
Sélection drastique
Cela a été beaucoup dit, mais il ne peut être nié que la
pandémie de Covid a conduit à une réactivité sans précédent des
laboratoires pharmaceutiques du monde entier qui a été accompagnée
par un dynamisme inédit des autorités de régulation qui ont su
notamment mettre en place des procédures d’examen et d’autorisation
accélérées. Cependant, ces élans convergents et indéniables n’ont
pas empêché de nombreuses déceptions. Ainsi, en octobre dernier,
alors que 82 traitements à des stades avancés de développement
clinique leur ont été présentés, les experts européens de l’Agence
européenne du médicament (EMA) n’en ont retenu que dix semblant
prometteurs. Aujourd’hui, Omicron bouleverse encore la donne :
plusieurs anticorps monoclonaux se révèlent en effet inefficaces
face à ce nouveau variant.
Paxlovid : un médicament pour tous qui pourrait être d’abord réservé à quelques-uns
Le Paxlovid des laboratoires Pfizer est une association de deux molécules, le PF-07321332, un inhibiteur de la protéase de SARS-CoV-2 3CLpro, et le ritonavir (traitement indiqué dans la prise en charge des patients infectés par le HIV). La co-administration des deux molécules conduit à ralentir la dégradation du PF-07321332. Les essais d’évaluation ont mis en évidence une réduction du risque d’hospitalisation et de décès de 89 % chez les patients traités par Paxlovid (par rapport aux non traités). Ainsi, 0,8 % des malades traités par Paxlovid ont été hospitalisés (28 jours après la randomisation), contre 7 % dans le groupe témoin. Aucun décès n’a été par ailleurs déploré dans le premier groupe vs 7 dans le second. L’efficacité du traitement n’est pas altérée face à Omicron. Si Olivier Véran s’est félicité d’observer que la France sera dans quelques semaines un des premiers pays à y avoir accès, les premières livraisons pourraient cependant être contingentées empêchant une très large diffusion et imposant probablement des indications resserrées dans les premiers temps. Pourtant, l’un des atouts du Paxlovid est également sa voie d’administration : per os dès les premiers symptômes. Le prix du traitement en France n’a pas encore été précisé.Le Sotrovimab des laboratoires GSK est pour sa part un anticorps monoclonal d’origine humaine. Son action est dite « neutralisante en empêchant le virus d’infecter de nouvelles cellules et une action effectrice puissante en éliminant les cellules déjà infectées ». Les données encore préliminaires qui lui ont valu son feu vert par les autorités européennes et la Haute autorité de Santé (HAS) la semaine dernière signalent une « réduction du risque de progression vers une forme sévère de la Covid-19 (hospitalisation de plus de 24 heures ou décès) d’environ 80 % (étude COMET-ICE) après administration du traitement ». Le traitement conserve son efficacité face à Omicron et il devrait être accessible en France dans quelques semaines. Il sera recommandé pour les personnes infectées par SARS-CoV-2 à haut risque de formes graves... Le traitement doit être administré par voie intraveineuse « dans un établissement de santé dans lequel les patients peuvent être surveillés durant l’administration et pendant au moins 1 heure après l'administration ».
Une prophylaxie pré-exposition qui demeure efficace face à Omicron
Parmi les médicaments qui conservent leur efficacité face à Omicron, figure le traitement prophylactique Evusheld des laboratoires AstraZeneca. Il s’agit de l’association de deux anticorps monoclonaux à action prolongée, le tixagévimab et le cilgavimab. Évalué à travers l’étude Provent, Evusheld est associé à une diminution de 77 % (analyse primaire) à 83 % (analyse à six mois) du risque de développer une affection symptomatique liée à SARS-CoV-2. Disponible en France depuis le 15 décembre, Evulshed est recommandé chez les patients insuffisamment ou non répondeurs après un schéma vaccinal complet ou non éligibles à la vaccination en prophylaxie pré-exposition. Depuis quelques jours, le traitement est même disponible en ambulatoire sur prescription hospitalière.Des traitements disqualifiés par Omicron
A contrario, plusieurs anticorps monoclonaux n’ont aujourd’hui quasiment plus leur place, en raison de la diffusion majoritaire d’Omicron et de leur absence d’efficacité face à ce variant. Il s’agit du Bamlanivimab/etesivimab (laboratoire Lilly) (suspendu depuis le 30 décembre) et du Ronapreve (Roche/Regeneron). Concernant ce dernier, une association de deux anticorps monoclonaux (casirivimab/imdevimab), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) indique qu’il ne doit plus être utilisé en prophylaxie pré-exposition et que les patients concernés doivent le plus rapidement possible s’orienter vers l’Evulshed. Concernant l’utilisation en prophylaxie-post exposition, son utilisation « demeure possible (…) uniquement chez les patients exposés au variant Delta. Par conséquent, il est nécessaire de disposer du résultat du criblage du patient index (…). Toutefois, dans le contexte actuel, compte tenu des délais parfois très longs pour obtenir les résultats des tests de criblage, un accès à Ronapreve pourra être envisagé au cas par cas au regard de la situation épidémiologique au niveau local après accord de l’ANSM via une autorisation d’accès compassionnel ». Un autre anticorps monoclonal, le Regkirona (regdanvimab), des laboratoires Roche, non disponible à ce jour en France ne connaît également aucune activité neutralisante contre Omicron. Enfin, on signalera que l’anticorps inhibiteur de l’interleukine (IL-6) RocActemra (tocilizumab, laboratoires Roche) a obtenu une AMM le 6 décembre 2021 pour les patients atteints de Covid-19 recevant une corticothérapie systémique et nécessitant une supplémentation en oxygène ou une ventilation mécanique.Extension d’indication
Outre les antiviraux et anticorps monoclonaux nouvellement
arrivés sur le marché, plusieurs traitements ont récemment
bénéficié d’une extension d’autorisation. Ainsi, l’EMA a recommandé
il y a quelques semaines d'étendre l'indication du Kineret
(anakinra, indiqué dans le traitement de la polyarthrite
rhumatoïde) aux adultes atteints de pneumonie associée à la Covid
nécessitant une oxygénothérapie (bas ou haut débit) et qui risquent
de développer une insuffisance respiratoire sévère. Cette mesure
est appliquée depuis le 17 décembre en France. De la même manière,
l’antiviral Veklury (remdesivir, laboratoires Gilead) fait
l’objet depuis le 20 décembre d’une extension d’indication pour les
patients non oxygéno requérants. « Au regard des données
disponibles à date, les premiers avis d’experts (ANRS MIE)
conduisent à limiter l’utilisation des stocks disponibles en
établissements de santé aux seuls patients hospitalisés
(hospitalisation complète, de jour ou à domicile) atteints de
Covid-19 avec variant Omicron et à risque élevé de forme grave,
ayant des symptômes depuis moins de cinq jours » indique la
Direction générale de la Santé (DGS) dans un avis du 4 janvier.
Enfin, on ne reparlera pas de la dexaméthasone qui depuis les
premiers mois de l’épidémie est utilisée chez les patients
hospitalisés présentant des symptômes évoluant depuis plusieurs
jours.
Aurélie Haroche