Négociations conventionnelles : rien ne va plus…mais les jeux ne sont pas faits

Paris, le vendredi 20 janvier 2023 – En l’espace de quelques jours, la CNAM a dû faire face à une fronde conjointe des médecins, des kinésithérapeutes et des sage-femmes.

On n’aimerait pas être à la place de Thomas Fatôme en ce moment. Ces dernières semaines, le directeur général de l’Assurance Maladie a vu les négociations conventionnelles en cours avec les différentes professions de santé tourner à la débâcle et ce sur tous les fronts. Alors que les médecins rejettent en bloc toutes les propositions faites par la CNAM, des avenants établis avec les kinésithérapeutes et les sage-femmes volent en éclats.

Du côté des kinésithérapeutes, la CNAM a appris en début de semaine le refus du syndicat Alizé, minoritaire, de signer l’avenant numéro 7 à la convention signé par la FFMKR, majoritaire, le 16 décembre dernier. Ajouté à cela l’opposition de longue date d’un autre syndicat minoritaire, le SNMKR et la CNAM n’a pu que constater ce mercredi que l’avenant n’entrerait pas en vigueur.

Les kinésithérapeutes privés de revalorisation

Cet avenant accordait 530 millions d’euros de hausse de tarifs et de nouveaux actes remboursés aux kinésithérapeutes, soit en moyenne 7 300 euros par professionnel, en échange de contraintes plus lourdes à l’installation pour réduire les zones sous-dotées. Selon l’accord, les zones dites non-prioritaires, où une nouvelle installation n’est possible que pour un remplacement, auraient couvert 30 % du territoire contre 22 % actuellement. De plus, n’aurait pu s’installer que les kinésithérapeutes justifiant de deux ans d’exercice salarié ou en zone sous-dense.

Or, les syndicats Alizé et SNMKR considéraient non seulement que ces nouvelles contraintes à l’installation étaient trop lourdes, mais aussi que l’investissement financier, réparti sur la période 2023-2025, aurait dû être réalisé totalement dès 2023 pour compenser l’inflation. « Nous aurions définitivement décroché par rapport à l’inflation, nous ne pouvons plus nous contenter du c’est mieux que rien » justifie François Randazzo, président du syndicat Alizé. « Nous ne pouvons que regretter cette décision qui va priver les 70 000 kinésithérapeutes sur le terrain des revalorisations prévues dès juillet 2023 » a commenté Thomas Fatôme, tandis que le FNMKR a dénoncé « l’irresponsabilité des deux autres syndicats qui ont joué contre les intérêts de la profession ». La CNAM rappelle que la convention actuelle est valable jusqu’en 2027 « sans obligation d’ouverture de négociation d’ici là ».

Les sage-femmes veulent une nouvelle convention

Le psychodrame est assez similaire du coté des sage-femmes, sauf que c’est cette fois le syndicat majoritaire, l’ONSSF, qui a dénoncé l’avenant numéro 6 à la convention signé le 12 décembre par un syndicat minoritaire, l’UNSSF. C’est plus sur la forme que sur le fond que se concentrent les critiques de l’ONSSF, qui dénonce « une mascarade » et des « pseudo-négociations ». « L’opportunité de discussions constructives ne nous a pas été donnée, les trois dernières copies envoyées par la CNAM étaient identiques » explique dans un communiqué le syndicat de sage-femmes qui craint désormais que la CNAM « ne nous accorde pas de son temps en 2023 » alors qu’il souhaite non pas obtenir un avenant, mais renégocier l’intégralité de la convention. Une convention qui arrivait à échéance en décembre mais que la CNAM a reconduit pour un an.

Mais c’est sans doute du côté des médecins que Thomas Fatôme et la CNAM ont le plus de soucis à se faire. Ce jeudi, les six syndicats représentatifs des libéraux ont tous claqué la porte des négociations conventionnelles en cours et qui doivent en principe s’achever en mars. Par cette action, les syndicats entendent protester contre le manque de moyens accordés à la médecine de ville et l’absence de discussion concrète sur l’augmentation des tarifs. Mais la contestation se concentre avant tout sur deux points : le projet de contrat d’engagement territorial de la CNAM, qui prévoit que les médecins toucheront des forfaits supplémentaires à condition qu’ils s’engagent d’avantage pour l’accès aux soins et la proposition de loi Rist, qui entend permettre l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes.

Les médecins ne veulent pas d’une laisse autour du cou

La ligne rouge a été franchie ce jeudi lorsque les syndicats ont appris que l’Assemblée Nationale avait adopté un amendement à la loi Rist laissant aux partenaires conventionnels le soin de définir « les modalités de valorisation de l’engagement territorial des médecins en faveur de l’accès aux soins », entérinant du même coup le contrat d’engagement territorial.

Un contournement des négociations conventionnelles par le Parlement qui passe très mal du côté des syndicats. « Le gouvernement est à la manœuvre par-dessus la tête de la CNAM et veut réduire le dialogue conventionnel à discuter de la couleur de la laisse qu’on passe au col des généralistes » s’indigne le Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France. « Le gouvernement est en train de légiférer dans notre dos alors que les négociations conventionnelles sont en cours » ajoute le Dr Corine Le Sauder, présidente de la FMF. « Les médecins ne sont plus que des amuseurs publics pendant que les choses se jouent dans leur dos au Parlement » surenchérit le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML.

On souhaite bien du courage à Thomas Fatôme pour ramener tous les syndicats à la table de négociations qui tournent de plus en plus à la déroute.

Quentin Haroche

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