devrait prochainement pallier cette lacune grâce au lancement d’une étude destinée à mieux connaître les consommateurs. « L’étude doit permettre (…) d’élaborer des hypothèses quant aux facteurs de réussite des stratégies de prévention » indique le directeur de l’Observatoire, François Beck.Des politiques de prévention mal financées et mal ficelées
Cependant, il n’est pas nécessaire d’attendre la conclusion de ces travaux pour constater l’échec des politiques mises en place face au cannabis. Déjà en novembre dernier, un rapport du Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques avait fustigé les déboires de la prévention dans ce domaine. Les députés à l’origine de ce rapport avaient en particulier dénoncé des budgets inégaux et insuffisants et dont la traçabilité était le plus souvent inexistante. « Ils ne sont pas pérennes et sont souvent noyés dans une accumulation de pôles et autres instances régionales qui doublonnent entre elle au niveau national » regrettait le rapport. Outre le financement des politiques de prévention, leurs modalités étaient critiquées. Ils avaient notamment moqué les programmes de prévention conduits dans les écoles se résumant à « une session d’information (…) alors que les études scientifiques au niveau européen notamment montrent la nécessité de travailler dans la continuité et avec des programmes d’intervention validés ».La plupart des jeunes ne sont ni malades, ni des délinquants
Publiées au lendemain de la présentation des résultats de l’enquête ESCAPAD, les remarques de la Fédération Addiction s’inscrivent en grande partie dans le même esprit que les observations du CEC. Elle note que les résultats obtenus sont le signe de « l’échec d’une politique (…) qui, en France plus qu’ailleurs, a privilégié une réponse binaire – la pénalisation et le soin – alors que la majorité des jeunes ne sont ni des malades ni des délinquants ». Cette logique a conduit la France à faire l’économie d’une véritable pédagogie autour de ces questions. Or, de nombreux programmes conduits à l’étranger semblent avoir fait la preuve de leur efficacité. La Fédération Addiction cite ainsi un programme de renforcement des compétences familiales (Strengthening Families Program) aujourd’hui déployé dans vingt-deux pays ou encore le projet Unplugged implanté dans les écoles, centré notamment sur la question de l’influence sociale globale. Ce dernier programme est aujourd’hui proposé en Belgique, Allemagne, Espagne, Grèce, Italie, Autriche et Suède. Parallèlement à ces interventions d’un genre très différent de ce qui aujourd’hui existe en France, la Fédération Addictions considère que devrait s’engager une véritable réflexion sur la régulation des produits, plutôt que de « tout miser sur la pénalisation de l’usager ». Une opinion partagée on le sait par un grand nombre de spécialistes des addictions et par certains membres de la classe politique.Aurélie Haroche