
Paris, le mardi 7 février 2023 – Une proposition de loi visant à encadrer la liberté d’installation des médecins libéraux inquiète les syndicats.
Il y a du y avoir quelques sourires dans les rangs des syndicats de médecins libéraux le 29 janvier dernier au moment de découvrir les résultats de l’élection législative partielle dans la 1ère circonscription de la Charente. Le Dr Thomas Mesnier, député Horizons, y a en effet été battu à seulement 474 voix près. Partisan du partage des compétences avec les paramédicaux et d’une meilleure répartition des libéraux sur le territoire, l’urgentiste n’était pas particulièrement apprécié par les syndicats de médecins.
Mais ces derniers ont rapidement déchanté, puisque si le Dr Mesnier ne sera plus sur les bancs de l’Assemblée Nationale, son « œuvre » lui survivra. Le 2 mars prochain, à l’occasion de la niche parlementaire du parti Horizons, les députés examineront en effet sa proposition de loi « visant à améliorer l’accès aux soins », portée désormais par l’ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF) Frédéric Valletoux, nommé rapporteur du texte et qui n’est pas beaucoup plus apprécié par les syndicats de libéraux.
Une loi de la honte ?
Si cette « proposition de loi de la honte », comme l’appelle la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), inquiète tant les syndicats, c’est parce qu’elle s’attaque à ce qu’ils considèrent être l’un des principes cardinaux de la médecine libérale, à savoir la liberté d’installation. Partant du principe que « 87 % du territoire est considéré comme une zone particulièrement sous-dense en personnel médical » et que cette inégale répartition des médecins sur le territoire est à la fois un « véritable enjeu de santé publique » et un problème économique, le texte propose que « l’installation d’un médecin soit subordonnée à une autorisation délivrée par l’agence régionale de santé (ARS) après avis du conseil de l’ordre des médecins ».
La proposition de loi renvoie à un décret le soin de déterminer les conditions dans lesquelles cette autorisation serait délivrée, mais on peut supposer que le dispositif reposera sur le souci de lutter contre la désertification médicale et d’assurer une meilleure répartition des praticiens sur le territoire. Pour la CSMF, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une « suppression de la liberté d’installation ».
Autre source de mécontentement pour les syndicats, cette proposition de loi prévoit de rendre obligatoire la participation des médecins au service d’accès aux soins (SAS) afin de « permettre aux patients d’accéder à tout moment à un professionnel de santé ». La CSMF voit dans cette proposition la main de Frédéric Valletoux « qui, lorsqu’il était président de la FHF, n’a eu de cesse que d’insulter les médecins libéraux pensant avec aveuglement que les problèmes de l’hôpital venaient des libéraux ». L’actuel député de Seine-Maritime a en effet à plusieurs reprises demandé le retour des gardes obligatoires.
Vers une grande grève des médecins libéraux le 14 février ?
Enfin, la proposition de loi sur l’accès aux soins prévoit également de supprimer la majoration financière pour les soins réalisées hors du parcours de soins lorsque le patient n’a pas de médecin traitant et veut créer un statut d’infirmier référent, similaire à celui de médecin traitant, qui « assurera notamment une mission de prévention, de suivi et de recours en lien avec le médecin traitant ».
Pour la CSMF, cette proposition de loi est encore une bonne raison de participer à la grève et à la manifestation unitaire prévue mardi prochain. Une mobilisation qui coïncidera avec le début de l’examen par le Sénat d’une autre proposition de loi qui fait fulminer les syndicats, la fameuse loi Rist, adoptée en première lecture à l’unanimité par l’Assemblée Nationale le 19 janvier dernier. Si cette proposition de loi, soutenue par le gouvernement, prévoit essentiellement de permettre l’accès direct à certaines professions paramédicales (IPA, kinésithérapeutes et orthophonistes) et ouvre le droit de primo-prescription aux IPA, elle contient également des propositions proches de la loi Mesnier-Valletoux, comme la création d’un principe de « responsabilité collective » des soignants concernant la permanence des soins, un retour déguisé des gardes obligatoires selon les syndicats.
Signe que la mobilisation des médecins prend de l’ampleur et que la grève du 14 février pourrait être plus suivie que celle qui a eu lieu durant les fêtes de fin d’année, le syndicat Jeunes médecins et le collectif de jeunes généralistes Reagjir, qui étaient pour le moment restés en retrait des différentes mobilisations (Reagjir avait même critiqué la revendication d’un C à 50 euros) ont appelé à participer à la manifestation pour « faire face au manque de considération, à la surcharge de travail et aux discours démagogiques qui pointent les médecins du doigt comme responsables de la dégradation de l’accès aux soins ».
Nicolas Barbet