Médecins du travail : une pénurie qui inquiète médecins et entreprises

Paris, le lundi 21 novembre 2022 - Alors que la loi du 2 août 2021 relative à la santé au travail visait à confier de nouvelles tâches à la médecine du travail, une importante pénurie de professionnels de santé dans ce secteur se fait de plus en plus sentir. Une situation paradoxale qui inquiète aussi bien les entreprises que les praticiens.  

Visite à mi-carrière, suivi renforcé des salariés, extension des missions des services de prévention et de santé au travail (SPST) : les mesures de la loi « Santé au travail », entrée en vigueur le 1er avril 2022, vont dans le bon sens pour la santé des salariés et la prévention des risques professionnels. Mais, selon les professionnels du secteur, la pénurie de médecins du travail va grandement freiner la mise en place de ces nouvelles dispositions.

« On a perdu près de 1000 [praticiens] en dix ans sur le territoire », se désolait récemment au micro de France Info Benoît Serre, vice-président délégué de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH). Un chiffre qui correspond à 21 % de médecins du travail en moins en 2022 par rapport à 2010, selon le Conseil national de l’ordre des médecins. Et, pour assombrir davantage le tableau, la moyenne d’âge des médecins du travail est de 55 ans contre 51 pour le reste de la profession.

Selon l’ANDRH, 68 % des services de ressources humaines disent pâtir du manque de praticiens pour mettre en œuvre la loi Santé au travail. Des difficultés qui touchent en réalité surtout les petites et moyennes entreprises.

Certaines entreprises plus affectées que d’autres


« On retrouve une inégalité d’accès à la médecine du travail en fonction du type d’entreprise », explique Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH. « Les problèmes sont surtout rencontrés par les PME et les TPE. Les grands groupes sont épargnés : ils ont constitué leurs propres services de santé au travail autonome, en interne ». En plus de la taille des organisations, les inégalités sont également géographiques, puisque certaines régions sont effectivement plus mal loties que d’autres. En Picardie, en Bourgogne et en Aquitaine, on dénombre moins de sept médecins du travail pour 100 000 habitants.

Même son de cloche à Paris, où obtenir un rendez-vous est une « vraie bataille », ajoute Laurence Breton-Kueny. Une situation d’autant plus compliquée à gérer pour les entreprises et les salariés que certains rendez-vous sont obligatoires, notamment après un arrêt maladie de plus de soixante jours ou bien en retour de congé maternité. En absence de praticiens, les salariés doivent donc parfois patienter de longues semaines avant d’obtenir leur certificat d’aptitude…

Vers une dégradation de la santé des salariés ?


« Mes salariés ont un rendez-vous chez le médecin du travail tous les cinq ans. C’est bien trop peu ! », confirme Eric Chevée, vice-président chargé des affaires sociales à la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Le manque de professionnels de santé et la durée entre deux rendez-vous ne permettent plus aux médecins de bien connaître les salariés et les milieux dans lesquels ils évoluent, ce qui complexifie la détection de certains risques. « Le temps manque pour se rendre dans les entreprises afin de mieux connaître le cadre de travail des salariés et les risques éventuels », commente Muriel Legent, médecin du travail dans l’Oise.

Pour pallier ces carences de plus en plus alarmantes, le Gouvernement a prévu la possibilité de faire suivre les salariés par des médecins de ville — une mesure qui devrait rapidement montrer ses limites, sachant qu’ils sont, eux aussi, débordés.Sans doute serait-il nécessaire d'oeuvrer pour améliorer l'attractivité de cette spécialité, qu'il s'agisse de la rémunération ou encore du droit de prescription.

En définitive, si la loi d’août 2021 va dans le bon sens pour l’amélioration de la prévention des risques professionnels, elle ne va faire qu’ajouter de nouvelles missions à des praticiens déjà débordés et qui connaissent de moins en moins bien leurs patients. Espérons donc que la médecine du travail finisse par retrouver ses lettres de noblesse et son attractivité auprès des étudiants si on veut résoudre cette crise, déjà ancienne et qui ne fait que s'aggraver.

Raphaël Lichten

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Vos réactions (1)

  • Ils sont fous

    Le 04 décembre 2022

    On marche sur la tête.
    On veut faire faire aux IDE et aux pharmaciens le boulot des médecins de famille, aux médecins de famille celui des médecins du travail...
    Pourquoi ne pas demander aux véto ? Non vraiment ils faut les arrêter. Ils vont détruire tout le système libéral et après ce sera notre faute.
    Faites quelque chose.

    Un MG en burnout.

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