
La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est habituellement
associée à un certain degré de déficit immunitaire, qui s'aggrave
généralement au cours de la maladie. Une hypogammaglobulinémie se
voit chez environ 85 % des patients, mais aussi un défaut de
l’immunité cellulaire, prédisposant à un risque plus élevé
d'infections et de néoplasie secondaire.
La Covid-19 a un impact majeur chez les patients atteints de
LLC et les données de l'European Research Initiative on CLL
(ERIC) montrent qu’en cas de Covid-19 confirmé, 79 % ont développé
une maladie grave et ont dû être hospitalisés, avec 36,4 % de
décès. Même dans les vagues récentes de la maladie, des taux de
mortalité de 11 % ont été observés.
Avec l'arrivée des vaccins Covid-19, les patients atteints de
LLC ont été inclus dans des programmes de vaccination, mais les
premières données indiquent un fréquent échec de la séroconversion
et la persistance probable d’un risque immédiat majeur de morbidité
et de mortalité en cas d’'infection par le SARS-CoV-2.
Production insuffisante d’anticorps dans 2/3 des cas de LLC
Des prélèvements sanguins ont été effectués avant vaccination,
et 2 à 4 semaines après la 1ère dose (D1)
et la 2ème dose (D2). Le test évaluant les
IgG anti protéine Spike du SARS-CoV-2 est considéré positif à
partir de 50 unités arbitraires (UA) /ml. Chez les patients
atteints de LLC, la réponse anticorps anti protéine S du
SARS-CoV-2, était négative pour 79,2 % d’entre eux après D1 et pour
45 % après D2. Chez les patients atteints de LBM, la réponse
anticorps était négative dans 50,0 % et 9,5 % des cas,
respectivement, après chaque dose, contre 0 % et 0 % chez les
donneurs sains.
Il existe une association statistiquement significative entre
l'absence de réponse et un faible taux d'IgM avant la vaccination,
un faible taux d’IgG2, d’IgG3 et un traitement dans les 12 mois
précédents. L’absence de séroconversion intéresse 74,4 % des
patients ayant été traités dans les 12 mois précédents, 78,1 % des
patients en cours de traitement (avec en particulier 85,7 % des
patients traités par inhibiteur de BTK, principalement ibrutinib),
36,6 % des patients non traités, 53 % des patients ayant une
réduction isolée de leur taux d’IgM. Il n’existe pas d’association
avec les caractéristiques cliniques, le taux des IgA, des IgG
totales, l’importance de la population clonale, le nombre de
cellules T, les sous-populations lymphocytaires T, la
cytogénétique, le statut mutationnel.
L’activité neutralisante des anticorps a été évaluée contre la
souche originelle D614G et contre le variant Delta chez 30
patients.
Elle a été démontrée contre la souche D614G chez 40 % des
patients et contre le variant Delta chez 30 %, tous ayant un taux
d’anticorps > 1 000 UA/ml. Après D2, 73,0 % des patients avec
LLC et 53,3% de ceux avec LBM ne sont pas parvenus à un niveau
d’anticorps > 1 000 UA/ml.
Réponse lymphocytaire spécifique normale pour 80 % des patients
Une évaluation de la fonction lymphocytaire T spécifique du
Covid19 a été réalisée chez 31 patients par mesure des lymphocytes
T producteurs d’interféron gamma (IFNγ) et d’interleukine-2 (IL2).
Cette fonction est définie comme normale si, en réponse à la
stimulation avec un pool de peptides du SARS-CoV-2, il y a un
nombre similaire de cellules T productrices d'IFNγ et d'IL-2 par
rapport à des sujets normaux.
Au total, on observe qu’un nombre important de patients
atteints de LLC ne parvient pas à obtenir un taux d'anti-S positif
≥ 50 AU/ml, le seuil du test, avec 45 % d’échec de séroconversion
après D2, Dans le cas de patients atteints de LBM, 9,5 % restent
séronégatifs après D2. En revanche, les sujets sains atteignent un
niveau d’anti-S positif après D1 et un niveau beaucoup plus élevé
après D2.
L’activité neutralisante des anticorps est restreinte aux
réponses > 1 000 UA/ml, et, à ce seuil de réponse, on observe
que 73 % des cas de LLC et 53,3 % des cas de LBM n’atteignent pas
ce niveau. Le taux initial d’IgM et un traitement en cours sont les
principaux facteurs prédictifs d’un défaut de séroconversion.
Ainsi les patients atteints de LLC non traitée ou de LBM, qui
ont peu de risques liés à leur maladie, mais qui n’atteignent pas
une réponse anticorps suffisante après vaccination, restent
vulnérables et susceptibles d’avoir une Covid19 sévère. De plus,
l’absence de développement d'anticorps anti-S ou d'activité
neutralisante est probablement un facteur important de réplication
et d'excrétion virales prolongées.
Pr Gérard Sébahoun