Le fond d’œil donne une idée de l’effet du diabète sur la
microcirculation au point que la rétinopathie est souvent associée
à une atteinte rénale. En revanche, la macro-angiopathie qui est
l’autre grand versant du retentissement de la maladie sur
l’organisme est moins « connectée » à l’atteinte oculaire encore
qu’au stade de la rétinopathie un tant soit peu sévère, le champ
des associations s’élargit singulièrement.
C’est ce que suggèrent les résultats d’une étude de cohorte
prospective dans laquelle ont été inclus 1 320 patients atteints
d’un diabète de type 2, indemnes de toute artériopathie oblitérante
des membres inférieurs (AOMI) à l’état basal. L’objectif était la
recherche d’une association entre l’existence d’une rétinopathie
-absente, non proliférante ou encore proliférante -et la survenue
d’une forme sévère d’artérite en évaluant au passage les facteurs
explicatifs potentiels : âge, sexe, ancienneté du diabète, taux
d’HbA1c, pression artérielle systolique, insuffisance rénale
chronique, tabagisme et macro-angiopathie cliniquement patente. La
gravité de cette AOMI était attestée par la nécessité d’une
revascularisation ou d’une amputation. Le risque correspondant en
fonction du stade de la rétinopathie a été évalué au moyen du
modèle des risques proportionnels de Cox sous la forme de hazard
ratios (HRs) assortis de leurs intervalles de confiance (IC) à 95
%. Trois indices ont été utilisés pour apprécier l’intérêt
pronostique de l’atteinte oculaire : statistique C, amélioration de
la reclassification (net reclassification improvement NRI)
et integrated discrimination improvement (IDI).
Rétinopathie et AOMI grave : une relation du type dose-effet
Au cours d’un suivi médian de 7,1 années, 94 patients (7,1 %)
ont développé une AOMI grave telle que précédemment définie, soit
un taux d’incidence de 9,6 pour 1 000 sujets-années (IC95 %
7,8-11,7). Ce taux a augmenté au gré de la sévérité de la
rétinopathie basale : (1) absente : 5,5 (IC95 % 3,9-7,8) ; (2) non
proliférante : 14,6 (IC95 % 11,1- 19,3) ; (3) proliférante : 20,1
(IC95 % 11,1-36,3).
Après ajustement, le risque d’AOMI grave est resté
significativement associé à la sévérité de la rétinopathie : (1)
non proliférante : hazard ratio ajusté (HRa) = 2,31 ([IC95 %
1,43-3,81], p = 0,0006) ; (2) proliférante : HRa = 3,14 ([IC95 %
1,40-6,15], p = 0,007). Aucune hétérogénéité n’a été détectée entre
les sous-groupes qui ont conduit à ces associations. Sur le plan
pronostique, la prise en compte du stade de la rétinopathie a
amélioré les trois indices évoqués, au-delà de l’inventaire des
facteurs de risque traditionnels : (1) statistique C : +0,023
([IC95 % 0,003-0,044], p = 0,02) ; (2) IDI : +0,209 ([IC95 %
0,130-0,321], p <0,001) ; (3) NRI : +0,562 ([IC95 %
0,382-0,799], p <0,001).
Dr Joseph Miller