Nouveaux droits pour les personnes en fin de vie : un texte commun trouvé par les sénateurs et les députés

Paris, le jeudi 21 janvier 2016 – Après une année de navette parlementaire n’ayant pas permis d’aboutir à une version commune entre les deux chambres du Parlement, une commission mixte paritaire était réunie mardi 19 janvier afin d’examiner la proposition de loi des députés Alain Claeys et Jean Leonetti créant des « nouveaux droits » pour les personnes en fin de vie. Beaucoup redoutaient l’échec de cette commission en raison de l’expression d’une opposition de plus en plus marquée à ce texte au Sénat. Cependant, les élus sont parvenus à s’entendre sur un texte commun, qui s’il est plus proche de la version adoptée lors de sa seconde lecture par l’Assemblée nationale aura su rassurer les sept sénateurs présents.

Prolonger la vie inutilement : une précision inutile

Concernant tout d’abord les cas dans lesquels une sédation profonde et continue pourra être mise en œuvre, la commission a supprimé la notion de « prolongement inutile de la vie » qui avait été introduite par les députés et qui avait suscité d’importantes controverses. Cette précision apportée (ou plutôt retranchée), le texte continue à prévoir que cette sédation profonde pourra être mise en œuvre chez les patients le demandant, atteints d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital à court terme et présentant une souffrance réfractaire aux traitements (au pluriel et non plus au singulier) et chez ceux chez lesquels l’arrêt des traitements engage le pronostic à court terme et probablement une souffrance insupportable. Pour les patients ne pouvant pas s’exprimer, une sédation est également prévue quand pour éviter une obstination déraisonnable, l’arrêt des traitements est décidé et afin là encore d’éviter toute souffrance insupportable.

A boire et à manger

Le texte commun précise également ce que sont ces traitements et notamment si l’alimentation et l’hydratation peuvent être considérés comme tels, un débat qui a fait couler beaucoup d’encre dans le cadre de l’affaire Vincent Lambert. S’inscrivant dans la lignée de ce qui avait été analysé par le Conseil d’Etat, les députés souhaitaient rappeler que l’alimentation et l’hydratation sont des traitements. Mais les sénateurs avaient pour leur part estimé qu’il s’agissait de soins. C’est finalement la position des élus du Palais Bourbon qui a été retenue, même s’il est désormais précisé que l’hydratation et l’alimentation « peuvent être arrêtés » (mais ne le seront pas nécessairement de façon systématique).

Directives : les exceptions

On notera enfin quelques modifications concernant la force contraignante des directives anticipées. Ces dernières, on le sait, doivent s’imposer aux médecins. Les parlementaires avaient néanmoins considéré nécessaire de prévoir les cas où les directives seraient jugées comme non appropriées. Là encore un consensus a pu être trouvé entre des députés qui voulaient imposer la sollicitation d’un « avis collégial » et les sénateurs qui avaient introduit la notion floue de « contestation sérieuse » qui laissait libre champ à de nombreux conflits (notamment familiaux). Le texte commun stipule finalement que les directives ne s’imposeront pas « en cas d’urgence vitale (…) et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ».

Déceptions de tous côtés

Ce texte de consensus doit désormais être présenté une dernière fois à l’Assemblée nationale le 25 janvier et au Sénat le 17 février pour une adoption définitive. Si nous avions observé l’année dernière que ce texte rencontrait une assez large adhésion chez les professionnels de santé, les contestations n’ont cependant pas manqué. Ainsi, chez les partisans de l’euthanasie active, ce texte représente une occasion manquée et une trahison par rapport à ce qu’ils avaient cru comprendre des déclarations ambiguës du chef de l’Etat pendant sa campagne électorale. Ainsi, dans un communiqué diffusé hier, le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, Eric Romero considère qu’une « fois encore le malade est oublié » et estime que le texte « manque d’ambition » et d’humanité sans répondre à la volonté qui serait exprimée par les Français. On sait également que sans défendre l’adoption en France d’une loi semblable à celle qui existe aux Pays Bas et en Belgique, des députés se sont exprimés l’année dernière pour la mise en place d’une aide active à mourir, qui pourrait être utile pour la toute fin de vie. Le professeur Jean-François Touraine avait ainsi défendu cette idée dans nos colonnes ; une position proche de celle soutenue par la future présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, Véronique Fournier. A l’opposé, certains médecins, parfois proches des associations "pro vie" et des milieux catholiques jugent que la proposition porte en germe un risque de dérive, à travers cette reconnaissance officielle du droit à la sédation profonde et continue. Là encore ce point de vue a pu être exprimé dans nos colonnes.

Quel avenir ?

Il est probable (mais les surprises ne sont jamais exclues) que ce texte soit le dernier de la mandature sur le sujet de la fin de vie et que le gouvernement, déjà échaudé par les débats autour des sujets de société, n’ira pas plus loin ; même si Marisol Touraine avait jugé que le texte en cours de finalisation n’était qu’une étape et que certains voient dans la nomination de Véronique Fournier à la tête du Centre national des soins palliatifs le signe d’évolutions futures.

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article