
Les pièges extracellulaires de neutrophiles, en première ligne de la réponse immunitaire innée
La production de NETs joue un rôle important en première ligne de la réponse immunitaire innée. Les neutrophiles activés en réponse à une infection produisent des NETs, structures extensives réticulées composées de fragments d’ADN, d’enzymes bactéricides (comme l’élastase neutrophile ou la myéloperoxydase) et de molécules pro-inflammatoires. Ces structures piègent les microorganismes dans le sang, empêchent leur dissémination et les isolent par leur fonction de coagulation. Mais le processus peut échapper à tout contrôle, déclenchant une réaction inflammatoire excessive avec une possible atteinte multi-organes.
Dans une précédente étude, les auteurs ont montré que les taux
sériques d’élastase, de myélopéroxydase et d’ADN circulant
d’origine nucléaire et mitochondrial, étaient plus élevés chez des
personnes atteintes de covid-19, dans les formes non graves ou
graves, ainsi qu’après la phase aiguë, par comparaison avec des
individus en bonne santé. Cette analyse montrait aussi l’intérêt de
ces marqueurs de NETs pour le diagnostic de gravité de la
maladie.
Pour une nouvelle étude, ils ont inclus 122 patients, dont 26
avaient une forme non grave de Covid-19 et 44 une forme grave,
ainsi que 42 patients précédemment hospitalisés en réanimation et
présentant, 6 mois ou plus après leur sortie, au moins un symptôme
listé parmi les séquelles post-Covid.
Les marqueurs de NETs sont corrélés à la gravité de la Covid-19
Les données confirment dans un premier temps la corrélation entre les taux de marqueurs de NETs et ceux d’ADN circulant et la gravité de la maladie. Les taux d’élastase neutrophile, de myélopéroxydase et d’ADN nucléaire circulant sont en effet largement supérieurs chez les patients atteints de Covid-19, sévère ou non sévère, par rapport aux taux mesurés chez les individus en bonne santé, les taux les plus élevés étant retrouvés chez les patients présentant des formes graves. L’étude confirme ainsi le probable rôle clé des NETs dans la pathogénie de la maladie.
Il apparaît aussi une présence plus importante
d’auto-anticorps anti-cardiolipine chez les patients, en
comparaison avec les témoins, notamment dans les formes graves. Ces
auto-anticorps ont été associés à la survenue de complications
thrombotiques, notamment de micro-thromboses, au cours de
nombreuses infections virales.
Les marqueurs de NETs peuvent persister plus de 6 mois après la phase aiguë
Enfin, l’étude montre la persistance de taux élevés des
marqueurs de NETs et d’ADN circulant chez les patients
présentant des symptômes de « Covid long » 6 mois après la phase
aiguë. En effet, si les taux d’élastase neutrophile, de
myélopéroxydase et d’ADN nucléaire circulant baissent à distance de
la phase aiguë, ils restent statistiquement supérieurs à ceux
retrouvés chez les personnes en bonne santé.
La persistance de la formation de NETs paraît fréquente dans
cette phase, puisque 90,5 % des patients ont des taux de marqueurs
supérieurs aux taux moyens des personnes en bonne santé. La
production d’auto-anticorps anti-cardiolipine peut elle aussi se
maintenir plus de 6 mois après la phase aiguë de l’infection,
présents ici chez 19,1 % des patients à distance de la phase aiguë.
Leur prévalence doit toutefois être interprétée avec prudence étant
donné le faible nombre de patients inclus.
Selon les auteurs, ces résultats pourraient indiquer « la
persistance d’un déséquilibre soutenu de la réponse immunitaire
innée, et une activité potentielle pro-thrombotique prolongée
pouvant expliquer les séquelles de post-infection aiguë ou « Covid
long ». Il est nécessaire de poursuivre les recherches afin d’une
part de confirmer cela et d’autre part de mieux comprendre la
nature de ce phénomène pouvant être grave et durable, pour
améliorer la prise en charge thérapeutique des patients
».
Dr Roseline Péluchon