Paris, le jeudi 8 septembre 2022 – Selon une étude récente, les
vétérinaires présentent un taux de suicide trois à quatre fois plus
élevé que la population générale.
C’est un métier souvent rêvé par les enfants. L’amour des
animaux, l’envie de se rendre utile mais aussi la promesse de
revenus conséquents pousse chaque année de nombreux jeunes à tenter
les études de vétérinaire. Mais derrière l’image d’Epinal, il
semble que les médecins de nos amis à quatre pattes se trouvent en
réalité dans une situation peu envieuse.
Une étude menée par Didier Truchot, professeur en psychologie
sociale à l’université de Bourgogne, pour le compte du Conseil
national de l’ordre des vétérinaires (CNOV) et l’association
Vétos-Entraide, démontre en effet qu’une grande partie des
vétérinaires sont en détresse psychologique.
Un risque de suicide plus élevé que chez les agriculteurs
Au total, parmi les 3 244 vétérinaires ayant participé à
l’étude (soit 17,5 % de la profession), 4,7 % déclarent avoir déjà
fait une tentative de suicide. En outre, 18,4 % des vétérinaires
déclarent avoir occasionnellement des idées suicidaires et 4,8 %
fréquemment.
Des chiffres qui font des médecins des animaux les actifs
présentant le risque de suicide le plus élevé : ils se donnent la
mort trois à quatre fois plus que dans la population générale et
deux fois plus que leurs collègues exerçant en santé humaine. Leur
taux de suicide est même légèrement supérieur à celui des
agriculteurs, dont les tendances suicidaires sont fortement
médiatisées et pour lesquels les autorités ont mis en place un plan
d’actions en novembre dernier.
Les résultats de cette étude « n’ont surpris personne »
commente Corinne Brisbarre, vétérinaire en Gironde. « Huit
vétérinaires que je connaissais se sont suicidés, dont trois
camarades de promotion » explique celle qui est également
membre du CNOV. L’étude identifie plusieurs causes de ce mal-être
généralisé chez les vétérinaires.
La peur de l’erreur, les horaires décalés, les tensions avec
les collègues (chez les vétérinaires salariés) et surtout
l’importante charge de travail sont les principaux facteurs de
stress auxquels sont confrontés les vétérinaires : plus un
professionnel a un nombre d’heures de travail important et effectue
des gardes de nuit, plus son risque de suicide est élevé.
L’euthanasie, cause et moyen du suicide
Plusieurs vétérinaires évoquent également la forte charge
émotionnelle créé par la confrontation avec la souffrance des
animaux et de leurs maîtres, parfois tout aussi difficile à
supporter qu’en médecine humaine. Un traumatisme décuplé en cas
d’euthanasie d’animaux. « J’ai euthanasié tout un troupeau de
vaches avec à coté de moi l’éleveur qui pleurait à chaudes larmes,
vous êtes marqué à vie par ces situations-là » raconte un
vétérinaire.
« J’ai déjà euthanasié 2 500 poules toute seule, vous avez
intérêt à être solide ce jour-là » explique une de ses
confrères. La pratique des euthanasies permet d’ailleurs aux
vétérinaires d’accéder facilement à des produits leur permettant de
se donner la mort.
Sans aller jusqu’au suicide, de nombreux vétérinaires
préfèrent jeter l’éponge face aux difficultés du métier : en 2021,
340 praticiens de moins de 40 ans se sont désinscrits du tableau de
l’ordre.
Pour améliorer la santé mentale des vétérinaires,
l’association Vétos-Entraide en appelle à un changement de
mentalité. Si la profession de vétérinaire est désormais
majoritairement féminine, elle serait encore minée, selon
l’association, par des « valeurs de masculinité », qui
présentent la dépression comment une forme de faiblesse et qui
n’incitent pas les sujets en souffrance à venir chercher de
l’aide.
L’association dénonce également la part importante de
vétérinaires souffrant de « workaholisme », c’est-à-dire
d’addiction au travail : 37 % des vétérinaires entretiendraient une
forme de dépendance psychologiques vis-à-vis de leur travail.
Des constats et inquiétudes qui sont pour la plupart
transposables aux médecins exerçant en santé humaine.
La profession a vu son recrutement bouleversé en quelques décennies pour aboutir à un véritable gâchis de talents. On évoque le chiffre de 40 % d'abandon des métiers de base de la profession vétérinaire 10 ans après l'obtention du diplôme. Désespoir de se retrouver en pleine campagne avec un métier mal rémunéré et cible de l'hostilité sourde des groupements, coop et techniciens de tous poils, concurrence déloyale de tous les amis des bêtes, ostéopathes, éthologistes et autres murmureurs. Orientation paradoxale d'une grande masse d'étudiants animalistes et vegan (20 % au dire du corps professoral) prenant en pleine face la réalité de leur métier. Incroyable masse d'étudiants et surtout d'étudiantes amoureux de leur petit poney, imprégnés de l'esprit de club hippique et devant faire face à la réalité d'un métier difficile. Impossibilité de vivre en exerçant des approches basées sur le conseil et l'hygiène sans la vente massive de médicaments. Entrave permanente de l'administration à la spécialisation verticale en clientèle rurale (nombreux procès et condamnations pour défaut de continuité de soins pour des vétos ayant des clientèles éloignées en exercice spécialisé). Oui tout cela est un peu désespérant.