Pour le CCNE, la crise de l’hôpital est aussi une crise éthique

Paris, le mardi 8 novembre 2022 – Dans son dernier avis, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) propose de « repenser le système de soins sur un fondement éthique ».
Inlassablement, la phrase revient dans toutes les bouches, comme un leitmotiv : « l’hôpital public est en crise ».

Une crise évidemment avant tout matérielle et budgétaire, avec son lot de questions sur le financement et l’organisation des hôpitaux, les effectifs et les salaires. Mais pour le comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui rend un avis sur la question ce lundi, il ne faut pas oublier que cette crise de notre système de santé est aussi une crise éthique.

« La pandémie de Covid-19 a mis en évidence la souffrance des professionnels du champ de la santé » écrivent les membres du CCNE, évoquant le sentiment de perte de sens rapporté par de nombreux professionnels de santé. « C’est une crise profonde qui touche à la notion de soins et conduit à une souffrance éthique éprouvée par les professionnels de santé dans leur exercice quotidien » explique le Pr Régis Aubry, chef du service de soins palliatifs du CHU de Besançon et corapporteur de l’avis du CCNE.

Le soin plutôt que la performance


Pour les auteurs, les importants progrès techniques accomplis par la médecine ces dernières décennies, s’ils sont évidemment souhaitables, ont conduit à la promotion de la performance médicale et de la technique au détriment du soin proprement dit et du contact humain. « L’éthique est escamotée, insuffisamment reconnue par rapport à la valorisation des actes techniques » résume le Pr Aubry.

L’introduction, à partir des années 1980, de pratiques gestionnaires inspirées du secteur privé à l’hôpital public, a également contribué à dégrader la « relation de soin » dans un système « où le temps des soignants croise de moins en moins celui des malades » peut-on lire dans l’avis.  

Le CCNE appelle donc de ses vœux à « repenser la valorisation des actes humains » et de profiter du CNR Santé actuellement en cours pour réaliser ce « rééquilibrage ». Il souhaite notamment établir de manière institutionnelle des espaces de dialogue entre les soignants « pour s’interroger sur la manière de faire pour bien faire » et avec les patients via notamment la consolidation du rôle des médiateurs.

L’éthique indissociable des contingences matérielles


Mais le CCNE ne se contente pas d’appeler pieusement à la promotion du dialogue, de la compassion et du respect et avance également des propositions plus concrètes. Pour les sages, la mise en place de ce nouveau « fondement éthique » de notre système de santé passe notamment par la réduction des inégalités de santé (en déployant les politiques de financement en priorité vers les publics défavorisés) et l’amélioration des conditions de travail des soignants, notamment d’un point de vue salarial.

Le CCNE appelle également de ses vœux une réforme de la gouvernance hospitalière donnant plus de place aux médecins mais également aux usagers.

Le CCNE a bien conscience que les questions éthiques ne peuvent pas être prises en compte « hors-sol » et être détachées de contingences matérielles. La prise en charge éthique des patients n’est possible que si l’hôpital public dispose des moyens de son action. « L’effort mis dans le système de soins dans l’attention aux conditions de travail de ses personnels et dans la prise en charge des usagers de santé relève d’une éthique collective » concluent les sages du CCNE.

Grégoire Griffard

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