
Jean-Marc RETBI, Service de Néonatologie et Réanimation Néonatale, CH de Saint-Denis
Il naît chaque année en France 55 000 à 60 000 prématurés (terme < 37 semaines d’aménorrhée [SA]), dont environ 20 % sont de grands prématurés (< 33 SA). Ce sont ces derniers qui ont le risque le plus élevé de séquelles neuropsychiques. Il est à présent bien démontré qu’un certain nombre de ces séquelles est consécutif à des accidents cérébraux survenus en période périnatale et qu’il est possible de détecter ces accidents dès les premiers jours de vie. Cet article est une mise au point sur l’évaluation neurologique (EN) du prématuré hospitalisé en unité de réanimation avec « en toile de fond » le pronostic neurologique à long terme chez ce type d’enfant. Il rappellera des notions de base, puis envisagera successivement les accidents cérébraux propres au grand prématuré, ainsi que les moyens et la stratégie de l’EN du prématuré en réanimation.
Quelques notions de base
- L’hémorragie intraventriculaire (HIV) et la
leucomalacie périventriculaire (LPV) sont les accidents
cérébraux caractéristiques du prématuré (Larroche) (1).
Elles surviennent dans des zones et des périodes de vulnérabilité
spécifiques du cerveau en développement. En revanche,
l’encéphalopathie hypoxique-ischémique et les infarctus cérébraux
affectent plutôt le nouveau-né à terme.
- Soixante-dix pour cent à 90 % des « déficiences sévères »
des exprématurés ont un substratum anatomique périnatal du type HIV
de haut grade, LPV, etc. (le terme de « déficiences sévères »
désigne « les paralysies cérébrales », les retards mentaux avec QI
< 50, les surdités profondes et les cécités, reconnus
généralement avant l’âge de 2 ans et relativement fixés).-
L’évaluation neurologique (EN) du prématuré permet de détecter
la LPV, l’HIV, etc., et donc, de prévoir l’état neuro logique à 2
ans. En revanche, l’absence de LPV et de HIV ne présage pas du
devenir à long terme (6-7 ans) de l’exprématuré (possibilité de
troubles émotionnels et comportementaux, et de troubles cognitifs
et des apprentissages qui deviennent manifestes au moment de la
scolarisation) (5).
- La gravité des lésions cérébrales du prématuré peut faire
discuter un « arrêt de vie » en période néonatale. Ce problème
éthique est abordé différemment selon les pays. En France, la
Fédération nationale des pédiatres néonatologistes recommande de «
résoudre au cas par cas le problème posé », en considérant tout
nouveau-né comme « un patient à part entière » (6).
- L’unité de réanimation néonatale est le cadre de l’EN du
prématuré. La politique de périnatalité, appliquée en France depuis
l’an 2000, vise à faire naître 80 % des grands prématurés (les «
inborn ») dans un centre périnatal de niveau III (maternité +
néonatologie avec réanimation) et à faire prendre en charge
initialement presque 100 % de ces enfants dans une unité de
réanimation néonatale.
Les principaux tableaux anatomo-cliniques
Les deux grands tableaux anatomocliniques des lésions cérébrales propres à la prématurité sont l’HIV et la LPV (1-4).
Hémorragie intraventriculaire (HIV)
L’HIV proprement dite est définie par la présence de sang dans
les ventricules latéraux du cerveau. On lui rattache l’hémorragie
sous-épendymaire qui la précède toujours et l’hémorragie
parenchymateuse qui lui est parfois associée. C’est typiquement une
affection du prématuré de moins de 35 SA.
Son incidence est inversement proportionnelle à l’âge
gestationnel.
Chez le grand prématuré, elle a pu atteindre 50 % dans des séries
anciennes, mais elle tend à diminuer ces dernières années.
Histoire naturelle
Le saignement débute dans la zone germinative, qui n’est pas
encore totalement épuisée en cellules gliales et qui contient des
capillaires et des veinules. Il se produit, en règle générale, à la
partie antérieure de cette zone, au-dessus de la tête et de la
partie antérieure du corps du noyau caudé, et il est plus souvent
bilatéral qu’unilatéral. Il peut s’arrêter à ce stade (hémorragie
sousépendymaire), ou se poursuivre et se déverser dans le
ventricule latéral (hémorragie intraventriculaire).
Si l’HIV est abondante, le sang se répand dans tout le système
ventriculaire, puis dans l’espace sous-arachnoïdien (via les trous
de Luschka et de Magendie).
Une dilatation ventriculaire apparaît dans un tiers des HIV et
évolue vers une hydrocéphalie posthémorragique, s’il y a une
obstruction au niveau du toit du 4e ventricule ou de l’aqueduc de
Sylvius, ou un défaut de résorption du LCR. Dans certains cas, il
existe en plus de l’HIV, un infarcissement hémorragique du
parenchyme périventriculaire. Le saignement se produit au cours des
trois premiers jours de vie. Il apparaît le plus souvent dans les
heures qui suivent lanaissance, voire dans les heures qui la
précèdent et atteint son maximum vers 5 jours. Une hémorragie plus
tardive peut être due à des troubles de l’hémostase. L’hydocéphalie
non communicante, par « feutrage » du toit du 4e ventricule,
devient manifeste vers 3 semaines de vie.
La classification de Papile
En se basant sur les résultats de la tomodensitométrie cérébrale, Papile et coll. (7) ont proposé une classification des HIV en quatre stades :
- grade I : hémorragie sous-épendymaire ;
- grade II : HIV sans dilatation ventriculaire ;
- grade III : HIV avec dilatation ventriculaire, sans préjuger du
mécanisme de la dilatation ;
- grade IV : HIV avec hémorragie périventriculaire (en fait,il
s’agit d’un infarctus hémorragique).
Cette classification fait de l’infarctus hémorragique un stade de l’HIV et confère à l’hydrocéphalie – en ne la mentionnant pas – un statut de complication.
Pathogénie
L’hémorragie est due à un saignement capillaire dans le
territoire de la veine opto-striée. On pense que la rupture
capillaire est consécutive à la perte de l’autorégulation cérébrale
et aux variations brusques du débit sanguin et de la pression
cérébrale. L’hypercapnie pourrait favoriser l’HIV en entraînant une
vasodilatation cérébrale. Des à-coups tensionnels peuvent surtout
déclencher une HIV, en débordant l’autorégulation cérébrale. Les
grandes séquelles de l’HIV
sont en rapport avec l’apparition d’une hydrocéphalie
posthémorragique ou la destruction de parenchyme cérébral.
L’hémorragie de la zone germinative ellemême ne lèse que des
précurseurs des cellules gliales. Les grandes séquelles de l’HIV
sont en rapport avec l’apparition d’une hydrocéphalie
posthémorragique ou la destruction de parenchyme cérébral. Le
principal facteur de risque d’HIV est la grande prématurité. En
pratique, tout prématuré né avant 35 SA révolues est à risque
élevé d’HIV. Le sexe masculin, l’accouchement par voie basse
(versus la césarienne), une maladie des membranes hyalines, une
infection materno-foetale augmentent le risque.
Clinique et échographie
L’HIV du prématuré est silencieuse, sauf dans trois cas :
- quand elle est très abondante (« inondation ventriculaire
»). Elle se manifeste alors par une brusque détérioration de l’état
cardiorespiratoire et neurologique, associée à une déglobulisation
aiguë ;
- quand elle est associée à un infarctus hémorragique. Elle peut se
traduire par une instabilité cardiorespiratoire et des convulsions,
en général « subtiles », qui sont authentifiées par l’EEG ;
- quand elle se complique d’hydrocéphalie. Elle entraîne une
augmentation anormale du périmètre crânien et une disjonction de
toutes les sutures. L’échographie transfontanellaire (ETF) est le
meilleur examen pour diagnostiquer le saignementet surveiller son
évolution.
La dilatation ventriculaire est appréciée par l’augmentation de
l’index ventriculaire, mesuré sur la coupe coronale passant par les
trous de Monro.
L’échographie
transfontanellaire (ETF) est le meilleur examen
pour diagnostiquer le saignement et surveiller son évolution.
Pronostic
Le pronostic des HIV dépend de leur stade, l’hydrocéphalie étant mise à part. L’hémorragie sous-épendymaire et l’HIV sans dilatation ventriculaire ont un bon pronostic vital et psychomoteur. L’HIV avec dilatation ventriculaire notable entraîne moins de 10 % de décès, mais 30 à 40 % de paralysies cérébrales et de troubles cognitifs. Une hémorragie intraparenchymateuse associée fait monter la mortalité à 80 % et les séquelles neurologiques et cognitives à plus de 90 % chez les survivants. L’hydrocéphalie posthémorragique donne une mortalité élevée et deux tiers de séquelles sévères chez les survivants.
Traitement curatif et prévention
Le traitement d’une HIV se limite à peu près à une « réanimation
d’attente » en cas d’inondation ventriculaire ou d’hémorragie
périventriculaire.
La prise en charge d’une hydrocéphalie posthémorragique est
difficile. Il y a intérêt à « temporiser » jusqu’au voisinage du
terme en surveillant le périmètre crânien et les dimensions des
ventricules cérébraux. Quand la temporisation n’est pas possible,
les deux options neurochirurgicales sont la dérivation externe et
la mise en place d’un réservoir sous-cutané, relié à un drain
intraventriculaire. Reste la prévention primaire. Sur le versant
obstétrical, quand une prématurité spontanée ou induite apparaît
inévitable, la corticothérapie anténatale et un accouchement « non
traumatisant » sont recommandés.
Sur le versant pédiatrique, il importe de contrôler la pCO2 en
venti lation assistée et d’éviter les à-coups tensionnels, en
limitant le remplissage vasculaire et l’utilisation de bicarbonate
de soude semi-molaire, en luttant contre les gestes agressifs et
douloureux et en interdisant la kinésithérapie pendant les trois
premiers jours de vie.
Leucomalacie périventriculaire (LPV)
La LPV est caractérisée par une nécrose focale de la substance
blanche périventriculaire, survenant à un moment où cette substance
n’est pas encore myélinisée.
Le terme de « leucomalacie » rappelle les petites « taches blanches
» qu’on peut voir sur des coupes de cerveaux fixés.
La LPV est exclusivement une affection du grand prématuré. Son
incidence est estimée à 5- 10 % de tous les prématurés de moins de
33 SA. Elle est plus élevée chez les grands prématurés nés dans un
contexte de chorioamniotite et chez les jumeaux monochoriaux
survivants.
Histoire naturelle
La « fenêtre vulnérable » du cerveau vis-à-vis de la LPV se
situe entre 24 et 34 SA. Elle correspond à la présence des
progéniteurs tardifs des oligodendrocytes dans la substance blanche
périventriculaire et dans le corps calleux. Le début est
habituellement périnatal, mais il peut être aussi anténatal ou
postnatal tardif (extrême prématurité, entérocolites
ulcéronécrosantes).
Le foyer de nécrose de coagulation de la substance blanche est
l’aspect histologique le plus précoce ; une fragmentation des
axones peut y être mise en évidence.
Il devient rapidement le siège d’une réaction cellulaire
polymorphe, faite de cellules microgliales, puis de macrophages et
d’astrocytes. Il va évoluer soit vers une « lyse tissulaire » et
l’apparition de cavités (ou kystes), soit vers une « cicatrice
gliale » faite de gliose avec absence localisée de myéline. De la
nécrose au début de la cavitation/ gliose, il s’écoule une huitaine
de jours. Les lésions sont certainement plus diffuses et touchent
aussi les neurones de la sous-plaque et des noyaux gris centraux. À
long terme, il y aura une atrophie de la substance blanche, avec
démyélinisation. Classiquement, les foyers de LPV sont disséminés
d’avant en arrière dans le centre semiovale, avec une prédominance
au niveau du bras postérieur de la capsule interne (où passe le
faisceau cortico-spinal), et des radiations optiques.
Classification
Le processus de cavitation, qui est caractéristique de la LPV mais inconstant, sert à classer les LPV. D’après les résultats de l’ETF, on distingue :
- la LPV avec cavitation (ou LPV « kystique »), qui passe du
stade d’hyperéchogénicité à celui de cavitation (en échographie) en
14 à 21 jours ;
- et la LPV sans cavitation, où il n’y a qu’une hyperéchogénicité
persistante. On parle de « porencéphalie » quand les cavités sont
nombreuses et volumineuses.
Pathogénie
La LPV a d’abord été considérée comme une forme
d’encéphalopathie hypoxique-ischémique propre au grand prématuré.
Dans la théorie dite du « dernier pré carré », toute diminution du
débit sanguin cérébral, en l’absence d’une autorégulation efficace,
expose à l’ischémie la région latéro-ventriculaire de la substance
blanche, une zone qui est pauvre en anastomoses artérielles et
traversée par les fibres du faisceau cortico-spinal destinées aux
membres inférieurs.
De façon symétrique à l’HIV, les facteurs déclenchants deviennent
potentiellement l’hypotension artérielle et l’hypocapnie. La
théorie inflammatoire cadre plus souvent avec la clinique. Elle
fait jouer un rôle prépondérant aux macrophages et à la microglie,
et aux cytokines pro-inflammatoires à savoir le tumor necrosis
factor α et les inter leukines 2 et 6. Les facteurs déclenchants
sont alors l’infection et la réaction inflammatoire. Dans les deux
cas, la « cible cellulaire » est l’oligodendrocyte ouplus
précisément son progéniteur tardif qui ne fabrique pas de myéline.
La mort cellulaire peut être de nature ischémique ou
apoptotique.
Le processus qui aboutit à cette mort suscite de nombreuses
recherches dans trois grandes directions : le glutamate et la
cascade excitotoxique ; les radicaux libres, qu’ils dérivent de
l’oxygène et entraînent la peroxydation des lipides cérébraux ou du
monoxyde d’azote et provoquent la formation de nitrotyrosine ; et
les cytokines pro-inflammatoires, déjà mentionnées.
Pour expliquer les séquelles neurologiques, on invoque l’absence de
migration des progéniteurs et des astrocytes à destination
neuronale, du fait de l’obstacle formé par la cicatrice gliale,
l’interruption et le défaut de myélinisation des axones, la
destruction des neurones de la sous-plaque.
Facteurs de risque
Comme pour l’HIV, le principal facteur de risque est la grande
prématurité. En pratique, tout prématuré, né avant 33 SA
révolues,est à risque élevé de LPV.
Les facteurs de risque ≥ 10 % pour un prématuré < 33 SA sont la
chorioamniotite, la rupture prématurée des membranes (l’association
des deux fait monter le risque à 22 %), la gémellité monochoriale
(avec anastomosesplacentaires), et les métrorragies pré- et
perpartum.
Clinique et Échographie
La LPV est toujours silencieuse en période néonatale, ce qui fait que sa détection ne peut être qu’échographique. L’EEG peut toutefois aider quand il enregistre des pointes positives rolandiques (PPR), des « images en opposition de phase » (ou en miroir) sur les régions rolandiques, visibles dans un montage longitudinal. Dans la forme habituelle de LPV, les PPR apparaissent dès les premiers jours de vie. L’ETF est le seul examen permettant de diagnostiquer une LPV etde la suivre. La LPV débutante se traduit par une ou plusieurs plages d’hyperéchogénicité juste en dehors du ventricule latéral. Il faut alors « guetter » l’apparition de kystes au sein de ces plages pendant plusieurs semaines. On dit qu’une hyperéchogénicité est persistante quand elle dure plus de 10 jours, sans qu’apparaisse une cavitation.
Pronostic
La LPV est la grande pourvoyeuse de paralysies cérébrales chez
l’exprématuré, mais il faut séparer le pronostic des LPV cavitaires
de celui des hyperéchogénicités persistantes. Le pronostic
neurologique à 2 ans des LPV cavitaires peut être énoncé clairement
à partir du bilan des lésions en période néonatale. Globalement,
plus de 90 % des grands prématurés atteints de LPV kystique ont des
séquelles neurologiques à 2 ans. Les lésions pariétales et
pariéto-occipitales bilatérales donnent une diplégie
spastique des membres inférieurs (ou maladie de Little) et une
dyspraxie des membres supérieurs quand les kystes ont une extension
antério-postérieure (sur une coupe sagittale) < 2 cm ; et une
quadriplégie, un retard mental et un strabisme quand les
kystes ont une extension > 2 cm. Les lésions pariétales et
pariéto-occipitales vraiment unilatérales, qui sont souvent
étendues, donnent une hémiplégie croisée.
Les lésions frontales isolées n’entraînent pas de séquelles
apparentes à 2 ans. Les lésions occipitales isolées entraîneraient
des troubles de la vision et de l’oculomotricité.
Globalement, plus de 90 %
des grands prématurés atteints de LPV kystique
ont des séquelles neurologiques à 2 ans.
Le pronostic des hyperéchogénicités persistantes doit être
formulé avec l’aide de l’IRM précoce.
Globalement, 60 % des enfants ayant eu une hyperéchogénicité
persistante n’ont pas de séquelles neurologiques à 2 ans ; 20 % ont
des séquelles motrices « modérées » ; 20 % des anomalies
neurologiques transitoires au cours de la première année de vie. Si
l’IRM faite à 1 mois montre un hypersignal périventriculaire en T1,
ce qui se voit une fois sur deux, des séquelles motrices sont
constatées dans 70 % des cas, surtout pour une maladie de Little.
Si l’IRM est normale, dans 95 % des cas, l’examen neurologique est
normal à 2 ans. L’apparition retardée (hors HIV) d’une dilatation
ventriculaire assombrit le pronostic, parce qu’elle témoigne d’une
atrophie de la substance blanche.Traitement curatif et prévention
La poursuite des soins de réanimation est contestable, si la LPV
est bilatérale, étendue. À titre préventif, trois mesures
obstétricales sont importantes devant une menace d’accouchement
prématuré avant 34 SA : la corticothérapie anténatale,
l’antibiothérapie maternelle et le transfert in utero. En cas de
chorioamniotite, après rupture de la poche des eaux, il n’y a aucun
intérêt à essayer de prolonger la grossesse ; au contraire, une
extraction par césarienne peut se discuter. Il faut éviter en anté-
et en postnatal certains médicaments en solution contenant des
sulfites comme stabilisateurs (dexaméthasone, dopamine, etc.),
parce que ceux-ci ont une toxicité cérébrale chez le grand
prématuré.
En ventilation assistée, il faut éviter l’hypocapnie (une pCO2 <
25 mmHg) qui est corrélée à la survenue d’une LPV. Il faut aussi
dépister et compenser l’hypothyroxinémie transitoire du grand
prématuré, qui est corrélée au devenir neuropsychique. Enfin quand
les lésions de LPV sont constituées, il reste à en limiter les
conséquences. L’installation de l’enfant doit en particulier éviter
les « attitudes vicieuses » comme l’abduction des hanches. Une
prise en charge adaptée, impliquant un suivi prolongé de l’enfant
en collaboration étroite avec ses parents, doit être « démarrée » à
la sortie de l’unité de réanimation. À côté de l’HIV, il faut citer
les hémorragies de la fosse cérébrale postérieure qui peuvent être
intraou péricérébelleuses, les méningites, les foetopathies
infectieuses, etc. Mais en définitive, il y a schématiquement chez
le (grand) prématuré en réanimation trois tableaux anatomocliniques
qui comportent un risque élevé de séquelles neuropsychiques :
l’hémorragie intra- et périventriculaire (c’est à dire l’HIV avec
un infarctus hémorragique, l’hydrocéphalie posthémorragique et la
leucomalacie périventriculaire). L’installation souvent insidieuse
des deux premiers et silencieuse du troisième impose de les
rechercher systématiquement, par ETF, dès la naissance.
Stratégie de l’évaluation neurologique en réanimation
Quels moyens ?
Comme cela a été dit chemin faisant,l’examen neurologique est
souvent peu parlant en période néonatale. Habituellement, « la
clinique ne reprend ses droits » que lorsque le nouveau-né est
parvenu au voisinage du terme théorique (40-41 SA)1. Un examen
neurologique de maturation normal est alors rassurant (Amiel-Tison,
Dubowitz). À l’inverse, l’observation de « mouvements généraux »
atypiques est inquiétante (Precthl, Cioni).
La mise en évidence d’une réaction latérale d’abduction (Grenier)
et de schèmes neuromoteurs normaux (Le Métayer) permet de dire aux
parents que « leur enfant marchera à 2 ans »…, mais on est sorti de
la période de réanimation. L’hématocrite fait suspecter une
hémorragie intracrânienne quand il chute brusquement de façon nette
et inexpliquée. La ponction lombaire est à éviter en raison de sa
mauvaise tolérance et de ses difficultés (PL blanche ou
traumatique). Cependant, chez le prématuré, une hémorragie
sous-arachnoïdienne est presque toujours satellite d’une HIV.
L’EEG est après l’échographie transfontanellaire (ETF) un bon moyen
d’EN du prématuré (Dreyfus-Brisac1). Il doit être acquis « au lit
du malade » et interprété par un spécialiste compétent. Certains
tracés de fond sont péjoratifs (asymétrie et asynchronie des ondes
lentes ; inactivité) ; les PPR sont un signe d’ischémie
périventriculaire. L’échographie cérébrale (ou ETF) est le meilleur
moyen d’EN du prématuré en réanimation. Elle est faite au lit du
malade avec un appareil mobile performant et une sonde de fréquence
élevée par un néonatologiste expérimenté. La fenêtre de la
fontanelle antérieure permet de réaliser des coupes du cerveau à
peu près coronales et sagittales, mais la superficie du cerveau et
la fosse cérébrale postérieure sont difficiles à explorer. L’IRM
cérébrale « précoce » vient compléter l’ETF. L’examen oculaire est
difficile à réaliser, mais les fonds d’yeux doivent être contrôlés
vers 36 SA pour détecter une rétinopathie
du prématuré. Quant aux tests auditifs et à l’étude des potentiels
évoqués somesthésiques, ils ne sont pas réalisables avant plusieurs
mois.
Stratégie d’exploration et de surveillance par
l’imagerie cérébrale.
En définitive, le cerveau du prématuré doit être exploré systématiquement par échographie4,8. Chez le grand prématuré (< 33 SA), il faut faire au minimum trois ETF pendant le premier mois de vie.
- La première ETF doit être faite dans les 3 premiers jours. L’échographie morphologique précoce recherche une hyperéchogénicité anormale, sous-épendymaire, intraluminale, parenchymateuse et/ou des noyaux gris centraux. Elle permet d’affirmer une hémorragie de la zone germinative, une HIV (avec parfois une dilatation ventriculaire débutante) et une hémorragie intra- et périventriculaire, mais pas une LPV, sauf présence exceptionnelle à cet âge de microkystes en son sein. En effet, si une plage d’hyperéchogénicité latéroventriculaire isolée fait craindre une LPV, d’autant plus qu’elle est intense, hétérogène et étendue, elle peut aussi régresser les jours suivants (« hyperécho - génicité transitoire »). Quand l’échographie morphologique semble normale, il est intéressant de la compléter par un Doppler pulsé de l’artère cérébrale antérieure.
- La deuxième ETF doit être faite entre 7 et 10 jours de vie.
Elle peut :
- révéler la survenue d’une HIV, alors que le première ETF était
normale ou ne montrait qu’une hémorragie sous-épendymaire ;
- montrer l’apparition d’une dilatation ventriculaire ou d’un
infarctus hémorragique sur une HIV préexistante ;
- confirmer la réalité d’une hyperéchogénicité périventriculaire,
en raison de sa persistance ou de son hétérogénéïté (annonciatrice
de kystes) ;
- affirmer l’existence d’une autre lésion (par ex. : des noyaux
gris centraux).
Beaucoup de
néonatologistes considèrent que tout prématuré,
qui a eu une souffrance cérébrale périnatale,
doit subir une IRM vers 1 an.
Si les deux premières ETF sont normales, une
troisième et dernière ETF à 1 mois est suffisante. Cependant, tout
événement intercurrent (infection, entérocolite ulcéronécrosante,
etc.), tout incident de parcours justifieront une ETF
supplémentaire. Si les premières ETF sont anormales, des examens
échographiques séquentiels s’imposent jusqu’au voisinage du terme.
La surveillance d’une HIV aura pour but de détecter une dilatation
ventriculaire éventuelle et d’apprécier son évolutivité
morphologique (hydrocéphalie). Le Doppler peut mettre en évidence
une augmentation de l’indice de résistance, qui est corrélée avec
l’existence d’une hypertension intracrânienne. La surveillance
d’une LPV pourra montrer l’apparition de macroou plus fréquemment
de microkystes, la persistance prolongée d’une hyperéchogénicité
périventriculaire ou celle d’une ventriculomégalie. La
ventriculomégalie donne un aspect arrondi aux cornes frontales (sur
les coupes coronales) ; elle est stable, mais peut s’accompagner
d’un élargissement acquis des espaces péricérébraux.
C’est dans ce contexte que se discute l’indication de l’IRM
cérébrale dite « précoce », réalisée entre 1 mois de vie, et le
terme théorique. L’IRM précoce est notamment contributive dans
l’hydrocéphalie posthémorragique et l’hyperéchogénicité
périventriculaire prolongée, ainsi que dans les lésions des noyaux
gris centraux et les hémorragies de la fosse cérébrale postérieure.
,Passée la période néonatale, l’IRM devient l’examen de référence
pour l’examen du cerveau. Beaucoup de néonatologistes considèrent
que tout prématuré qui a eu une souffrance cérébrale périnatale
doit subir une IRM vers 1 an. Les techniques de perfusion et de
diffusion en sont à leurs débuts en pédiatrie.
Le pronostic de la prématurité s’est déplacé des poumons au cerveau.
Conclusion
Quand on considère l’évolution de la nature et de l’organisation des soins périnataux, et de leurs résultats, au cours des vingt dernières années, deux grandes tendances se dégagent. Grâce aux progrès des traitements à visée respiratoire (corticothérapie anténatale, surfactants pulmonaires, ventilation par OHF), le pronostic de la prématurité, notamment celui de la grande prématurité, s’est déplacé des poumons au cerveau. L’objectif du néonatologiste n’est plus de faire survivre le prématuré, mais de faire survivre un prématuré en bon état neurologique. Les accidents neurologiques ont aussi changé en fréquence et gravité. L’incidence des HIV sévères a nettement diminué. Relativement, la LPV est actuellement la principale pourvoyeuse de séquelles neurologiques à 2 ans, mais l’incidence des formes kystiques étendues a aussi diminué, semble-t-il. Ceci est surtout rapporté à l’amélioration de la qualité des soins obstétricaux et néonataux, concernant leur nature et leur organisation. En effet, à ce jour, il n’y a pas de traitement curatif et les tentatives de neuroprotection sont infructueuses.
Références
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http://www.sfip-radiopediatrie.org/