Peut-on (vraiment) dire que le Conseil d’Etat a confirmé le lien entre vaccination et myofasciite à macrophage ?

Paris, le 30 octobre 2021 - L’interprétation d’un arrêt du Conseil d’État est un exercice parfois délicat. Le 29 septembre dernier, la plus haute juridiction administrative statuait sur l’indemnisation d’une infirmière atteinte d’une myofasciite à macrophages que la requérante impute à l’une des vaccinations rendues obligatoires pour ses activités professionnelles.

Une très longue histoire

Pour bien comprendre la portée de l’arrêt rendu, un rappel des faits s’impose. Entre 1992 et 2002, une infirmière au CHU de Caen a été vaccinée dans le cadre de sa profession et à plusieurs reprises contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. A partir de novembre 2007, l’infirmière a souffert de paresthésie dorso-lombaires attribués par la suite à une myofasciite à macrophages, diagnostiquée en avril 2009.

Dans la mesure où la requérante impute cette affection à la vaccination, une demande préalable d’indemnisation a été formée auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Dans un premier temps, l’ONIAM a rejeté cette demande le 14 avril 2016.

Cependant, par un jugement du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a fait partiellement droit à la demande d’indemnisation de l’infirmière.  

Une demande d’indemnisation annulée en appel

Mais la Cour administrative d’appel de Nantes a infirmé le jugement rendu en première instance.

Pour rejeter cette demande, la Cour administrative d’appel a rappelé qu’aucun lien de causalité n’avait été scientifiquement établi entre l’existence de lésions histologiques de myofasciite à macrophages et l’administration de vaccins contenant des adjuvants aluminiques. Un arrêt qui se reposait notamment sur les travaux de l’Académie nationale de médecine, du Haut conseil de santé publique, de l’Académie nationale de pharmacie et de l’Organisation mondiale de la santé.

Une erreur de droit, pas une reconnaissance scientifique

Le Conseil d’État est revenu sur cette décision il y a quelques semaines. La haute juridiction rappelle qu’en vertu de l’article L.3111-9 du Code de la santé publique, il appartient à l’État d’indemniser les préjudices « directement imputables à une vaccination obligatoire ».

La jurisprudence constante du Conseil d’État tend à favoriser l’indemnisation des victimes, quitte à assimiler un « lien de causalité juridique » à un « lien de causalité scientifique ».

« Pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, il appartenait à la cour, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l’administration d’adjuvants aluminiques et les différents symptômes attribués à la myofasciite à macrophages était ou non établi, mais de s’assurer, au vu des derniers états des connaissances scientifiques, qu’il n’y avait aucune probabilité qu’un tel lien existe ».

En clair, la Cour ne pouvait rejeter d’emblée toute indemnisation, mais devait dans un premier temps se pencher sur le lien entre vaccin et possibles effets secondaires. Ce n’est qu’en deuxième intention que la Cour devait étudier si « il n’y avait aucune probabilité qu’un lien existe » entre les dommages allégués et la vaccination ou « de procéder à l’examen des circonstances de l’espèce » pour étudier la causalité entre les affections et la vaccination.

L’approche doit donc être individuelle et non globale.

Une incertitude scientifique qui ne lie pas le juridique

Partant, difficile d’affirmer, comme certaines associations ont pu le faire, que la Cour a « reconnu l’existence d’un lien » entre les adjuvants aluminiques et la myofasciite à macrophages. Le Conseil d’État a précisément tenu à rappeler le rôle d’une juridiction : celui de « dire le droit » (du latin juris – dictio) et non de dire la science.

De la même manière que la Cour d’appel ne pouvait pas affirmer l’inexistence d’un lien entre vaccination et cette pathologie, le Conseil d’État n’a pu « reconnaitre » celui-ci. Ce n’est pas la première fois que l’incertitude scientifique ne lie pas le juridique. En matière de vaccination contre l’hépatite B, le juge administratif a pu tenir compte de cette incertitude pour permettre l’indemnisation de personnes atteintes de sclérose en plaque après une vaccination contre l’hépatite B.

Comprenne qui pourra…

Charles Haroche

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Vos réactions (2)

  • Coup de balai

    Le 30 octobre 2021

    Décidément, notre Justice a besoin d'un bon coup de balai, ou même, de Kärcher. !
    On a vu le mal qu'elle a pu faire dans l'affaire de la vaccination VHB...

    Dr Bernard Maroy

  • Cas analogue, imparable

    Le 30 octobre 2021

    Ceci me rappelle un cas analogue.
    Étant passé auprès d’un réverbère dont l’ampoule en fin de vie émettait une lumière faible et tremblotante, un jeune homme fut pris d’une crise de grand mal épileptique, se blessa et, tombé sur la route, provoqua un accident de la circulation où plusieurs personnes furent blessées.
    La commune fut déclarée responsable et condamnée à indemniser toutes les victimes.
    « Pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, il appartenait à la cour, non pas de rechercher si le lien de causalité entre le mauvais fonctionnement de l’éclairage public et son mauvais entretien et les conséquences qui s’ensuivirent était ou non établi, mais de s’assurer, au vu des derniers états des connaissances scientifiques, qu’il n’y avait aucune probabilité qu’un tel lien existe.

    Il en ira toujours ainsi car il est IMPOSSIBLE d’établir qu’il n’y a aucune probabilité qu’un tel lien existe.
    Dès qu’une partie parvient à convaincre le juge de poser cette question aux experts, l’affaire est gagnée ! Bingo à tous les coups !

    Dr Charles Kariger

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