Origine de SARS-Cov-2 : n’en déplaise à certains, le mystère reste entier

Washington, le lundi 6 mars 2023 – Si le gouvernement américain semble désormais pencher pour la thèse de l’accident de laboratoire en ce qui concerne l’origine de SARS-CoV-2, le mystère reste entier.

Le mystère de l’origine de SARS-Cov-2 qui occupe les scientifiques du monde entier depuis plus de trois ans vient-il d’être résolu ? A en croire une partie du gouvernement américain, la réponse est oui. Ainsi, les 26 et 28 février dernier, ce sont tour à tour le ministère américain de l’Energie (qui s’appuie sur un important réseau de laboratoires de pointe) et le FBI, principale agence fédérale de contre-espionnage, qui ont affirmé que la pandémie avait été provoquée par un accident survenu au laboratoire P4 de Wuhan, connu pour manipuler des micro-organismes hautement pathogènes. « Le FBI estime depuis un certain temps déjà que l’origine de la pandémie est très probablement liée à un incident de laboratoire à Wuhan » a ainsi déclaré à la télévision américaine le directeur de l’agence Christopher Wray.

En réalité, ces deux prises de positions successives de représentants du gouvernement fédéral américain ne semblent s’appuyer sur aucun élément scientifique nouveau. Les partisans de la thèse de l’accident de laboratoire et ceux qui penchent pour l’origine naturelle du virus s’appuient donc toujours sur les mêmes arguments : les premiers rappellent que le laboratoire de Wuhan travaillait sur le RaTG13, un virus de chauve-souris très proche du SARS-Cov-2 ainsi que sur des expériences de gain de fonction ; les seconds affirment qu’il n’y a aucune preuve qu’un tel accident ait eu lieu et continuent de penser que le virus est passé de la chauve-souris à l’homme via un animal intermédiaire.

L’OMS demande plus de transparence aux Etats-Unis

Les affirmations péremptoires du gouvernement américain ont quelque peu agacé l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui tente également de percer le mystère de l'origine de la pandémie depuis trois ans. Ce vendredi, l’agence onusienne a demandé aux Etats-Unis de partager les nouvelles informations dont ils disposeraient. « Si un pays dispose d’informations sur les origines de la pandémie, il est essentiel que ces informations soient partagées avec l’OMS et la communauté scientifique internationale » a déclaré le Dr Thedros Ghebreyesus, directeur de l’OMS.

Alors que le ministère de l’Energie a dit s’appuyer sur un « rapport » secret pour affirmer que le virus s’était échappé d’un laboratoire, Maria Van Kerkhove, responsable de la Covid-19 au sein de l’OMS, se plaint de n’avoir « pas accès à ces rapports ou à ces données qui ont permis d’élaborer ces rapports ». Comme l’a rappelé le Dr Ghebreyesus, connaitre l’origine de la pandémie est un « impératif scientifique mais aussi moral » vis-à-vis des millions de victimes de la maladie. Par ces déclarations, l’OMS tente de reprendre la main sur le sujet, trois semaines après que la revue Nature l’a accusé d’avoir abandonné toute enquête sur les origines du virus.

Ancien membre du conseil scientifique et actuel membre du comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), le Pr Bruno Lina estime lui aussi dans les colonnes du Parisien qu’il n’y a « pas d’éléments nouveaux qui permettraient de rouvrir le dossier de l’origine du virus ». Même s’il considère que « si l’on met en balance les deux hypothèses, la plus vraisemblable reste l’origine naturelle et non accidentelle », le virologue lyonnais concède qu’il est « impossible d’être certain qu’il n’y ait pas eu de fuite accidentelle ».

Connaitre les origines de cette pandémie pour anticiper la prochaine

Le Pr Lina regrette qu’en trois ans, la question soit devenue plus politique que scientifique (la théorie de la fuite d’un laboratoire est ardemment défendue par la droite américaine), sur fond de rivalité sino-américaine. « Ce n’est pas aux scientifiques de commenter les relations entre la Chine et les Etats-Unis » explique-t-il. Depuis les dernières investigations de l’OMS menées début 2021, la Chine refuse toute enquête internationale sur son territoire et défend ardemment la thèse de l’origine naturelle. « En ressortant cette théorie d’une fuite de laboratoire, qui n’est en aucun cas en mesure de discréditer la Chine, le FBI ne fait qu’entamer sa propre crédibilité » a ainsi affirmé Pékin mercredi dernier.

Tant que la Chine continuera à faire preuve d’une telle opacité, il sera impossible de faire avancer l’enquête estime le Pr Lina. « Il faut qu’on arrêter de tourner en rond et de faire perdre du temps à tout le monde car la coopération avec la Chine pour déterminer l’origine du Covid ne se fait pas et elle ne se fera jamais, c’est évidemment très frustrant » estime pessimiste le spécialiste. Une situation d’autant plus malheureuse que, au-delà de la simple curiosité, connaitre les origines de cette pandémie pourrait nous aider à anticiper la prochaine. « On voudrait disséquer les mécanismes, être capable de tout expliquer pour se donner les moyens qu’une telle pandémie n’arrive plus, mais comme il nous manque un maillon de connaissance, on risque de rater son émergence » conclut le scientifique.

Grégoire Griffard

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