Les usages détournés de dextrométorphane font tousser l’ANSM

Paris, le vendredi 5 décembre 2014 - Dans la famille antitussifs, il n’y a pas que la codéine qui fasse planer : le dextrométhorphane (DXM) est aussi un dérivé morphinique et présente à ce titre un risque d'accoutumance et de dépendance, son surdosage provoquant troubles digestifs, dépression respiratoire, signes neurologiques dont convulsions et coma, le décès n’étant pas exclu. Produit de synthèse apparu la première fois dans les années 60, en remplacement de la codéine dans les sirops contre la toux (à cause de son risque d’accoutumance…) il est aujourd’hui utilisé comme antitussif seul ou associé dans de nombreux médicaments.

Une drogue disponible légalement

L’ANSM s’inquiète de son utilisation « détournée à des fins "récréatives" ou de "défonce" », et pas seulement par des poly toxicomanes. Or s’il n’est plus en accès direct à ce jour en médication officinale, il peut cependant être délivré sans ordonnance « si sa concentration maximale en poids n’excède pas 0,3%, si la dose par unité de prise n’excède pas 30 mg ou si la quantité totale remise au public n’excède pas 400 mg ». Résumons-nous : le dextrométhorphane, inscrit sur la liste I des substances vénéneuses*, est aussi en vente libre (sirop, comprimés, pastilles etc.) car exonéré de cette réglementation lorsqu’il est en faible quantité. A l’instar de la codéine, présente à faible dose dans des médicaments en accès libre,  que les personnes dépendantes ingèrent en quantité pour obtenir leur « dose » avec le risque de surdosage en paracétamol par exemple.
En France le nombre de cas d’abus de DXM a augmenté ces cinq dernières années, avec 39 signalements contre 12 entre 2003 et 2008, et l’âge moyen s’est abaissé (21,4 ans versus 30,5 auparavant). De rares hospitalisations sont liées à ces abus, souvent « couplés » à une autre intoxication, mais le phénomène est très probablement sous-estimé.

Un phénomène qui n’est pas nouveau

L’ANSM déplore cette augmentation « malgré la mise en garde à plusieurs reprises des médecins et pharmaciens ». Une nouvelle fois, elle leur demande une « vigilance accrue » chez les adolescents et jeunes adultes, avec ou sans antécédents d’addiction (c’est parfois la deuxième « drogue » testée après le cannabis), la prescription d’autres antitussifs en cas de doute et pour le pharmacien la délivrance d’une seule boîte à la fois ; les professionnels de la prévention sont également mis en garde contre ce risque chez les plus jeunes. L’agence rappelle que l’abus de médicament ou la pharmacodépendance grave sont à signaler au Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance (CEIP-www.centres-pharmacodependance.net). Enfin, l’association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA) est quant à elle tenue de communiquer sur ce risque dans le cadre du « Plan de minimisation des risques ».
Ces actions seront-elles efficaces contre un phénomène qui n’est ni nouveau ni localisé en France ? Aux USA en 2008, une enquête montrait que 5% des jeunes (12-25) avaient utilisé des médicaments antitussifs ou anti-rhume dans un but récréatif. L’Indonésie a retiré du marché les spécialités contenant du DXM et l’Allemagne supprimé les comprimés à 60 mg. Quant à l’Europe, elle a démarré en 2012 une enquête d’addictovigilance …

* Liste des médicaments concernés sur le site de l’ANSM (rubrique actualité article du 26/11) : http://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Usage-detourne-de-medicaments-antitussifs-a-base-de-dextromethorphane-chez-les-adolescents-et-les-jeunes-adultes-Point-d-Information

Dr Blandine Esquerre

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Vos réactions (2)

  • Hypocrisie....

    Le 05 décembre 2014

    Qui prescrit encore de la codéine ?
    Alors que les pharmacies écoulent des monceaux de ce "Neocodion"....
    Chiffres AFSSAPS...
    1992 : 8 748 200
    1993 : 10.000.400
    1994 : 10.833.400
    1995 : 11.996.800
    1996 : 11.246.300.
    Introduction de substituts....
    Prix ? 3€80 à 4€50 pour 20 cp. (dose moyenne 40/j )
    L'argent n'a pas d'odeur. Néron !

    Dr Claude Amouroux

  • Un exemple allemand

    Le 06 décembre 2014

    Il y a +/- 40 ans, la firme Roche avait découvert que les ventes en Allemagne de Romilar en gouttes avaient été multipliées par 20 ou 30. Après enquête, ils ont appris qu'on organisait des "Romilar Parties" dans les casernes de l'armée américaine qui avaient un gros succès. On a retiré du marché le Romilar en gouttes et produit un sirop qui contenait un émétique à fortes doses.
    Sic transit...

    Dr Guy Roche

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