
Cambridge, le mercredi 8 octobre 2008 – La saison des prix Nobel s’est donc ouverte lundi, avec pour la France, la fierté d’avoir été récompensée par le prix Nobel de médecine et de physiologie. Avant que ne soient décernées ces illustres récompenses, une autre cérémonie retenait l’attention de certains médias : la remise des « Ig Nobel » dans le théâtre de la prestigieuse Université de Harvard en présence de très sérieux scientifiques et de vrais Prix Nobel, n'hésitant pas à jouer le jeu. Cette manifestation qui existe depuis dix-huit ans n’est pas destinée à railler l’institution centenaire des Nobel mais plus certainement à mettre en évidence comment les laboratoires du monde entier abritent en leur sein des sujets de recherches pour le moins loufoques et parfois à la limite de l’utilité. Au-delà de la plaisanterie, les initiateurs des « Ig Nobel » (soit ignoble, en anglais) montrent également comment certaines publications éminemment sérieuses n’hésitent pas à retenir des travaux plus étonnants qu’intéressants. Cette double vocation, humoristique et intellectuelle, a été résumée par l’organisateur Marc Abrahams qui a indiqué jeudi soir dernier que les Ig Nobel avaient pour but de « faire rire puis réfléchir ». Le jury composé par cet éditeur de la revue scientifique humouristique les Annales de la recherche improbable avait concocté un excellent cru en cette année 2008... où il a été surtout question de rire!
Les chips ça croustille !
Rire et retenir son souffle lorsque est apparu sur la scène Dan Meyer, co-auteur d’un rapport médical sur « les effets collatéraux de l’ingestion de sabre », qui après avoir remporté l’année dernière le prix Ig Nobel de médecine s’est prêté cette année à une petite démonstration. En 2008, dans cette catégorie, le prix a récompensé des travaux peu surprenants mettant en évidence que plus les placebos sont chers plus ils sont efficaces ! Après cette introduction tranchante, une nouvelle distinction a salué dans la catégorie « Nutrition » des chercheurs d’Oxford qui sont parvenus à démontrer que le son produit par le fait de croquer dans une chips (Pringle) crée une impulsion électronique qui pousse le consommateur à trouver cette denrée plus fraîche et plus croustillante ! En distinguant cette équipe anglo-italienne, le jury a semble-t-il voulu dénoncer les trop grandes concessions de certains chercheurs à l’industrie agroalimentaire et publicitaire. L'Académie des Ig Nobel aura également voulu taquiner ces trois chercheurs américains en économie qui grâce à de solides (et agréables?) observations ont constaté que c'est en période d'ovulation que les stripteaseuses remportent le plus d'argent!
Où l’on apprend que les puces de chiens sautent plus haut que les puces de chats
Quelques minutes plus tard, c’est la trop grande sensibilité de
nos voisins suisses qui a été gentiment moquée : le comité fédéral
suisse d’éthique a en effet reçu le prix Ig Nobel de la Paix pour
avoir adopté une résolution rappelant le droit à la dignité… des
plantes vertes ! Avec la catégorie Sciences Cognitives, un
grand espoir a ensuite été donné à tous les chercheurs désespérant
de voir leurs travaux publiés dans Nature. La grande revue a en
effet retenu dans ses colonnes une étude mettant en scène le
parcours d’une amibe dans un labyrinthe… travaux dont l’importance
n’a également pas échappée à la sagacité du jury des Ig Nobel. En
Physique, les lauréats sont un océanographe et un physicien
américains qui ont réussi à prouver ce que tout marin avait observé
avant eux : agitée un peu fort, une corde finit systématiquement
par faire un noeud. Mais ces travaux sont certainement plus censés
que ceux menés dans les années 80 par une équipe thaïlandaise et
une équipe américaine sur le caractère potentiellement spermicide
du coca-cola. Non contents d’avoir trouvé là un sujet
révolutionnaire, les chercheurs n’ont pas abouti aux mêmes
conclusions : les Américains affirment que le coca-cola est un
excellent spermicide, tandis que les Thaïlandais n’ont pas du tout
reconnu cette qualité là au célèbre breuvage, dont ils
déconseillent fortement un tel usage! Enfin la France,
n’a pas été oubliée dans ce palmarès. Le Prix Ig Nobel de Biologie
a récompensé une étude sur « les sauts comparés des puces de
chiens et des puces de chats » où l’on apprend que les
premières sautent plus hauts que les secondes. Bonne joueuse, comme
plusieurs de ses co-lauréats, la chercheuse Marie-Christine
Cadiergues s’est déclarée satisfaite de ce prix, mais a nuancé
l’inutilité de ses travaux. « Cet article fait partie d’une
recherche plus ample sur les puces. Il s’agissait de comparer deux
espèces de puces (…) pour comprendre pourquoi la première était en
voie de disparition et pas la seconde » a-t-elle
expliqué.
M.P.