Près d’un patient sur deux « garde » son antidépresseur pendant plus de 5 ans
De récents travaux ont montré que les antidépresseurs sont plus
efficaces que le placebo pour le traitement de la dépression
majeure. Ils sont très largement prescrits dans cette indication,
mais le sont aussi dans d’autres pathologies, comme l’anxiété ou
les douleurs. Plusieurs études ont toutefois attiré l’attention sur
le fait que les antidépresseurs étaient souvent prescrits sur de
très longues durées. Des guidelines recommandent bien d’arrêter le
traitement 6 mois après la rémission, mais sans préciser comment
l’interrompre ni s’il y a des circonstances nécessitant la
poursuite du traitement. La remise en question régulière du
traitement est préconisée, mais dans la vie réelle, de nombreuses
difficultés se présentent.
C’est pourquoi une équipe hollandaise a enquêté auprès de 189
médecins généralistes, totalisant une patientèle de 326 025
patients de plus de 18 ans et dont les prescriptions ont été
passées au peigne fin sur une durée de 5 ans. L’objectif était de
préciser la durée des prescriptions d’antidépresseurs et les
déterminants de ces prescriptions prolongées.
Près de 7 % de cette patientèle se voit chaque année prescrire un
antidépresseur, le plus souvent pour une dépression (38 %). Mais
l’anxiété (17 %), d’autres troubles psychologiques (20 %) et des
indications non psychologiques, parmi lesquelles la douleur (25 %),
comptent aussi pour une grande part des prescriptions.
Difficile d’interrompre
Près de la moitié de ces patients (42 %) prennent des
antidépresseurs pendant toute la durée de l’étude (5 ans). L’usage
prolongé est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes,
chez les 45-64 ans plus que chez les plus de 65 ans et quand
l’indication est un trouble psychologique. Toutefois, les auteurs
remarquent que le nombre des prescriptions de longue durée varie
selon les praticiens, ce qui traduit une durée de traitement
dépendante en partie du mode de pratique.
Les prescriptions prolongées d’antidépresseurs sont encore
l’objet de nombreuses discussions dans le milieu médical et la
société. Les opposants pointent leur manque d’efficacité et les
possibles effets indésirables à long terme. Des risques de chute et
de fractures, de saignements digestifs ou de convulsions ont été
relevés chez les usagers au long cours. Les partisans de leur
utilisation estiment que ces risques sont largement
surestimés.
Il faut bien reconnaître les difficultés que représente l’arrêt
d’un traitement antidépresseur chez un patient qui craint plus que
tout de voir réapparaître ses symptômes. Les auteurs suggèrent
quelques pistes pour réduire la durée des traitements. La première
est la réévaluation annuelle du traitement, méthode qui a fait ses
preuves dans d’autres pathologies. L’autre piste serait
l’introduction des « tapering strips » : le médicament est
conditionné dans une boîte comprenant des comprimés à doses
dégressives, ce qui encourage le patient à poursuivre la réduction
des doses, même en cas d’apparition d’effets indésirables qu’il
peut prendre à tort pour une rechute dépressive.
En tant que psychiatre hospitalier, j'ai vu de nombreux cas de rechute dépressive après tentative de réduction de traitement et ce, même après une rémission longue.
Le record a été 10 ans de rémission suivis de rechute après arrêt de traitement.
Hormis les dépressions purement réactionnelles à des événements de vie, il faut considérer les dépressions comme des maladies aussi chroniques que le diabète.
Encore faut-il tenir compte du fait que des événements de vie peuvent révéler une fragilité qui ne demandait qu'à apparaître et à devenir chronique.
Dr Delannoy
"Allez voir un psychiatre" "mais je suis pas fou docteur"
Le 14 février 2019
La patientèle des généralistes est très loin de celle des psychiatres hospitaliers. Les patients gardent leur anti-dépresseur et leur généraliste qui gardent leurs prescriptions et leurs patients. Les antidepresseurs ne sont qu'une part de la prise en charge du patient. Passer la main au psychiatre n'est pas dans les usages.