Les promesses tenues du nirsevimab pour la bronchiolite aiguë du nourrisson

La bronchiolite aiguë du nourrisson est le plus souvent liée au virus respiratoire syncytial (VRS) et elle sévit sous la forme d’épidémies hivernales qui ont pris les proportions d’un véritable problème de santé publique. En 2018-2019, elle a été à l’origine de 56 427 passages aux urgences avec à la clé 20 216 hospitalisations. En 2020-2021, au cœur de la pandémie de Covid-19, les chiffres correspondants ont été respectivement de 33 971 et 13 186, mais cette accalmie n’a été que passagère, car au cours de l’hiver 2021-2022 s’est propagée une triple épidémie (grippe, bronchiolite et Covid-19) qui a de nouveau placé le système de soins, notamment les hôpitaux, sous tension.

C’est souligner au passage, à défaut de vaccins immédiatement disponibles, le besoin d’antiviraux capables de combattre efficacement le VRS et c’est là qu’intervient le nirsevimab, anticorps monoclonal recombinant humain conçu pour se lier à la protéine de fusion située à la surface du virus et inhiber ainsi son passage transmembranaire. L’agence européenne du médicament lui a d’ailleurs accordé son feu vert le 16 septembre 2022 et sa mise sur le marché est prévue en 2023-2024, tout au moins dans certains pays. Cette décision a été prise au vu des résultats de deux essais randomisés de phase 3, intitulés respectivement MELODY et MEDLEY, auxquels on peut ajouter ceux d’un autre essai de phase 2b. Ils ont inclus des nourrissons nés à terme ou des prématures (entre la 29e semaine de gestation et le terme).

Efficacité pour des nourrissons à haut risque

Dans l’essai MEDLEY les nourrissons étaient à haut risque d’infections des voies respiratoires inférieures (IRVI) sévères parce que grands prématurés et/ou atteints d’affection respiratoire chronique, de cardiopathie congénitale. Le nirsevimab ou le placebo a été administré par voie intramusculaire en dose unique ajustée au poids à titre préventif avant la période hivernale suivi de l’administration une fois par mois pendant 4 mois d’un placebo ou de palivizumab en IM. Le critère de jugement principal était défini par l’incidence des infections dues au VRS dans les 150 jours suivant la dose unique de nirsevimab. Le critère secondaire, pour sa part, était le nombre d’hospitalisations pour IVRI. Un dernier critère de nature exploratoire a correspondu aux IVRI sévères dues au VRS, nécessitant notamment une oxygénothérapie. Les concentrations sériques de nirsevimab dans l’essai MEDLEY ont été par ailleurs dosées et comparées à celles obtenues dans les deux autres études.

Au total, 2 350 nourrissons (1 564 dans le groupe nirsevimab et 786 dans le groupe placebo) dans les essais de phase 2b et MELODY ont été inclus dans l'analyse groupée. Le nirsevimab s'est avéré supérieur au placebo en ce qui concerne le critère de jugement principal, soit des incidences de respectivement 1 % et 6 %, la réduction du risque relatif (RRR) étant estimée à 79,5 % [intervalle de confiance à 95 % IC 95 % 65,9-87,7]. Il en a été de même pour : (1) le critère secondaire, en l’occurrence le nombre d’hospitalisations pour une IVRI due au VRS, les chiffres correspondants étant respectivement de 1 % et 3 %, soit une RRR de 77,3 % [50,3-89,7] ; (2) le critère exploratoire concernant les cas très graves de ces infections, soit < 1 % versus 2 % (RRR 86,0 % [62,5-94,8]).

Chez les nourrissons atteints d'une maladie respiratoire chronique, ou d'une cardiopathie congénitale, mais aussi les grands prématurés, les taux sériques de nirsevimab atteints dans l’étude MEDLEY se sont avérés similaires à ceux obtenus dans les deux autres essais. Ces concentrations ont été jugées nécessaires et suffisantes pour prévenir l’infection dans 94 % des cas.

En attendant les vaccins

Une dose unique de nirsevimab administrée avant la période hivernale semble protéger les nourrissons et les prématurés des bronchiolites liées au VRS, quelle que soit leur gravité. Les résultats pharmacocinétiques de l’étude MEDLEY suggèrent que cette efficacité préventive concerne également les sujets les plus vulnérables, qu’il s’agisse des nourrissons atteints d’une maladie respiratoire chronique ou d’une cardiopathie congénitale, mais aussi des grands prématurés. Dans leur ensemble, ces données suggèrent que le nirsevimab pourrait transformer le pronostic et l’épidémiologie des infections respiratoires dues au VRS qui, chaque année, constituent un véritable fléau pour le système de soins. En attendant les vaccins qui sont, pour certains, sur le point d’être commercialisés à court ou moyen terme, dans certains pays. Nul doute que le nirsevimab et ces derniers vont entrer en concurrence…


Dr Philippe Tellier

Référence
Simões EAF et coll. : Efficacy of nirsevimab against respiratory syncytial virus lower respiratory tract infections in preterm and term infants, and pharmacokinetic extrapolation to infants with congenital heart disease and chronic lung disease: a pooled analysis of randomised controlled trials. Lancet Child Adolesc Health. 2023 ;S2352-4642(22)00321-2. doi: 10.1016/S2352-4642(22)00321-2.

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