
Paris, le mardi 3 décembre 2019 - Ancien numéro 2 du groupe
Servier, le Dr Jean-Philippe Seta était entendu pour la première
fois ce jeudi au procès du Mediator. Le médecin a exprimé des
regrets, tout en tentant de se justifier.
Après deux mois passés à entendre, en silence, les nombreux
témoignages à charge contre son ancien employeur, Jean-Philippe
Seta, ex numéro 2 du laboratoire Servier jusqu’à son éviction en
2013, a enfin eu le droit à la parole. Ce jeudi, entendu pour la
première fois lors du procès du Mediator, qui se tient à Paris
depuis le 23 septembre dernier et qui devrait durer encore quatre
mois, le pneumologue de 66 ans s’est livré à un numéro
d’équilibriste, exprimant ses regrets tout en tentant de justifier
son attitude et celle du laboratoire.
Des regrets donc. « Je suis écrasé, bouleversé par ce
cortège de tragédies » a expliqué le prévenu, alors que le
Mediator, commercialisé par le laboratoire Servier de 1976 à 2009,
serait responsable de la mort de plusieurs centaines de personnes.
Seta regrette la passivité de son entreprise, qui aurait dû réagir
face aux nombreuses alertes faisant état de la nocivité potentiel
du Mediator. D’abord en 1999, quand le premier cas de valvulopathie
est décelé par le docteur Chiche à Marseille. « Je n’ai pas
accordé assez d’importance au cas Chiche » indique J-P
Seta.
Puis en 2003, lorsque des alertes remontent d’Espagne : «
nous n’avons pas assez pris le taureau par les cornes
».
« Dans le groupe Servier, il y avait un seul décisionnaire »
Mais lors de son audition, le prévenu a surtout tenté
d’atténuer la responsabilité du laboratoire Servier et la sienne
dans ce drame sanitaire. Car si le laboratoire n’a pas mené d’étude
pour évaluer la dangerosité de son produit, c’est, selon Seta,
parce que le cadre imposé par l’Agence Nationale du Médicament
(ANM, à l’époque l’Afssaps), également sur le banc des accusés,
était trop restrictif. « Il aurait fallu s’asseoir sur l’avis
des autorités de régulation, la bonne réponse aurait été d’être
anarchiste, nous n’avons pas assez rué dans les brancards
».
Surtout, lors de ses huit heures d’audition, J-P Seta a tenu à
affirmer qu’il ne pouvait être tenu comme seul responsable du
scandale Mediator. S’il était bien numéro 2 de Servier, il explique
qu’il y avait, au sein de l’entreprise, six numéro 2 et qu’il
n’était même pas membre du cabinet du président. « Dans le
groupe Servier, il y avait un seul décisionnaire » explique
Seta, évoquant ainsi Jacques Servier, président et fondateur du
groupe, décédé en 2014. Mais même au-delà de Servier, les
responsabilités doivent être partagés : « Il n’y a pas que le
groupe Servier et son numéro 2 omniscient qui auraient du tout
savoir et tout faire. Certains ont organisé les choses de façon à
ne pas être sur le banc des prévenus ».
Des notes internes gênantes
Très sur de lui tout au long de la journée, Seta aura tout de
même été déstabilisé par la lecture, par la présidente du tribunal,
de plusieurs notes internes de Servier compromettantes. Une en
1999, qui explique que le Mediator doit être présenté aux médecins
comme « radicalement différent » du Ponderal et de
l’Isomeride, deux médicaments retirés du marché en 1997 et dont le
Mediator est très proche. Une autre de 2007, qui explique que les
ventes du Mediator doivent augmenter « envers et contre tout
» alors que le scandale commence à éclater. Pour justifications, le
prévenu évoquera des « excès de langage ».
QH