Les troubles du rythme ventriculaire sont très souvent incriminés, à juste titre, mais après 40 ans, ils sont rarement idiopathiques, et révèlent souvent une cardiopathie ischémique infraclinique. Cette notion a été bien étayée par de nombreuses études épidémiologiques menées le plus souvent chez des jeunes athlètes pratiquant le sport de compétition, lesquels constituent, de fait, une population privilégiée pour cette approche. Les études menées au sein de la population générale sont plus rares ou moins documentées, alors qu’elles revêtent une importance toute particulière quand il s’agit d’élaborer des stratégies préventives adaptées.
Liée à l’activité sportive dans moins de 5 % des cas
Cette remarque souligne l’intérêt d’une étude prospective multicentrique française actuellement en cours, partiellement présentée aux journées européennes de la Société française de Cardiologie. L’objectif a été de préciser les circonstances favorisantes, les caractéristiques et les causes des morts subites survenues lors d’une activité sportive au sein de l’agglomération parisienne et de ses alentours (soit un bassin de population de 6,6 millions d’habitants). Ces dernières ont été comparées aux évènements survenus dans d’autres occasions que le sport. La période d’observation a été de 5 années consécutives, sachant que l’étude se poursuit. Ont été pris en compte toutes les morts subites liées au sport, que celui-ci relève de la compétition ou des activités de loisirs.Ainsi, entre mai 2011 et mai 2016, 3028 patients ont répondu aux critères de sélection incluant la définition précise de la mort subite. Tous ces sujets sont arrivés vivant en milieu hospitalier. Dans 138 cas (4,6 %), c’est au cours d’une activité sportive que l’évènement s’est produit. Les trois principaux sports les plus souvent en cause ont été les suivants : (1) course à pied du type jogging, running ou autre (34,5 %) ; (2) cyclisme (14,4 %) ; (3) football (8,6 %). Les patients victimes de cette mort subite liée à une activité sportive, comparativement aux autres patients qui ont servi de témoins : (1) étaient un peu plus jeunes (âge moyen, 52,7+/-15,6 versus 59,6+/15,6 ans ; p<0,001) ; (2) étaient plus souvent de sexe masculin (90,6 vs 71,9 % ; p<0,001) ; (3) avaient moins de facteurs de risque cardiovasculaire (> ou =1, 72,1 vs 81,4 % ; p<0,001) ; (4) avaient plus souvent bénéficié d’une réanimation cardiorespiratoire initiée par un témoin du drame (84,1 vs 62,9 % ; p<0,001) ; (5) avaient présenté plus souvent une fibrillation ventriculaire sur l’ECG pratiqué par l’équipe mobile de secours (73,9 vs 51,1 % ; p<0,001).
Une maladie coronaire dans 72 % des cas
Parmi les patients admis vivant lors de l’admission en milieu hospitalier avec une cause identifiée (71 %), c’est la maladie coronaire (72,4 %) qui vient en tête des étiologies, le plus souvent sous la forme d’un syndrome coronaire aigu (62,2 %). Avant cette mort subite inopinée, seul un patient sur six (n=22, 15,9 %) était porteur d’une cardiopathie connue, dont une maladie coronaire (5,8 %). Dans la majorité des cas (n=77 ; 66,4 %), il existait au moins un facteur de risque cardiovasculaire à type d’HTA, de tabagisme, de dyslipidémie ou encore de diabète pour ce qui est des facteurs modifiables. L’âge, le sexe et les antécédents de maladie coronaire sont, pour leur part, non modifiables tout en pesant lourd dans le score de risque.En bref, au sein de la population générale, la mort subite survenant au cours d’une activité sportive reste un évènement relativement rare qui frappe plutôt le sujet d’âge moyen, étant entendu que les données statistiques présentées ici ne concernent que les sujets arrivés vivant en milieu hospitalier. Moins de 5 % des morts subites colligées autour de l’agglomération parisienne en 5 années : c’est le chiffre de cette étude édifiante. Running, vélo et football sont le tiercé gagnant, mais dans la majorité des cas, c’est la maladie coronaire qui est en cause, volontiers révélé par un syndrome coronaire aigu. La prévention primaire de ce type de mort subite passe donc par le dépistage de la maladie coronaire qui repose sur l’épreuve d’effort, dès lors qu’une activité sportive est envisagée par un sujet d’âge moyen, a fortiori quand il existe des facteurs de risque cardiovasculaire modifiables ou non.
Dr Philippe Tellier