L’usage détourné d’Ozempic inquiète les médecins

Paris, le lundi 27 février 2023 – Sur TikTok, des influenceurs font la promotion de l’Ozempic comme régime minceur, alors que ce médicament est destiné aux personnes diabétiques.

TikTok est-il dangereux pour la santé ? Ces derniers mois, le réseau social chinois a déjà été accusé de faire la promotion de comportement dangereux, notamment des pratiques d’automutilation. Le réseau social, très populaire chez les adolescents et les jeunes adultes, est de nouveau au cœur d’un scandale sanitaire, en raison de sa promotion de l’usage détournée de l’Ozempic, un médicament pour le « traitement du diabète de type 2 insuffisamment contrôlé » indique son fabricant, le laboratoire danois Novo Nordisk.

Sur TikTok, le mot-clé #Ozempic cumule plus de 500 millions de vues et lorsque l’on tape le nom de ce médicament dans le moteur de recherche de TikTok, on tombe immédiatement sur des vidéos réalisées par de jeunes influenceurs, qui promeuvent un usage détourné de ce produit et vantent ce médicament comme un régime minceur miracle. Avec des images avant-après comme preuve, les vidéastes en herbe expliquent à leurs followers avoir perdu plusieurs kilos en quelques semaines sans régime et sans faire de sport.

Un usage détourné qui pénalise les diabétiques

Commercialisé en France depuis 2019 sous la forme de seringues préremplies, l’Ozempic a pour principe actif le sémaglutide, un analogue du GLP-1 qui permet une diminution moyenne de l’hémoglobine glyquée de 1,5 %. Associé à un traitement conventionnel du diabète de type 2, il a un effet supérieur à l’insuline ou à la sitagliptine pour équilibrer le diabète. Mais l’Ozempic provoque également une perte de poids importante, d’environ 10 % du poids initial. C’est cet effet secondaire qui est recherché par les utilisateurs de Tik-Tok.

L’utilisation détournée d’Ozempic comme régime minceur inquiète les autorités scientifiques à double titre. Tout d’abord, dans un contexte généralisé de pénurie de médicaments, cet usage imprévu provoque des tensions d’approvisionnements qui pénalisent ceux qui ont réellement besoin de ce produit, à savoir les personnes souffrant de diabète de type 2. En Australie, les pharmacies sont déjà en rupture de stock d’Ozempic jusqu’à fin mars 2023 et les officines américaines connaissent des difficultés d’approvisionnement depuis mi-novembre.

En France, des pharmaciens ont tiré la sonnette d’alarme après avoir constaté un nombre important d’ordonnances délivrées à des personnes ne souffrant pas de diabète ainsi que des ordonnances falsifiées. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a récemment rappelé aux médecins l’importance de respecter strictement les indications de l’Ozempic et avait fait part de « tensions d’approvisionnement » dans les pharmacies françaises en octobre dernier. Le laboratoire Novo Nordisk a reconnu pour sa part que « sa capacité d’approvisionnement actuelle ne répond pas toujours à cette demande excédentaire » et que la disponibilité du produit était « intermittente avec des ruptures de stock périodiques ».

Des effets secondaires loin d’être anodins

Outre ce problème d’approvisionnement, l’utilisation d’Ozempic à des fins autres que la stabilisation du diabète n’est pas anodine en raison des effets indésirables de ce médicament. La consommation d’Ozempic peut ainsi provoquer des nausées et des diarrhées mais aussi « des risques plus rares mais plus graves comme des pancréatites aigues, des troubles biliaires, de rares cas de constipation sévère qui peuvent conduire à l’obstruction intestinale et un risque accru de cancer de la thyroïde » explique le Pr Jean-Luc Faillie, professeur de pharmacologie au CHU de Montpellier.

Ces risques sont acceptables au vu des bénéfices d’Ozempic dans le traitement du diabète, mais « si l’on utilise pour perdre quelques kilos, là le bénéfice thérapeutique est nul, c’est juste de l’esthétique alors que les risques sont toujours présents » estime le Pr Faillie. En outre, l’usage hors prescription d’Ozempic risque de rendre plus difficile la surveillance de ces effets secondaires : « ni les patients ni les prescripteurs ne sont motivés pour déclarer les effets secondaires lorsqu’ils sont hors des clous » explique le Pr Faillie.

Bien conscient du potentiel de son médicament, le laboratoire Novo Nordisk a en conçu une version différente, plus fortement dosée en sémaglutide, destiné à lutter contre les formes sévères d’obésité. Commercialisé sous le nom de Wegovy, ce médicament a reçu un avis favorable de la Haute Autorité de Santé (HAS) en décembre dernier pour son utilisation en France, mais est pour l’instant réservé aux personnes souffrant d’obésité sévère (IMC supérieur à 35). « Le Wegovy n’est pas un médicament magique, comme toujours dans l’obésité, il doit être accompagné d’une prise en charge globale » insiste Karine Clément, spécialiste de l’obésité à l’Inserm.

Grégoire Griffard

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