
Inlassablement, la phrase revient dans toutes les bouches,
comme un leitmotiv : « l’hôpital public est en crise
».
Une crise évidemment avant tout matérielle et budgétaire, avec
son lot de questions sur le financement et l’organisation des
hôpitaux, les effectifs et les salaires. Mais pour le comité
consultatif national d’éthique (CCNE), qui rend un avis sur la
question ce lundi, il ne faut pas oublier que cette crise de notre
système de santé est aussi une crise éthique.
« La pandémie de Covid-19 a mis en évidence la souffrance
des professionnels du champ de la santé » écrivent les membres
du CCNE, évoquant le sentiment de perte de sens rapporté par de
nombreux professionnels de santé. « C’est une crise profonde qui
touche à la notion de soins et conduit à une souffrance éthique
éprouvée par les professionnels de santé dans leur exercice
quotidien » explique le Pr Régis Aubry, chef du service de
soins palliatifs du CHU de Besançon et corapporteur de l’avis du
CCNE.
Le soin plutôt que la performance
Pour les auteurs, les importants progrès techniques accomplis
par la médecine ces dernières décennies, s’ils sont évidemment
souhaitables, ont conduit à la promotion de la performance médicale
et de la technique au détriment du soin proprement dit et du
contact humain. « L’éthique est escamotée, insuffisamment
reconnue par rapport à la valorisation des actes techniques »
résume le Pr Aubry.
L’introduction, à partir des années 1980, de pratiques
gestionnaires inspirées du secteur privé à l’hôpital public, a
également contribué à dégrader la « relation de soin » dans
un système « où le temps des soignants croise de moins en moins
celui des malades » peut-on lire dans l’avis.
Le CCNE appelle donc de ses vœux à « repenser la valorisation
des actes humains » et de profiter du CNR Santé actuellement en
cours pour réaliser ce « rééquilibrage ». Il souhaite
notamment établir de manière institutionnelle des espaces de
dialogue entre les soignants « pour s’interroger sur la manière
de faire pour bien faire » et avec les patients via notamment
la consolidation du rôle des médiateurs.
L’éthique indissociable des contingences matérielles
Mais le CCNE ne se contente pas d’appeler pieusement à la
promotion du dialogue, de la compassion et du respect et avance
également des propositions plus concrètes. Pour les sages, la mise
en place de ce nouveau « fondement éthique » de notre
système de santé passe notamment par la réduction des inégalités de
santé (en déployant les politiques de financement en priorité vers
les publics défavorisés) et l’amélioration des conditions de
travail des soignants, notamment d’un point de vue salarial.
Le CCNE appelle également de ses vœux une réforme de la
gouvernance hospitalière donnant plus de place aux médecins mais
également aux usagers.
Le CCNE a bien conscience que les questions éthiques ne
peuvent pas être prises en compte « hors-sol » et être
détachées de contingences matérielles. La prise en charge éthique
des patients n’est possible que si l’hôpital public dispose des
moyens de son action. « L’effort mis dans le système de soins
dans l’attention aux conditions de travail de ses personnels et
dans la prise en charge des usagers de santé relève d’une éthique
collective » concluent les sages du CCNE.
Grégoire Griffard