Où l’on confirme l’avantage de la greffe sur la dialyse en termes de survie

La transplantation rénale est à ce jour l’option thérapeutique optimale en cas d’insuffisance rénale terminale (IRT). Plusieurs études observationnelles ont montré qu’elle améliorait la survie comparativement au maintien en dialyse à long terme. Toutefois, ces résultats ne reposent pas sur des essais cliniques randomisés, difficilement concevables.

La quantification du bénéfice de survie apporté par une greffe rénale peut être évaluée par la différence de temps de survie moyen restreint (RMST) dans des études observationnelles utilisant l’émulation d’essais cible. Partant de l’hypothèse que les avantages de survie obtenus avec la greffe diminuent avec l'âge du receveur alors que le temps d'attente en dialyse s'allonge en raison d'une fragilité croissante des patients, une équipe autrichienne a mené une étude dont l'objectif principal était de comparer les temps de survie entre les sujets greffés et ceux dialysés à long terme pour les patients éligibles à la greffe, et selon l’âge des candidats.

L’objectif secondaire était d'étudier le bénéfice de survie en fonction du temps d'attente sous dialyse selon l'âge.

Une étude de cohorte autrichienne


Cette étude a inclus les données des patients majeurs dialysés éligibles à une transplantation rénale entre le 1er Janvier 2000 et le 31 Décembre 2018. La méthodologie utilisée fut celles des cibles hypothétiques, permettant d’appliquer la rigueur d ’essais cliniques randomisés à l’analyse de données observationnelles afin de comparer la greffe de rein d’un donneur décédé vs le maintien sur liste d’attente sans bénéficier d’une transplantation, prenant en compte l’âge et la durée d’attente en dialyse.

La cohorte a comporté 4 445 patients dont 1 471 (33,1 %) femmes, d’âge moyen 52,2 (13,2) ans. Les glomérulonéphrites étaient la cause la plus fréquente d’IRT (27,8 %), suivies par les néphropathies diabétiques (17,5 %), les maladies héréditaires (16,2 %) et vasculaires (15,7 %). Dans cette cohorte, 3 621 patients (81,5 %) furent transplantés par rein de donneur décédé entre septembre 2000 et mars 2019, avec un délai moyen d’attente de 1,7 ans et 3,2 ans sous dialyse ; 1 392 (31,3 %) sont décédés durant le suivi. L’ensemble des protocoles d’émulation de l’essai cible inclut 1 367 essais auxiliaires, soit un total de 2 067 620 personnes-essais.

Un bénéfice indépendant de l’âge


Une augmentation du RMST chez les transplantés a été constatée, en comparaison avec ceux restés sur liste d’attente : de 0,53 ans (IC à 95 % : 0,45- 0,63) après un suivi de 5 ans, de 2,40 (IC à 95 % : 2,09- 2,95) ans à 10 ans. L’amélioration était moindre pour les patients âgés de 20 ans : 0,10 (IC à 95 % : - 0,02 à 0,33) à 5 ans et 0,57 à 10 ans (IC à 95 % : - 0,14 à 1,84). La différence de RMST à 10 ans s’accrut avec l’âge des patients, de 0,41 (IC à 95 % : 0,31- 0,52) à 50 ans pour atteindre 0,77 (IC à 95 % : 0,63 – 0,81) à 60 ans et 2,48 (IC à 95 % 1,88 à 3,04) à 70 ans.

Au-delà, le bénéfice en termes de survie fut moins net. Les analyses de sensibilité ont confirmé le bénéfice en termes de survie d’une greffe, quel que soit l’âge du malade et de façon indépendante du temps d’attente avant greffe.

Ainsi ce travail démontre un gain en termes d’espérance de vie de la greffe rénale versus le maintien en dialyse. Ce bénéfice est patent quel que soit l’âge du patient ou le temps passé en dialyse sur liste d’attente. Ces résultats rejoignent ceux d’une importante revue systématique publiée en 2011, mais qui avait comporté de forts risques de biais. Un travail français récent a rapporté un gain de vie de 6,8 mois après un suivi de 10 ans, avec une méthodologie différente ayant inclus des transplantations tardives dans le groupe contrôle.

La force de cette étude réside dans le choix d’une cible clairement définie et d’un protocole incluant les seuls patients éligibles à la transplantation, ajusté de nombreux facteurs confondants, à l’aide d’une méthode d’émulation d’essais cibles afin de déterminer le gain en espérance de vie. Quelques réserves sont à noter. Il a été difficile de quantifier le bénéfice chez les malades de moins de 20 ans.

La méthodologie a nécessité des hypothèses structurales. La population concernée était européenne, blanche, ce qui rend les résultats difficilement généralisables à d’autres populations. Enfin, l’étiologie la plus commune d’IRT était ici une glomérulonéphrite et non d’autres néphropathies, notamment diabétique.

Dr Pierre Margent

Référence
Strohmaier S, Wallisch C, Kammer M, et al. Survival Benefit of First Single-Organ Deceased Donor Kidney Transplantation Compared With Long-term Dialysis Across Ages in Transplant-Eligible Patients With Kidney Failure. JAMA Netw Open. 2022 Oct 3;5(10):e2234971. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2022.34971. PMID: 36205998.

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