
Paris, le jeudi 19 mars 2020 – Le nombre de personnes
infectées du coronavirus décédées ce 18 mars en France a connu une
nette augmentation : 89 victimes sont déplorées, contre 27 la
veille. Par ailleurs, on recense 3 626 personnes hospitalisées dont
931 dans un état grave. Si certaines informations sont
encourageantes comme le fait que plus de 1 100 personnes guéries
ont pu sortir de l’hôpital, l’extension de l’épidémie dans
certaines régions (comme en PACA) ne peut que préoccuper. Aussi,
les pouvoirs publics se préparent à de nouvelles mesures (une
extension de la période de confinement est ainsi à l’étude), tandis
qu’une organisation erratique demeure la règle face à la
distribution des masques et des solutions hydro-alcooliques en
ville.
Dix-huit masques par médecin : un rationnement qui ne dit pas son nom
La déclaration du professeur Jérôme Salomon témoigne de la
fébrilité des pouvoirs publics : « Si vous bénéficiez de masques
dont vous ne vous servez pas, je vous invite à les donner à votre
pharmacie la plus proche. Ils serviront à tous les personnels de
santé ». Cet appel confirme que la gestion des stocks est
particulièrement fragile et complexe (pour utiliser des adjectifs
euphémistiques). En ce début de semaine pourtant, les officines ont
reçu de nouvelles livraisons destinées aux professionnels de santé,
dont il apparaît déjà qu’elles sont insuffisantes. Ainsi,
dix-huit masques « chirurgicaux ou FFP2 » précise
l’Assurance maladie (dans les faits, les officines ont
principalement reçu des masques chirurgicaux) sont réservés
hebdomadairement aux médecins généralistes et spécialistes ; la
même quantité est allouée aux infirmiers et aux pharmaciens. Par
ailleurs, uniquement dans les zones d’exposition à risque, les
kinésithérapeutes se voient allouer six masques (pour réaliser les
actes prioritaires), proportion similaire à celle allouée aux
sages-femmes qui doivent les réserver uniquement à la prise en
charge des femmes infectées (comment les identifier ?). Dans les
services d’aide et de soins à domicile, neuf masques par
professionnel sont programmés (avec une fois encore invitation à se
limiter aux visites prioritaires). Concernant enfin les
chirurgiens-dentistes, les instructions sont moins déterminées : «
une officine sera désignée dans chaque département pour leur
distribuer des masques » signale l’Assurance maladie.
Passoire
Ce rationnement ne peut que susciter l’inquiétude et la colère
des professionnels de santé, dont beaucoup ont signalé que ce
nombre de 18 masques représente un strict minimum pour assurer une
fragile protection (puisqu’il s’agit principalement de masques
chirurgicaux) aux médecins et infirmiers. Contaminé par le
SARS-Cov-2, le président de la Fédération des médecins de France
(FMF), Jean-Paul Hamon s’est fait ces dernières heures et notamment
hier soir sur LCI le porte-parole de ce sentiment d’abandon et de
mépris des professionnels de santé. « Les libéraux, comme les
hospitaliers, n’ont pas reçu les protections adéquates. Les masques
chirurgicaux sont disponibles, mais ce sont des passoires. Cela ne
protège que les personnes autour de vous quand vous toussez, ça ne
protège pas le porteur de masque », déplore-t-il fustigeant
encore la gestion des pouvoirs publics.
La parabole du cycliste et du soignant
Les annonces concernant l’accroissement des stocks ne sont
qu’imparfaitement rassurantes et tendent pour certaines à favoriser
la colère. Ainsi, a été révélée hier l’envoi d’un million de
masques par la Chine ou encore le déblocage par l’armée de 5
millions de masques. Outre que ces volumes demeurent encore trop
restreints pour envisager une protection optimale et confortable
sur plusieurs jours de tous les soignants (qui sont plus d’un
million), on peut s’interroger sur le retard de cette participation
de l’armée à l’approvisionnement, alors que des interrogations sur
ce point se sont multipliées ces dernières semaines. Face à ces
critiques, le gouvernement répète son engagement et sa
mobilisation, tout en fustigeant également certains comportements
irresponsables. Jérôme Salomon a ainsi déploré hier : « Voir un
cycliste avec un masque chirurgical, ça serre le cœur de tous les
personnels de santé qui les croisent... ». De son côté,
Christophe Castaner a affiché la plus grande sévérité vis-à-vis des
vols de masques qui ont été constatés dans de nombreux
établissements : « Il y a des vols massifs, significatifs, dans
les hôpitaux, dans les cliniques. Avec des vols de tout type y
compris des infractions au milieu de la nuit parce que le masque a
aujourd'hui une valeur » a regretté le ministre de l’Intérieur,
qualifiant ces agissements d’ « infâme ». « Je ne doute
pas que la justice prendra en compte le côté (…) ignoble
d’organiser un commerce parallèle avec les masques de
protection » a encore déclaré le ministre.
Élan de solidarité des industriels pour doper la production de gel hydroalcoolique
La pénurie ne concerne pas uniquement les masques mais
également, on le sait, le gel hydroalcoolique. Pour y faire face,
une collaboration a été demandée aux producteurs d’alcool qui ont
été nombreux à répondre à l’appel. Ainsi, la société Pernod-Ricard
a fait don de 70 000 litres d’alcool ce qui devrait permettre de
produire 1,8 millions de flacons. Quelques jours auparavant, le
groupe LVMH avait fait une annonce similaire en annonçant la
réorientation de sa branche parfum pour la production gracieuse de
gel hydroalcoolique. Parallèlement Terreos et Cristal Union, deux
géants du sucre vont également consacrer une partie de leurs outils
de production à la fabrication d’alcool pharmaceutique. Ces élans
de solidarité sont constatés dans de nombreux autres pays.
Aurélie Haroche