Pénurie d’amoxicilline buvable dans les pharmacies françaises
Paris, le vendredi 18 novembre 2022 – De plus en plus de pharmacies
à travers la France sont en rupture de stock d’amoxicilline, l’un
des antibiotiques les plus prescrits, notamment chez les jeunes
enfants.
Que l’on parle de « pénurie » ou plus pudiquement de « tension
d’approvisionnement », le constat est le même et a déjà été fait
par de nombreux pharmaciens et parents : il est de plus en plus
difficile d’obtenir de l’amoxicilline en officine. Les pharmaciens
sont régulièrement obligés de renvoyer vers leur médecin les
parents ayant reçu une prescription d’amoxicilline pour leurs
enfants, afin d’obtenir une solution de rechange.
Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM),
l’amoxicilline en sa forme buvable, utilisée chez les enfants, fait
face à de « fortes tensions d’approvisionnement prévues jusqu’en
mars 2023 ». Or, 80 % des antibiotiques utilisés en pédiatrie
comprennent de l’amoxicilline, un antibiotique « extrêmement
prescrit » comme le confirme la Pr Mathie Lorrot, pédiatre à
l’hôpital Armand-Trousseau et membre de la Société de pathologie
infectieuse de langue française.
L’amoxicilline est notamment utilisée pour soigner les otites,
les pneumonies et les angines d’origine bactérienne et la pénurie
tombe donc particulièrement mal à l’approche de l’hiver.
Les médecins appelés à prescrire avec parcimonie
Interpellé sur la question au Sénat le 9 novembre dernier, le
ministre de la Santé François Braun a indiqué que « des
obligations au niveau des volumes de stock ont été renforcées pour
les médicaments d’intérêt thérapeutiques majeur ». Il a
également rappelé qu’il était « difficile de faire la part des
choses entre la déficience de produits actifs et la déficience de
capacité d’emballage », affirmant que les « autres formes
d’amoxicilline (hors forme buvable) sont facilement accessibles
».
L’ANSM a d’ores et déjà pris des mesures pour tenter de
pallier cette pénurie d’amoxicilline. Elle a ainsi demandé aux
laboratoires français qui produisent ce médicament de cesser toute
exportation et a également contingenté le nombre de boites que
peuvent commander chaque officine. Le gendarme du médicament
pourrait également prochainement demander aux médecins de limiter
leur prescription à cinq jours mais également leur rappeler
quelques règles de bonne conduite, comme la nécessite de réaliser
un test de dépistage rapide (TROD) afin de distinguer les angines
bactériennes et virales, pour lesquels les antibiotiques sont
inutiles. L’un des objectifs de ces mesures est d’éviter un cercle
vicieux souvent observé en cas de pénurie, au cours duquel les
consommateurs inquiets se mettent à stoker le produit, aggravant
ainsi la situation.
Une crise mondiale du médicament
Cette pénurie mondiale d’amoxicilline, qui ne touche pas que
la France mais également les Etats-Unis et le Canada, est dû à une
multitude de facteurs conjoncturels et structurels. En premier
lieu, après deux ans de baisse due aux mesures sanitaires
anti-Covid, la consommation d’antibiotiques repart à la hausse
cette année, alors même que la production mondiale n’a toujours pas
retrouvé son rythme d’avant la pandémie. Ensuite, la hausse des
prix de l’énergie et la guerre en Ukraine, grand producteur
d’aluminium (matière indispensable pour les emballages de
médicaments) ont gravement perturbé la production de médicaments en
général.
L’amoxicilline n’est d’ailleurs pas le seul médicament touché
: paracétamol et fosfomycine connaissent également des difficultés
d’approvisionnement.
Enfin, de manière plus générale, notre pays est en situation
de grande dépendance médicamenteuse : « on dépend à 80 % de
l’Asie pour la production de médicaments » rappelle Bruno
Bonnemain, membre de l’Académie nationale de pharmacie. Si en 2020,
au moment de l’épidémie de Covid-19, le gouvernement avait fait du
retour de l’indépendance sanitaire une de ses priorités, deux ans
après les résultats ne sont pas encore là. Le ministre François
Braun a cependant tenu à rappeler que 7,5 milliards d’euros
allaient être investis pour relancer la filière du médicament en
France et qu’une usine de paracétamol allait ouvrir l’an prochain
dans l’Isère.
Depuis des années, la situation de monopole d’État de la Sécu lui permet de bloquer les prix de vente des médicaments. La réponse des labos qui avaient besoin de dégager une marge entre leur prix de revient et le prix imposé a été de se transférer vers l'Europe des salaires communistes, puis, le blocage continuant, vers l'Asie. Mais avec la brutale réapparition de l'inflation sur presque tout, même les prix hindous ne "passent" plus. Et le Comité Économique des produits de santé (CEPS), qui, sur proposition de la Sécu, fixe les prix, atteint la limite. Car chez nous, les pharmaciens, les prix de mise sur le marché sont quasi définitifs, et s'ils changent c'est pour baisser. Et c'est pareil pour les autres professions de santé. Ce qui commence à provoquer ce que l'on peut appeler la " grande grève", qui ne se traduit pas par des arrêts de travail, comme les "petites grèves", mais par le basculement de toute une classe d'age vers d'autres professions mieux rémunérées. Une sorte de grande démission quoi . Les Fac' de Pharma sont un tiers vides, et bien évidemment, au lieu d'en tirer les conséquences, les décideurs... en fermeront un certain nombre pour y regrouper les étudiants survivants. Idem pour les services hospitaliers.