Lévothyrox : le laboratoire Merck mis en examen pour tromperie aggravée

Marseille, le mercredi 19 octobre 2022 – Cinq ans après le changement controversé de formule de son médicament Lévothyrox, le laboratoire Merck a été mis en examen pour tromperie aggravée.

Lorsque l’on est mis en cause pour un défaut d’information, mieux vaut soigner sa communication. La filiale française du laboratoire pharmaceutique allemand Merck a donc préféré prendre les devants en annonçant d’elle-même ce mercredi matin sa mise en examen pour tromperie aggravée. Une mise en examen qui fait suite à l’audition du président de Merck France ce mardi au pôle santé du tribunal judiciaire de Marseille.

Le juge d’instruction a par ailleurs ordonné au laboratoire de verser 4 millions d’euros pour garantir le paiement d’amendes et de dommages et intérêts et 300 000 euros pour garantir sa représentation en justice, ainsi que de constituer une garantie bancaire de 7 millions d’euros.

Effets secondaires ou effet nocebo ?


Cette mise en examen est liée aux « modalités d’information mises en place au moment de la transition de l’ancienne à la nouvelle formule en 2017 » annonce le laboratoire. En mars 2017, Merck avait en effet changé la formule du Lévothyrox, un médicament del’hypothyroïdie, en remplaçant le lactose, l’un des excipients, par du mannitol, sans toucher au principe actif (la lévothyroxine), afin de renforcer la stabilité de la formule.

Dans les mois qui avaient suivi, plus de 30 000 patients (sur plus de 2,5 millions de personnes prenant quotidiennement du Lévothyrox) s’étaient plaint de divers effets secondaires subjectifs (maux de tête, vertiges, problèmes digestifs, chute de cheveux…).

L’affaire avait alors provoqué une importante polémique scientifique, le laboratoire Merck affirmant que la modification de l’excipient « ne change ni l’efficacité ni le profil du médicament ». En juin 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) publiait une étude menée sur près de 2 millions de patients et concluait qu’il n’existait « aucun argument en faveur d’une toxicité propre de la nouvelle formule du Lévothyrox », pointant du doigt, sans le nommer, un effet nocebo pour expliquer la survenue d’effets secondaires.

Malgré cela, les autorités sanitaires ont tout de même décidé d’importer l’ancienne formule du Lévothyrox (appelé Euthyrox) depuis l’Allemagne puis la Russie afin de laisser le choix aux patients. Une importation qui doit en principe cesser à la fin de cette année.

Le laboratoire Merck condamné au civil pour défaut d’information


Au-delà du changement de formule en lui-même, il était reproché au laboratoire Merck de n’avoir pas suffisamment informé les patients de cette modification. Après avoir été débouté en première instance, 3 329 patients avaient obtenu en juin 2020 que la cour d’appel de Lyon condamne au civil le laboratoire Merck à leur verser 1 000 euros chacun pour préjudice moral.

Une condamnation confirmée par la Cour de Cassation en mars dernier, qui a retenu que « lorsque la composition d’un médicament change et que cette évolution de formule n’est pas signalée explicitement dans la notice, le fabricant et l’exploitant peuvent se voir reprocher un défaut d’information ».

En parallèle, des patients toujours convaincus des effets nocifs du changement de formule ont porté plainte au pénal en 2018 pour tromperie aggravée, homicide et blessures involontaires, ce qui a donc conduit quatre ans plus tard à la mise en examen du laboratoire Merck. Le fait que seul le chef de tromperie aggravée ait été retenu laisse penser que c’est encore une fois le défaut d’information du laboratoire qui lui est reproché et non pas les supposés effets nocifs du changement de formule.

Par ailleurs, des utilisateurs de Lévothyrox ont également entamé en septembre 2021 une procédure collective devant le tribunal administratif à l’encontre de l’ANSM, à qui il est reproché un « défaut de vigilance et d’anticipation » lors du changement de formule. Une procédure menée, comme toute celle contre le laboratoire Merck, par l’avocat Christophe Lèguevaques.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Lévothyrox, tout ça pour ça

    Le 20 octobre 2022

    Pourquoi tant de problèmes en France et aucun en Belgique avec le même excipient ? Parce que le Lévothyrox est un médicament à marge thérapeutique étroite, très étroite, qu'il faut équilibrer au "quart de poil" ; avec le nouvel excipient, la biodisponibilité était améliorée.
    En Belgique les patients et les médecins étaient prévenus: "attention aux surdosages!". En France l'information était "nous remplaçons cet excipient ci par celui-là". Bilan : nombreuses hyperthyroïdies avec les symptômes bien connus (tachycardie, flushes, anxiété...) et la rumeur a démarré, impossible à arrêter. Tout ça pour ça !

    Dr J-J Perret

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