
Si j’avais su
En juillet 2021, la société Philip Morris International (PMI),
un des plus riches cigarettiers, a racheté la société anglaise
Vectura, spécialiste de l’ingénierie des aérosols doseurs à visée
respiratoire.
Exception faite du Royaume Uni, le retentissement
médiatique a été quasi nul, et le grand public français bien peu
informé des manœuvres de l’industrie du tabac. Le projet,
maintenant opérationnel, permet à PMI de récolter le « beurre et
l’argent du beurre » : vente de tabac, de cigarettes électroniques
et de médicaments prescrits dans la BPCO.
Un groupe de chercheurs internationaux, coordonné par Ruth
Tal-Singer de la « COPD Foundation », a recueilli par un
questionnaire à 13 items l’avis de fumeurs ou ex-fumeurs utilisant
un inhalateur médical, à propos de cette opération (1). Le
questionnaire a reçu 1628 réponses, pour 78 % de malades atteints
de BPCO. A la question : « Si vous saviez que l’industrie du tabac
était propriétaire de l’entreprise fabriquant votre inhalateur,
demanderiez-vous à changer de médicament ? », 48 % ont répondu oui,
17 % non, 33 % n’étaient pas certains et 2 % ne se sont pas
prononcés.
A la question de savoir s’ils étaient préoccupés par un tel
mariage contre-nature, la réponse était encore plus claire,
positive pour 70 % des répondants. Cet écart (48%-70%) témoigne
d’une marge pour concrétiser ce mécontentement. On ne doute pas que
le corps médical, lors d’un entretien éclairé avec son patient,
pourra participer à l’application de ce souhait et à alerter contre
le risque de confusion.
La mobilisation des professionnels britanniques en septembre
2021 montre que cette vaste opération économique peut-être
contrebalancée par une action coordonnée des prescripteurs, même si
elle a été sans succès à l’époque…
Inhalation conjointe de tabac et cannabis : risque explosif
L’étude KBP-CPHG-2020 menée par les hôpitaux généraux français
a analysé le risque cancérigène bronchique chez les fumeurs de
cannabis dans une étude en « vie réelle » (2). En 2020, un cancer
bronchique a été identifié chez 8 999 malades dont 311 (3,5 %)
fumaient du cannabis à raison de 3 joints par jour en moyenne. Leur
consommation en cigarettes de tabac était comparable à celle des
fumeurs « classiques » mais ils avaient commencé à fumer plus tôt :
16,9 ± 4,5 ans contre 19,3 ± 6,6 ans.
Les fumeurs de cannabis étaient plus jeunes que les fumeurs «
classiques » au moment du diagnostic : 52,9 ± 8,9 ans contre 67,7 ±
9,5 ans. Ils se présentaient avec un cancer évolué (stade IV) dans
65 % des cas et un adénocarcinome était le plus souvent
diagnostiqué alors que les fumeurs « classiques » étaient plus
souvent atteints d’une tumeur épidermoïde (61 % versus 53
%).
Au total, les consommateurs de cannabis en plus du tabac
déclaraient la maladie 15 ans plus tôt que les fumeurs classiques
et leur tumeur était plus avancée au moment du diagnostic. La plus
grande fréquence des adénocarcinomes, conduit, elle, à des options
thérapeutiques différentes.
Dr Bertrand Herer