
Un marché florissant bientôt ébranlé ?
Un démarrage probablement complexe
D’abord, parce que la mise en œuvre de la loi sera loin d’être
immédiate et pourrait même engendrer quelques difficultés. Nous
avons ainsi évoqué dans ces colonnes comment certains redoutent que
les dispositions prévoyant un accès à certaines données (non
identifiantes) des donneurs conduise à une destruction d’une partie
des stocks de gamètes. Si une telle mesure était prise, et alors
que la reconstitution sera nécessairement longue, s’écoulera une
période plus ou moins prolongée où l’activité de PMA pourrait être
au ralenti dans notre pays. Et les candidats s’orientant vers
l’Espagne seront encore nombreux, notamment ceux redoutant d’être
écartés en raison de leur âge.
Des couples de femmes et des célibataires, mais pas seulement
Au-delà de cette période de transition difficile, la levée
partielle de l’anonymat et, en tout état de cause, l’augmentation
du nombre de patients pourraient aggraver en France les pénuries de
gamètes (notamment d’ovocytes) qui sont une des raisons de
l’engouement des Français pour la médecine reproductive espagnole.
En effet, les délais d’attente sont bien plus réduits en
Espagne grâce notamment à une politique de dédommagement des dons
d’ovocytes (à hauteur de 1 000 euros). De fait, même si le nombre
de couples de femmes et de femmes seules se rendant en Espagne afin
de contourner les interdictions françaises a fortement progressé
ces dernières années (+700 % entre 2014 et 2018 dans les cliniques
IVI en Espagne pour les premières et + 350 % pour les secondes),
les couples hétérosexuels sont également nombreux à franchir la
frontière. Ainsi, parmi les 7 300 patientes françaises accueillies
par les cliniques IVI en Espagne entre 2014 et 2018, 70 % étaient
en couple hétérosexuel. Outre des temps d’attente bien moins
importants, ces couples peuvent espérer bénéficier en Espagne de
réglementations plus clémentes en ce qui concerne les limites
d’âge.
Efficacité et secret préservé
On peut également estimer que certaines des dispositions de la
future loi (si elles étaient actées comme elles sont aujourd’hui
proposées) pourraient conforter le choix de l’Espagne pour tous les
types de couples. Les familles inquiètes des mesures sur la levée
partielle de l’anonymat et les couples de femmes (voire tous les
couples) refusant l’inscription dans l’acte d’état civil de leur
enfant du recours à la PMA pourraient ainsi continuer à considérer
la législation française comme inadaptée ou insuffisante. Enfin, en
Espagne, les couples recherchent également une plus grande
efficacité : forts de réglementation très souples, les spécialistes
de la reproduction espagnols ont développé des techniques souvent
plus performantes qu’en France. Ils proposent, en outre, un
dépistage pré-implantatoire pour éliminer certaines pathologies les
plus graves qui n’est pas (officiellement) possible en
France.
Une question de coût
*Dans certaines conditions, le remboursement de certains actes peut être assuré par la Sécurité sociale française, mais l’ensemble des frais est loin d’être couvert pour tous et totalement.
Aurélie Haroche