Présidentielle : « Marine Le Pen est totalement opposée aux mesures coercitives comme l’obligation d’installation » (interview)
Comme lors des échéances présidentielles précédentes, le
JIM a décidé d’interroger les principaux candidats* sur leur
programme de santé et leurs positions sur les questions éthiques.
Crise sanitaire oblige, nous souhaitons également recueillir leur
point de vue sur la gestion de la pandémie.
Le docteur Patrick Barriot, référent santé de Marine Le
Pen, répond à nos questions sur les propositions de la candidate du
Rassemblement National. Anesthésiste-réanimateur, il a notamment
été médecin militaire pendant plus de 15 ans.
JIM.fr : Marine Le Pen a exprimé son opposition à la fois à
l’obligation vaccinale et au passe vaccinal et a qualifié la
vaccination des enfants de « maltraitance ». Quelle serait
la politique vaccinale contre la Covid de la candidate du
Rassemblement National si elle parvenait à l’Élysée ?
Dr Patrick Barriot : Marine Le Pen est formellement
opposée à l’obligation vaccinale que ce soit pour les adultes ou
les enfants. La vaccination doit s’adresser aux personnes fragiles
atteintes de comorbidités ou immunodéprimées, car le seul effet
scientifiquement prouvé de la vaccination est la réduction du
nombre de formes graves. Mais la présidente du Rassemblement
National conçoit très bien qu’il puisse y avoir une indication de
vaccination notamment pour les quelques 360 000 enfants qui
souffrent de maladies chroniques. Il est évident que si les
pédiatres recommandent la vaccination dans ces cas, elle n’y est
pas opposée.
La vaccination, pour les adultes comme pour les enfants, doit
s’adresser aux personnes à risque mais pas à l’ensemble de la
population, car elle est totalement inefficace pour empêcher la
propagation du virus, en particulier des derniers variants. Marine
Le Pen supprimera donc le passe vaccinal.
L’interdiction de la prescription hors AMM d’hydroxychloroquine
: un abus de pouvoir manifeste
JIM.fr - Marine Le Pen indique vouloir « rétablir la
liberté d’expression et de prescription pour les médecins ». En
quoi ces libertés vous semblent-elles menacées ?
Dr Patrick Barriot - Par cette phrase, Marine Le Pen
réagissait au décret d’Olivier Véran qui a interdit la prescription
hors AMM de l’hydroxychloroquine par les généralistes. C’est un
abus de pouvoir manifeste qui porte atteinte à la liberté de
prescription des médecins. En Italie, le Conseil d’État italien
avait annulé une décision semblable de l’Agence du médicament et
autorisé la prescription de l’hydroxychloroquine. Le juge italien
avait souligné que l’incertitude scientifique sur l’efficacité de
l’hydroxychloroquine n’est pas une raison suffisante pour justifier
la suspension de son utilisation.
Le choix d’utiliser l’hydroxychloroquine, compte tenu du doute
sur son efficacité dans la communauté scientifique, doit être
confié à l’autonomie décisionnelle et à la responsabilité de chaque
médecin, en sciences et conscience et avec le consentement éclairé
de son patient. C’est un problème majeur. Pour rappel,
l’Evidence Based Medicine (médecine basée sur les preuves)
repose certes sur les données actuelles de la science mais aussi
sur l’expérience du médecin et la demande du patient. On a oublié
ces deux points pour ne retenir que des données scientifiques,
souvent frauduleuses et alors que l’avis des experts est considéré
par la communauté médicale comme le plus faible niveau de preuve
pour apprécier la validité d’une information médicale. Un médecin
doit avoir le droit de prescrire hors AMM un médicament, à
condition qu’il le précise sur l’ordonnance. C’était scandaleux
d’interdire la prescription de l’hydroxychloroquine.
Un C à moins de 35 euros semble difficilement défendable
JIM.fr - Quelles sont les mesures proposées par Marine Le
Pen pour améliorer l’attractivité des carrières hospitalières pour
les médecins comme pour les infirmières ? Quelles augmentations
salariales propose-t-elle ?
Dr Patrick Barriot - L’attractivité ne doit pas se
limiter à la revalorisation salariale. Le manque d’attractivité est
aussi entraîné par les conditions et la charge de travail, qui sont
liées aux effectifs. Selon Frédéric Valletoux, président de la FHF,
l’hôpital public est le premier des déserts médicaux : 30 % des
postes de PH ne sont pas pourvus et il y a un important déficit des
postes d’infirmiers et d’aides-soignants, ce qui entraine la
fermeture de 10 à 20 % des lits d’hôpitaux. Il faut donc recruter
du personnel pour que la charge de travail devienne
tolérable.
Les infirmiers étaient payés en moyenne 20 % de moins que la
moyenne des pays de l’OCDE. Le Ségur de la santé a permis de
rattraper ce retard de 10 % seulement. Il faut donc augmenter les
infirmiers et les aides-soignants de 10 %, mais il faudra aussi
penser à tous les oubliés du Ségur de la santé.
Faire varier le tarif de la consultation en fonction de la
dotation des zones
JIM.fr - Comment Marine Le Pen compte-t-elle lutter contre
la désertification médicale ? La candidate est-elle opposée à toute
mesure contraignante concernant l’installation des jeunes médecins
?
Dr Patrick Barriot - Marine Le Pen est totalement
opposée aux mesures coercitives, que ce soit l’obligation
d’installation ou le conventionnement sélectif dans les zones
sur-dotées. Il y a tout d’abord un problème de médecins formés. La
réforme de 2019 est un numerus clausus déguisé, puisque ce sont les
ARS qui fixent le nombre d’étudiants. Dans certaines régions, comme
le Centre Val de Loire, il y a un déficit chronique de nouveaux
médecins.
La mesure phare de Marine Le Pen contre la désertification
médicale est de faire varier le tarif de la consultation en
fonction de la zone d’exercice. Dans une zone sous-dotée, la
consultation pourrait passer à 40 euros voir plus.
JIM.fr – En ce qui concerne la médecine de ville,
pensez-vous qu’il faille augmenter le tarif de la consultation de
médecine générale ?
Dr Patrick Barriot - L’augmentation du tarif de la
consultation est une demande de tous les syndicats de médecins
libéraux. Le tarif français est un des plus bas des pays de l’Union
Européenne. Il faut absolument le rehausser. Certains syndicats
demandent de passer à 40 euros. A notre avis, il peut être
difficilement inférieur à 35 euros.
JIM.fr - Pour désengorger les urgences, Marine Le Pen
souhaite mettre en place un « partenariat » entre les hôpitaux et
la médecine de ville. En quoi consisterait ce partenariat
?
Dr Patrick Barriot - Le problème essentiel est celui de
la prise en charge des soins non programmés. La médecine de ville
ne permet pas de faire face à la demande de soins non programmés,
ce qui entraîne un recours excessif aux urgences de l’hôpital. Ce
partenariat consiste en la mise en place, à proximité des services
des urgences, de cabinets de médecins libéraux, vers lesquels
seraient redirigés les « urgences ressenties », qui représentent la
moitié des patients qui se présentent aux urgences de l’hôpital.
C’est le principe des CMSI (cabinets médicaux de soins
immédiats).
JIM.fr - Marine Le Pen propose de « réduire
drastiquement le recours aux médecins ayant obtenu leur diplôme
hors de l’UE ». Alors que ces derniers représentent un très
grand pourcentage des praticiens faisant fonctionner les hôpitaux,
comment éviter que cette décision n’aggrave la pénurie de médecins
? Comptez-vous mettre fin aux fonctions de certains médecins
étrangers ou à diplôme étranger ?
Dr Patrick Berriot - Pour les médecins avec un diplôme
européen, la question ne se pose pas : on peut s’installer où l’on
veut en Europe et le diplôme est reconnu automatiquement partout
dans l’Union Européenne. Pour les médecins à diplôme hors
Union-européenne (Padhue), environ 4 000 exercent dans un vide
juridique total sous un statut précaire. Certes, ils permettent à
certains hôpitaux de fonctionner, mais cela ne suffit pas pour
apporter une solution aux déserts médicaux.
Les ARS facilitent trop souvent la titularisation des médecins
étrangers
Marine Le Pen ne remet pas en doute la compétence des Padhue,
mais il faut qu’ils obéissent à une procédure d’autorisation
d’exercice. Or, cette procédure a été modifiée par une loi et un
décret de 2019. Désormais, ce sont les ARS qui étudient le dossier
des Padhue. On sait que ces dernières facilitent de manière
excessive leur titularisation. La pandémie a servi de prétexte pour
accélérer la titularisation pour services rendus (une sénatrice a
même demandé la titularisation d’office). Le problème est que la
procédure d’autorisation d’exercice n’est pas respectée et on se
retrouve avec des médecins qui ne remplissent pas les exigences de
connaissances médicales et de maitrise de la langue. Marine Le Pen
souhaite réduire le nombre de médecins étrangers par l’application
d’une procédure rigoureuse d’autorisation d’exercice.
JIM.fr - Comme plusieurs de vos concurrents (Eric Zemmour
notamment), vous proposez la suppression des Agences Régionales de
Santé (ARS). Que reprochez-vous à cette administration et que
proposez-vous à la place ?
Dr Patrick Barriot - Marine Le Pen reproche aux ARS
d’être responsables de la dérive bureaucratique de la gouvernance
hospitalière. Les professionnels de santé ont quasiment été exclus
de la gouvernance hospitalière au profit des gestionnaires et des
administratifs. Ils ont mis en place des indicateurs exclusivement
financiers et comptables, aucun relatif à la qualité des soins.
Tout ce qui est coordonné par les ARS, que ce soit les groupements
hospitaliers de territoire et les CPTS n’ont pas du tout répondu à
la demande initiale qui était un accès égal à la santé. Cette
dérive bureaucratique a entrainé une deshumanisation de la
médecine, comme on le voit à l’hôpital avec une perte de sens de la
mission de soin, ainsi qu’une métropolisation qui a aggravé le
problème des déserts médicaux.
Marine Le Pen propose de supprimer les ARS et de redonner la
tutelle au préfet avec autour de lui un conseil départemental, qui
réunira tous les acteurs de soins médicaux et médico-sociaux et les
associations de patients, ainsi qu’un comité de coordination entre
le secteur public et le secteur privé, autre domaine dans lequel
les ARS ont échoué.
JIM.fr - Pourquoi vouloir supprimer la tarification à
l’activité à l’hôpital, comme on peut le lire dans le programme de
Marine Le Pen et par quel système de financement le remplacer
?
Dr Patrick Barriot - Avec la tarification à l’activité
(T2A), on a voulu calquer le système de l’hôpital privé sur
l’hôpital public. Cela peut être adapté pour certains actes
standardisés, mais ça ne marche pas pour tous les soins (ce n’est
d’ailleurs pas appliqué dans les établissements psychiatriques).
C’est totalement inadapté à la prise en charge des maladies
chroniques et des patients polypathologiques. A la place, on
propose le retour à une dotation annuelle globale. Est-ce qu’il
faut totalement supprimer la T2A ou faire 50 % de T2A et 50 % de
dotation globale ? Cela reste ouvert à discussion.
AME : plutôt une réduction drastique du périmètre des soins
qu’une totale suppression
JIM.fr - Dénonçant un « poids financier mirobolant » (1
milliard d’euros en 2021) vous demandez la suppression de l’Aide
médicale d’Etat (AME) pour les étrangers clandestins. Au-delà de la
question éthique, ne craignez-vous pas que cela puisse favoriser le
développement de maladies infectieuses dans la population
?
Dr Patrick Barriot - La France est le seul pays
d’Europe à avoir l’AME. Est-ce que les autres médecins européens
ont un sens éthique moins développé que le nôtre ? Y-a-t-il plus de
risques de maladies infectieuses dans ces pays ? Je ne le crois
pas. C’est un fardeau économique très lourd, qui concerne un nombre
de plus en plus élevé de personnes. Il y a de plus vraiment
beaucoup de fraudes sur les conditions d’attribution de
l’AME.
Il est évident que les soins urgents resteront gratuits. Le
patient en coma diabétique ou polytraumatisé sera pris en charge.
C’est donc plus une réduction du périmètre des soins qu’une totale
suppression. Mais il faut mettre un frein aux abus et aux fraudes à
l’AME. Il faut également ralentir le tourisme médical qui permet à
des gens de venir en France pour se faire soigner car ils savent
qu’ils auront des soins gratuits, alors même que nous ne sommes pas
en capacité d’offrir des soins gratuits à tous nos
concitoyens.
JIM.fr - En 2012, Marine Le Pen avait jugé les salles de
consommation à moindre risque « moralement inadmissibles ». Sa
position a-t-elle évolué sur la question ? Comme compte-t-elle
lutter contre la toxicomanie ?
Dr Patrick Barriot - Marine Le Pen reste totalement
opposée aux « salles de shoot » de même qu’à la
libéralisation du cannabis. Pour lutter contre les addictions, elle
propose deux lignes d’action : un meilleur dépistage des addictions
en particulier en milieu scolaire (ce qui pose le problème du
manque de personnel en médecine scolaire que nous allons renforcer)
et la prise en charge médicale et médico-sociale.
JIM.fr - Jean-Marie Le Pen en a étonné certains récemment
en s’exprimant en faveur d’un droit encadré à l’euthanasie pour les
maladies irréversibles. Marine Le Pen partage-t-elle l’avis du
fondateur du Front National sur la question ?
Dr Patrick Barriot - Tout comme la présidente de la
Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP),
Marine Le Pen est totalement opposée à la légalisation de
l’euthanasie. Il faut distinguer les personnes qui vont mourir et
celles qui veulent mourir. Les lois en vigueur, que ce soit la loi
Leonetti de 2005 ou la loi Leonetti-Clays de 2016, répondent aux
attentes de ceux qui vont mourir.
Fin de vie, Marine Le Pen soutient le statu quo
La loi interdit l’obstination déraisonnable, permet une
assistance médicalisée avec sédation profonde mais empêche
l’euthanasie active.
Marine Le Pen soutient le statu quo et était opposée à la
proposition de loi d’Olivier Falorni qui voulait créer un droit au
suicide assisté. Une fois que l’on a mis le pied dans l’engrenage,
on en arrive à l’euthanasie des enfants, comme c’est le cas en
Belgique. La France est un des pays riches avec le plus haut taux
de suicide (9 000 par an). Il faut mieux faire de la prévention du
suicide et traiter la dépression chez les sujets âgés plutôt que de
les aider activement à mettre fin à leurs jours. * Nous avons retenu à ce jour les candidats régulièrement
crédités d’au moins 5 % des voix dans les sondages (Eric Zemmour,
Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Emmanuel Macron, Yannick Jadot et
Jean-Luc Mélenchon)
Qu'un médecin se prête à la promotion de la démagogie, de l'inconséquence, de l'ignorance. Qu'un médecin supporte que les médecins hors CEE soient incompétents et ne comprennent pas notre langue est un mensonge. Que l'on croit remplacer les urgences hospitalières avec leurs organisations en lien avec la biologie, la radiologie, la réa si ça tourne mal, la chirurgie : nous sommes en 2022 et personne ne veut être soigné comme à l'époque de papa. Dans vos propos : rien sur la façon de transformer le fonctionnement de l'hôpital, sur le déficit de la sécu, sur la façon de former les soignants. Rien d'autre que des propos électoraux. C'est indigne d'un médecin qui ne devrait jamais se mêler de basse politique.