Maladie thrombo-embolique veineuse en chirurgie : quelle prévention ?

 J.-F. ALEXANDRA,

CHU Bichat, Paris

 

Il existe peu d’études de prévention spécifiques aux sujets âgés. Mais le seul critère de l’âge est un facteur de risque indépendant de thrombose imposant de considérer un traitement au décours de la plupart des gestes chirurgicaux. En général, une héparine de bas poids moléculaire à une injection quotidienne. 

La pathologie veineuse thromboembolique postopératoire chez les patients âgés apparaît clairement dépendante du geste chirurgical lui-même, amenant à classer les interventions entre risque faible, modéré ou élevé. Ce distinguo est à la base des différentes posologies des traitements préventifs. Cependant, le terrain du patient, notamment son âge supérieur à 75 ans, confère à tout geste un surcroît de risque. Les données épidémiologiques, issues de cohortes déjà anciennes estimant le risque postopératoire sans prophylaxie, ne prennent pas en compte
les progrès les plus récents à même de réduire ce risque. Certains facteurs de risque de thrombose propres aux patients (encadré) impactent fortement la décision de mettre ou non en place un traitement médicamenteux.

Quelle prophylaxie ?

Contention mécanique

Dans tous les cas où elle est possible et malgré des niveaux de preuve hétérogènes, il faut considérer la mise en place de bas ou bandes de contention, dont les effets secondaires apparaissent négligeables.

Anticoagulation

  En théorie

Il faut l’apprécier en fonction du risque lié au geste. De manière générale, les traitements recommandés sont les héparines de bas poids moléculaire (HBPM). Se discutent aussi le fondaparinux (Arixtra®) ou l’héparine non fractionnée. Quant aux inhibiteurs directs de la thrombine (hirudine principalement) ou les antivitamines K (AVK), leur niveau de preuve est nettement inférieur.

  En pratique

Les HBPM semblent le traitement de référence dans la plupart des situations. Les héparines non fractionnées (HNF) sont une alternative en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min selon Cockroft). Dans les suites d’une prothèse totale de hanche (PTH), le fondaparinux (Arixtra®) apparaît supérieur aux HBPM : mais son utilisation au-delà de 75 ans est mal évaluée. Pour réduire le risque hémorragique, il est contre-indiqué pour une clairance inférieure à < 20 ml/min ; et sa posologie doit être diminuée à 1,5 mg pour une clairance entre 20 et 50 ml/min (dosage disponible en Europe mais pas encore en France). Chez les patients présentant une contre-indication à tous ces traitements (par exemple, association d’insuffisance rénale et de thrombopénie immuno-allergique à l’héparine), le danaparoïde sodique (Orgaran®) ou les dérivés de l’hirudine (Refludan®, Revasc®) sont proposés. La posologie des héparines est fonction du niveau de risque (tableau). La posologie des autres traitements n’est pas modifiée en fonction du risque.

  Quand démarrer ?

Ce peut être avant ou après la chirurgie, aucune étude n’établissant avec certitude le moment le plus opportun. La durée du traitement est spécifique à chaque geste chirurgical.

  Quelle surveillance ?

Celle-ci doit être menée selon deux axes : efficacité, principalement jugée sur les événements thrombo-emboliques et innocuité. Dans ce dernier cas, le nombre d’événements hémorragiques et les autres effets secondaires sont à considérer de manière systématique. Il est ainsi recommandé de surveiller le taux de plaquettes en cas de traitement par HBPM ou HNF deux fois par semaine les 21 premiers jours, puis une fois par semaine ensuite jusqu’à la fin du traitement. Il convient également de surveiller le TCA en cas de traitement par HNF, même à visée préventive. L’activité anti-Xa n’est pas à surveiller en routine en cas de traitement par HBPM, sauf poids extrême ou fonction rénale altérée. Il n’y a pas de surveillance du traitement par fondaparinux.

Les différentes chirurgies

Orthopédie

Cette discipline est à classer parmi les risques thrombotiques élevés, avec un risque sans traitement autour de 50 %,14 jours après une PTH.

 

  Prothèse totale de hanche

Les recommandations sont en faveur d’un traitement prolongé jusqu’à 6 semaines après le geste chirurgical. Le choix de la molécule varie entre le fondaparinux avec toutes les précautions chez les sujets de plus de 75 ans, ou les HBPM à dose préventive « forte ».

  Fracture du col fémoral

La prophylaxie devra se poursuivre à dose « forte » jusqu’au 35e jour postopératoire sans que les recommandations ne distinguent la prothèse de l’ostéosynthèse.

  Prothèse de genou

La durée du traitement est généralement de 14 jours, à dose préventive « forte ». Elle peut se prolonger en cas de facteurs de risque propres au patient.

  Rachis

Pas de consensus en cas de chirurgie à type de hernie discale ou de laminectomie. Le risque paraît modéré, mais le contexte gériatrique rend licite un traitement préventif « fort » jusqu’à la reprise de la déambulation.

  Pathologie non chirurgicale type fracture du bassin

Il semble licite de proposer une prévention « forte » jusqu’à la reprise de la déambulation. En cas de risque hémorragique, une contention veineuse est impérative.

Urologie

Schématiquement, le risque est modéré lors d’un geste par voie endoscopique, et élevé en cas de chirurgie ouverte du bas appareil. Il n’y a pas lieu de modifier la durée du traitement en fonction du caractère ambulatoire ou non. En chirurgie endoscopique (prostate, vessie, incontinence urinaire par voie périnéale), le risque modéré justifie d’une anticoagulation à dose « faible » pendant 7 à 10 jours. En chirurgie ouverte, le traitement à dose « forte » est prescrit pendant 7 à 10 jours. En chirurgie carcinologique, au cas par cas, la durée d’une prévention « forte » est au cas par cas, pouvant aller jusqu’à 6 semaines.

Abdomen et varices

En chirurgie « majeure » (côlon, foie, pancréas, lésions cancéreuses), le risque thrombotique est élevé et justifie d’une anticoagulation préventive « forte » de 7 à 10 jours et jusqu’à un mois en cas de cancer. En chirurgie mineure (vésicule non inflammatoire, paroi, appendice, proctologie) et varices, le risque est moindre. Une prévention « faible » pour une durée de 7 à 10 jours semble licite.

Gynécologie

Si le risque est modéré (hystérectomie vaginale, laparotomie exploratrice, coelioscopie > 60 min, chirurgie mammaire carcinologique), la situation gériatrique amène à une anticoagulation « forte » pendant 7 à 14 jours. Si le risque est élevé (hystérectomie voie haute, prolapsus, tumeur pelvienne), une anticoagulation « forte » est prescrite pendant 4 semaines.

Pour en savoir plus

La conférence de consensus est consultable sur le site de la SFAR : http://www.sfar.org

Copyright © Len medical, Gerontologie pratique, mai 2009

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Vos réactions (1)

  • Quid en chirurgie thoracique ?

    Le 12 octobre 2009

    Que peut on dire dans le contexte du cancer et/ou de la chirurgie thoracique. Dans ce dernier cas les patients sont drainés et doivent (à cause des drains) rester alités plus longtemps. Existe-t-il des recommandations spécifiques ?
    Dr Herry

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