
Un phénomène aggravé par la pandémie de Covid-19
Elle se définit par le retard dans l’acceptation ou le refus des vaccinations malgré l'existence d'un dispositif d'offre vaccinale (d'après le groupe de travail du SAGE, Strategic Advisory Group of Experts on immunization) de l’OMS. L’OMS a classé en 2019 la méfiance vis à vis des vaccins dans les 10 principales menaces de santé publique [1].
Ce n’est pas un phénomène récent. A titre d’exemple, une
enquête conduite en France en 2005 avait montré que près de
90 % de la population était favorable à la vaccination ; en 2010,
le chiffre était tombé à près de 66 %. C’était la campagne de
vaccination H1N1 qui avait fait baisser la confiance en la
vaccination [2].
De nombreuses publications ont traité de ce sujet. Selon la base de données médicales et scientifiques PubMed (01/06/2021), 1 828 publications depuis 1968 ont été consacrées à l’hésitation vaccinale, avec un pic entre 2010-2021.
La pandémie Covid-19 a aggravé ce phénomène. Moins d’un an après l’apparition de la Covid-19, les vaccins « ARN messager » étaient produits, puis rapidement utilisés. Il y a eu une prolifération de désinformations, de fausses nouvelles et rumeurs, et le mot « infodémie » a été utilisé. Cela a entraîné chez certains une aggravation de la méfiance et une hésitation face à ces vaccins (production trop rapide, essais vaccinaux raccourcis…), avec comme conséquences un risque accru de morbidité et/ou de mortalité pour certaines personnes (comorbidités, immunodéprimés), et une baisse de l’immunité collective.
Etude sur les causes
Lors des « XXVIIe Actualités du Pharo*» tenues à l’Hôpital de la Timone à Marseille du 5 au 7 octobre 2022, une communication affichée (poster) était consacrée aux causes de l’hésitation vaccinale [3] ; l’intérêt de cette étude est qu’elle a concerné l’Amérique du Nord, l'Europe et l’Afrique sub-saharienne.
Son objectif était d’étudier les motifs de l’hésitation vaccinale dans des zones géographiques très différentes, d’en comprendre les déterminants, parfois spécifique aux régions.
Les informations sont issues d’une revue de la littérature sur l’hésitation à la vaccination Covid-19 à partir de la consultation de la base de données PubMed, mais aussi de l’étude de la littérature grise. La recherche a été réalisée en juin 2021 à travers des mots clés (SARS-CoV-2/Covid 19- vaccination acceptante, hesitancy, refusal, fearing…). La sélection, l’extraction et le traitement des données ont été faites conformément aux directives PRISMA**(Preferred Reporting Items for Systematic reviews and Meta-Analyses) [4].
Cinq études indexées sur PuBMed ont été incluses. De plus les résultats portant sur 76 enquêtes sur les taux d’hésitation/acceptation vaccinales ont été colligés. Les résultats provenant de 32 pays sont donnés ci-dessous.
La peur des effets secondaires (32 %), des doutes sur
l’efficacité et l’innocuité des vaccins (32 %), et la perception du
risque de maladie ont été les principales raisons répertoriées
expliquant l’hésitation vaccinale.
D’autres facteurs ont été notés : la méfiance vis à vis du
gouvernement (15 %), le développement trop rapide des vaccins (14
%), des antécédents vaccinaux (11 %), la fiabilité des vaccinations
(9 %).
Plus rarement ont été cités : l’influence des médias sociaux
(7 %), l’affiliation politique (6 %),
Le manque de confiance dans l’industrie pharmaceutiques (6 %)
et les influences religieuses et culturelles (5 %).
Les taux variaient selon les régions géographiques. Ils
étaient les plus élevés en Afrique (Cameroun 85 %, Bénin 76 %, RDC
62 %), plus faibles en Europe (52 %) et en Amérique du Nord (47
%).
Particularités en Afrique, Europe et Amérique du Nord
Des particularités régionales dans les raisons expliquant l’hésitation vaccinales ont été observées.
En Afrique, il s’agissait surtout de la méfiance sur
l’existence de la maladie, des croyances conspirationnistes (les
vaccins sont testés chez les Africains et sont développés pour
faire du mal aux Africains, avec en particulier le risque de
stérilité chez les femmes) ; en Europe les antécédents de
vaccination contre la grippe ; en Amérique du Nord l’affiliation
politique et l’appartenance raciale.
La conclusion de cette étude est qu’il faut renforcer les
actions d’information et de sensibilisation pour augmenter l’accord
des populations pour la vaccination, et garantir ainsi une immunité
collective suffisante, une diminution de la morbidité et de la
mortalité liées aux maladies pour lesquelles nous disposons de la
vaccination.
Il y a aussi la nécessité de développer des études
socio-anthropologiques, de définir des stratégies ciblées selon les
contextes avec une meilleure coordination entre Etats, décideurs,
communauté et médias.
*Les « Actualités du Pharo » sont les seules rencontres francophones de médecine et de santé publique tropicales ayant lieu chaque année en France. En 2022, la XXVIIe édition s’est tenue à Marseille les 5, 6 et 7 octobre. Depuis 2012, et après la fermeture de l'Ecole du Pharo (Institut de médecine tropicale du Service de santé des armées), le GISPE (Groupe d'intervention en santé publique et épidémiologie) a repris l'organisation de ce congrès, dans la suite du Service de santé des armées créateur de cette réunion scientifique en 1994. https://www.infectiologie.com/fr/reunions/actualites-du-pharo-1_-n.html
**PRISMA. La déclaration PRISMA (Preferred Reporting Items
for Systematic reviews and Meta-Analyses), publiée en 2009 et
actualisée en 2020 a été conçue pour aider les auteurs dans l’étude
de revues scientifiques, de Méta-Analyses, et à communiquer
de manière transparente les raisons pour lesquelles l'examen a été
effectué, ce que les auteurs ont fait, et ce qu'ils ont
trouvé.
Pr Dominique Baudon