
Selon l'OMS, le taux global d’accouchement par césarienne est de 31,2 %, en augmentation dans de nombreux pays au cours des dernières décennies, en particulier dans les pays à revenu élevé : 56 % au Brésil, 31,9 % aux États-Unis et 26,9 % en Europe de l'Ouest. Les césariennes avant le travail sont associées à une morbidité globale grave plus élevée qu’en cas d’essai de travail dans les populations à faible risque, notamment en raison de la plus grande fréquence des ré-hospitalisations, de l'hémorragie du post-partum (HPP), de l'hystérectomie péri-partum, et de la mortalité maternelle. La mortalité maternelle est majorée principalement du fait d’une plus grande fréquence des complications hémorragiques, thromboemboliques, infectieuses et liées à l'anesthésie.
La moitié des étudiants en médecine sont des étudiantes
Les femmes constituent actuellement près de la moitié des promotions des carabin(e)s aux États-Unis et elles se spécialisent de plus en plus en obstétrique et en gynécologie, domaines dans lesquels elles représentent 85 % des résidents. Le nombre croissant de femmes dans les spécialités médicales et chirurgicales a conduit certains à s'interroger sur l'association entre le genre du praticien et le devenir du patient. Une étude rétrospective a fait état de mortalité et de réadmission plus faibles chez des patients hospitalisés soignés par des femmes versus des hommes internistes. Le sexe du médecin a également été associé à la qualité des soins prodigués aux patients atteints de diabète de type 2, les femmes médecins étant réputées fournir une meilleure qualité de soins dans l'ensemble.
Les chirurgiens ont longtemps été principalement des hommes ; les stéréotypes selon lesquels ils seraient plus compétents techniquement que leurs homologues féminins persistent encore aujourd'hui. Néanmoins, une étude canadienne basée sur des données administratives, qui ne mentionnait ni le type de chirurgie, ni la physiologie du patient, ni la complexité chirurgicale, a rapporté que les patients traités par des chirurgiens féminins par rapport à des chirurgiens masculins avaient un taux de mortalité légèrement inférieur.
Une étude de cohorte dans 27 maternités françaises
Devant la fréquence des accouchements par césarienne et le constat que les interventions chirurgicales pratiquées par des femmes pourraient aboutir à de meilleurs résultats que celles pratiquées par des hommes, les auteurs de cette étude de cohorte prospective basée sur les données de l’essai TRAAP2 (Tranexamic Acid for Preventing Postpartum Hemorrhage after Cesarean Delivery) ont voulu évaluer l’association entre le sexe du chirurgien et la morbidité maternelle après césarienne, en fixant comme critère d'évaluation principal l'incidence d'une variable composite. Il s’agissait de la survenue dans les 3 mois suivant l’accouchement d’un des critères suivants : perte de sang estimée de plus de 1 500 mL, transfusion de culot globulaire, embolisation d’artère utérine, chirurgie en urgence pour HPP (hémorragie du post partum) ou hystérectomie, infection, événement thrombo-embolique, transfert en soins intensifs, nouvelle laparotomie, plaie d’un organe adjacent, crise d’épilepsie, insuffisance rénale nécessitant une dialyse, décès maternel de toute cause. Le critère d'évaluation secondaire était l'incidence de l'HPP (critère d'évaluation principal de TRAAP2), définie par une perte de sang estimée supérieure à 1 000 ml ou une transfusion au deuxième jour.
TRAAP2 est un essai multicentrique, randomisé, contrôlé par placebo, étudiant l’effet de l'administration d'acide tranéxamique associée à un agent utérotonique prophylactique sur l'incidence de l'HPP après un accouchement par césarienne, comparée à un utérotonique seul. Entre mars 2018 et janvier 2020, des femmes ayant subi une césarienne à 34 semaines de gestation ou plus ont été recrutées dans 27 maternités françaises.
Davantage de femmes parmi les chirurgiens en obstétrique
Dans cette cohorte de 4 431 femmes, les chirurgiens hommes ont réalisé 943 accouchements par césarienne (22,2 %) et les chirurgiens femmes 3 301 (77,8 %). Le taux d'obstétriciens traitants était plus élevé parmi les hommes (441/929 ; 47,5 %) que chez les femmes (687/3239 ; 21,2%). La morbidité maternelle n'a pas été différente selon que le chirurgien soit un homme ou une femme : 119/837 (14,2 %) vs 476/2 928 (16,3 %) (rapport de risque ajusté RRa 0,92 [IC 95 % 0,77-1,13]). L'interaction entre le sexe du chirurgien et le niveau d'expérience sur le risque de morbidité maternelle n'était pas statistiquement significative. Le risque d'HPP ne différaient pas selon les groupes (RRa 0,98 [IC à 95 % 0,85-1,13]).
Ainsi, cette étude n’a pas identifié d'association entre le sexe du chirurgien et la morbidité maternelle ou l’hémorragie après une césarienne.
Parmi les limitations que les auteurs et autrices de cet article tiennent à souligner, notons qu’ils(elles) n’avaient fourni qu’une option de réponse binaire aux chirurgien(ne)s afin qu'ils s'identifient comme homme ou comme femme, sans autre choix ; cela n’a pas permis de prendre en compte des catégories de genre autres. Notons que l'analyse complémentaire incluant les non-répondants pour le sexe du chirurgien en tant que catégorie supplémentaire de la variable, il n’a pas été trouvé d'association entre le sexe et les critères de jugement. En outre, ces résultats peuvent ne pas être généralisables aux accouchements hautement urgents, qui n'ont probablement pas été inclus dans l'essai TRAAP2. Quoi qu’il en soit, cette étude permet de franchir un pas de plus pour la promotion de l'égalité des sexes parmi les chirurgiens, en particulier les obstétriciens !
Dr Bernard-Alex Gaüzère