
La persistance ou l'apparition de symptômes de longue durée après l’infection par le SARS-CoV-2 sont dénommées « affection post-Covid-19 » ou plus communément « Covid long ». Selon la définition consensuelle de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « le Covid long se manifeste généralement dans les 3 mois suivant l'infection initiale au SARS-CoV-2, et se caractérise par des symptômes persistants au moins 2 mois, lesquels, d’une part ne peuvent pas être expliqués par d'autres diagnostics, et, d’autre part, ont un impact sur la vie quotidienne ». Asthénie, essoufflement et dysfonctionnement cognitif sont des symptômes fréquemment retrouvés, mais la liste de l’OMS en comprend 22 autres dont, le malaise après l’effort, une fièvre intermittente, la perte du goût ou de l’odorat, la dépression [1, 2, 3].
Selon la Haute Autorité de Santé, « 4 % des répondants d’un panel de volontaires adultes résidant en France métropolitaine présentent les critères d’une affection post-Covid-19 selon la définition consensuelle de l’OMS, soit 30 % des personnes ayant eu une infection par le SARS-CoV-2 plus de trois mois auparavant. Cela correspondrait à 2,06 millions de personnes de plus de 18 ansconcernées dans la population française début avril 2022 » (Résultats de l’enquête Affection post-Covid, 22 mars - 8 avril 2022) [4].
Essentiellement trois types de symptôme
De nombreuses études ont été conduites sur la symptomatologie des Covid longs. Un groupe de travail international a analysé chez 1,2 millions de patients, à partir de 54 études complétées par 2 bases de données médicales, 3 symptômes parmi les plus fréquents de Covid long, après la pandémie de 2020-2021, : la fatigue durable avec douleurs physiques et modifications de l’humeur, les troubles cognitifs et les symptômes respiratoires persistants. Il ressort de cette étude, publiée en octobre 2022, que 6,2 % des patients ayant présenté une infection symptomatique à SARS-CoV-2 et ayant survécu à la phase aiguë durant la période 2020-2021, ont souffert d’au moins un des trois symptômes analysés, toujours présent au 3e mois. La grande majorité des Covid longs ont disparu avec le temps [5, 6].
Mais ces symptômes non pathognomoniques peuvent aussi être attribués à d’autres causes et donc ne pas être liés à l'infection par le SARS-CoV-2, comme par exemple dans des infections virales (grippe, Ebola, EBV) et non virales (fièvre Q, Lyme, giardase) [5].
Une question se pose ainsi : croire que l’on a été infecté par le SARS-CoV2 peut-il être associé aussi, comme chez des sujets réellement infectés, à des symptômes persistants évoquant ainsi un Covid long ?
Pour tenter de répondre à cette question, une équipe française a étudié l'association de la Covid-19 autodéclarée à des résultats des tests sérologiques, chez des sujets décrivant des symptômes physiques persistants (Covid long). Nous en présentons les résultats publiés dans le JAMA International Medicine en novembre 2022 [7].
Il s’agit d’une étude transversale conduite pendant la pandémie de Covid-19, et portant sur 26 823 adultes volontaires de la cohorte française CONSTANCES* basée sur la population, inclus entre 2012 et 2019 qui ont pris part aux enquêtes emboîtées SAPRIS et SAPRIS-SERO**. Entre mai et novembre 2020, un test immuno-enzymatique a été utilisé pour détecter les anticorps anti-SARS-CoV-2. Entre décembre 2020 et janvier 2021, les participants devaient déclarer le cas échéant, s'ils pensaient avoir été infectés par le virus de la Covid-19 et s’ils avaient eu des symptômes physiques au cours des 4 semaines précédentes, ayant persisté pendant au moins 8 semaines. Les participants qui ont dit avoir eu une Covid-19 seulement après avoir effectué le test sérologique ont été exclus. Des régressions logistiques pour chaque symptôme persistant en tant que résultat ont été calculées dans des modèles incluant à la fois la maladie Covid-19 autodéclarée et les résultats du test sérologique ; il y a eu ajustement sur l'âge, le sexe, le revenu et le niveau d'éducation.
Association avec la conviction d’avoir été infecté plus qu’avec la sérologie
Les 26 823 adultes inclus (74,8 % des sujets volontaires) avaient tous des données complètes pour les tests sérologiques et l'infection autodéclarée. L’âge moyen était de 49,4 ans ; 51,2 % étaient des femmes.
L'infection autodéclarée était positivement associée aux symptômes physiques persistants, avec des rapports de cotes allant de 1,44 (intervalle de confiance à 95 % IC 95 %, 1,08-1,90) à 16,61 (IC 95 %, 10,30-26,77), à l'exception des troubles auditifs (rapport de cotes, 1,38 ; IC 95 %, 0,76-2,51), des douleurs articulaires (rapport de cotes, 1,32 ; IC 95 %, 0,98-1,80) et des troubles du sommeil (rapport de cotes, 1,12 ; IC 95 %, 0,87-1,44).
Un résultat de test sérologique positif pour le SARS-CoV-2 n'était positivement associé qu'à une anosmie persistante (odds ratio, 2,59 ; IC à 95 %, 1,57-4,28), même en restreignant les analyses aux participants qui attribuaient leurs symptômes à une infection au Covid-19. Des ajustements supplémentaires pour l'auto-évaluation de la santé ou les symptômes dépressifs ont donné des résultats similaires. Il n'y avait pas d'interaction significative entre les croyances et les résultats des tests sérologiques.
Les auteurs concluent que les symptômes physiques persistants après une infection au Covid-19 peuvent être davantage associés à la croyance d'avoir été infecté par le SARS-CoV-2 qu'à une Covid-19 confirmée en laboratoire.
Ils concluent aussi que la Covid-19 autodéclarée était
associée à la plupart des symptômes physiques persistants, tandis
que l'infection par le SARS-CoV-2 confirmée en laboratoire était
associée uniquement à l'anosmie. Ainsi pour eux, les symptômes
physiques persistants après une infection au Covid-19 ne doivent
pas être automatiquement attribués au SARS-CoV-2 ; une évaluation
médicale complète peut être nécessaire pour éviter d'attribuer à
tort les symptômes au virus et ainsi de porter par erreur un
diagnostic de « Covid long ».
*Constances est une cohorte épidémiologique « généraliste » constituée d'un échantillon représentatif de 200 000 adultes âgés de 18 à 69 ans à l'inclusion, consultants des Centres d'examens de santé (CES) de la Sécurité sociale. https://www.constances.fr/
** SAPRIS-SERO est le volet biologique du projet SAPRIS, une grande enquête pilotée par l’Inserm sur le COVID-19 qui s’appuie sur les grandes cohortes épidémiologiques Constances, E3-E4N, NutriNet-Santé et Elfe-Epipage2.
Pr Dominique BAUDON