Microbiote altéré, perturbateurs endocriniens, tabagisme passif : les enfants en milieux hostiles

La prévalence des maladies allergiques connaît une très forte augmentation dans les pays occidentaux. L’augmentation est telle qu’elle ne peut être expliquée par les seuls facteurs génétiques. Il faut donc explorer du côté des autres causes favorisant l’allergie, c’est-à-dire les facteurs environnementaux, parmi lesquels ceux qui peuvent être à l’origine de perturbations du microbiote. Le mode de vie occidental a en effet produit plusieurs facteurs de risque qui perturbent la balance homéostasique du microbiote.

Des perturbations précoces du microbiote augmentent le risque d’allergie

La colonisation de l’intestin par le microbiote intestinal est influencée par des facteurs maternels : le mode de naissance, la présence d’une infection vaginale, l’alimentation (lait maternel ou formule, puis mode de diversification), le microbiote maternel. Des facteurs propres au nouveau-né et au nourrisson interviennent aussi, parmi lesquels les traitements antibiotiques, la génétique ou l’environnement de vie.

Le microbiote évolue entre 1 et 3 ans, et se rapproche progressivement de celui de l’adulte, sensiblement identique pour tous les enfants en bonne santé.

Des perturbations précoces du microbiote (dysbioses) ont été associées à des affections chroniques apparaissant plus tard. Parmi celles-ci, les maladies allergiques, par l’intermédiaire d’un déficit en IgA secrétoires. Des travaux cherchent actuellement à déterminer par quels facteurs les IgA secrétoires peuvent être modifiées et s’il existerait une fenêtre d’opportunité permettant d’intervenir pour favoriser le développement d’un microbiote « favorable ».

Les perturbateurs endocriniens peuvent favoriser l’allergie

En 2002, l’OMS définissait ainsi un perturbateur endocrinien : « Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture et au sein de sous-populations. »  

Les perturbateurs endocriniens comptent parmi les produits chimiques les plus utilisés dans le monde (5 à 10 millions de tonnes par an pour les phénols). Les sources d’exposition sont multiples (nourriture, emballages alimentaires, cosmétiques, jouets, vêtements, etc…), comme le sont les voies d’exposition (ingestion, inhalation, contact cutané).

Le Dr Valérie Siroux rappelle que des expérimentations de dosages des métabolites urinaires des phtalates (programme français Esteban, programme européen Helix, NHANES aux Etats-Unis) attestent de leur présence dans 80 à 99 % des échantillons.

Les travaux ont montré que le début de la vie est une période de sensibilité accrue aux perturbateurs endocriniens, alors que les niveaux d’exposition y sont potentiellement plus importants, notamment pour les phtalates.

V. Siroux présente les résultats de la cohorte Eden, cohorte française mère-enfant comprenant 587 femmes enceintes, chez lesquelles ont été mesurés, dans un échantillon urinaire, 9 phénols et 11 métabolites de phtalates, entre la 23ème et la 25ème de grossesse. La santé respiratoire de l’enfant et l’apparition d’un eczéma ont été suivies jusqu’à 5 ans et le VEMS mesuré à 5 ans. Il apparaît ainsi que le bisphénol A est associé à une augmentation de l’asthme et de la bronchiolite, l’éthyl paraben à une augmentation de l’asthme et à une réduction du VEMS à 5 ans, et le di-isobutyl phtalate (DiBP) a une augmentation du risque d’eczéma à 5 ans.

Pour progresser dans la connaissance des effets des perturbateurs endocriniens, il est nécessaire d’améliorer les mesures d’exposition et de considérer les effets de cocktail, avec un index cumulatif d’exposition.

Tabagisme passif : l’exposition prénatale augmente le risque d’asthme

Les enfants exposés au tabagisme passif ont un risque plus élevé d’allergie. Selon une méta-analyse récente, l’exposition prénatale au tabac multiplie par 2 le risque d’asthme chez l’enfant, multiplie par 1,8 à 3,8 le risque d’infections respiratoires et altère significativement le VEMS à 7 ans. Des polymorphismes génétiques associés aggravent sans doute les risques.

Un lien a été constaté entre l’exposition aux polluants, un épaississement de la membrane basale et une augmentation de l’éosinophilie bronchique chez l’enfant.  La pollution participerait au développement de l’asthme par l’intermédiaire du remodelage des parois bronchiques et de l’inflammation.

Il a été montré aussi un lien entre l’exposition aux désinfectants professionnels en période pré-conceptionnelle et l’asthme dans la descendance. L’exposition pendant la grossesse est associée à une augmentation du risque de wheezing et d’asthme, alors que l’exposition après la naissance ne semble pas avoir d’effet.

En conclusion, l’avancée des connaissances montre que des mesures pourraient être prises en période péri-natale pour réduire le risque d’altération de la fonction respiratoire à l’âge adulte : réduction de l’exposition aux tabagisme passif et aux polluants pendant l’enfance, mesures environnementales, ou encore identification et surveillance des sujets à risque

Dr Roseline Péluchon

Références
Facteurs de risque ou de protection autour de la naissance
17ème Congrès français d’allergologie – Paris - 19-22 avril 2022

Martin LARSEN - L’influence du microbiome
Valérie SIROUX - Perturbateur endocrinien
Maéva ZYSMAN - Pollution et tabac-

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