Objectif de cette enquête épidémiologique publiée dans Archives of General Psychiatry : déterminer la fréquence de la dépression aux États-Unis et la pertinence de sa prise en charge parmi les différents groupes ethniques (« et raciaux » ajoutent les auteurs). Les conclusions des chercheurs sont résumées dans leur constat lapidaire, mais très explicite : « too little for too few », trop peu (est fait), en direction de trop peu (de patients). Car comme on pouvait le craindre a priori, dans un pays où les recours aux soins dépendent largement des couvertures personnelles en matière d’assurance-maladie, et donc du niveau de vie des intéressés, les couches les moins favorisées de la population (comme les Afro-Américains et les « Latinos » d’origine mexicaine) sont aussi les moins concernées par la « consommation » de services et de traitements psychiatriques, malgré des caractéristiques équivalentes dans les pathologies dépressives, d’un groupe ethnique à l’autre.
Si les différences dans la couverture d’assurance-maladie expliquent en grande partie les disparités observées dans la prise en charge des patients dépressifs, d’autres facteurs (culturels ? génétiques ?…) doivent intervenir dans ces inégalités, car elles concernent davantage certains « Latinos » que des Afro-Américains. Mais plus généralement, la situation n’est guère rassurante, puisque « la plupart » des Américains ayant une dépression importante resteraient « non traités ou sous-traités » (untreated or undertreated).
Venant confirmer l’intérêt des réformes engagées par l’administration Obama dans ce domaine, ces données sont d’autant plus importantes qu’au cours des vingt prochaines années, rappellent les auteurs, la dépression unipolaire devrait constituer « la seconde cause d’invalidité dans les pays riches, y compris aux États-Unis ». Il faut donc poursuivre les efforts pour améliorer l’offre de soins proposée, notamment en direction des populations les plus défavorisées. Ces progrès doivent concerner aussi bien les prescriptions médicamenteuses que les psychothérapies où l’obstacle de la langue peut aggraver encore l’incidence préjudiciable de la fracture socio-économique.
Dr Alain Cohen