Quand le coronavirus aggrave les dérives sectaires en France

Paris, le jeudi 25 février 2021 - A la faveur de l’épidémie de Covid-19, les théories conspirationnistes, les stages survivalistes et autres pseudo-thérapies ont connu un regain de vigueur inquiétant. C’est le constat dressé par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dans son rapport dévoilé le mercredi 24 février.

D’après la Miviludes, 3 008 signalements ont été reçus en 2020 (contre 2 800 en 2019). Une vingtaine de procédures judiciaires ont été engagées contre des personnes qui ont profité de la crise sanitaire pour développer une emprise sectaire en France.

Plus de 140.000 victimes en France

« Les sectes aujourd’hui, ça n’est plus ou plus seulement l’Église de scientologie ou le Temple solaire, mais beaucoup de petits groupes. On en dénombre 500 en France », explique Marlène Schiappa, en charge du ministère délégué à la citoyenneté. Selon le rapport, 140 000 personnes dont 90 000 enfants seraient touchés par ces groupes sectaires.

Si toutes les classes sociales sont concernées, « les femmes, plus souvent en situation de précarité ou victimes de prédations sexuelles, sont particulièrement touchées ». Les départements ruraux de la « diagonale du vide » semblent également plus exposés.

Des sectes « traditionnelles » toujours présentes

Un quart des signalements concerne des mouvements « traditionnels ». La Miviludes constate par exemple que des organisations comme les Témoins de Jéhovah ont profité de la crise sanitaire pour faire du « prosélytisme abusif » auprès de la population.

L’Église universelle du royaume de Dieu, installée dans une trentaine de villes françaises est pour sa part surveillée de près pour avoir relayé des messages incitant ses adeptes à ne pas respecter les restrictions sanitaires. La Ministre s’inquiète également du développement par des églises évangéliques de thérapies de conversion dirigées contre les homosexuels.

La santé au cœur des dérives sectaires

La santé est ainsi comme depuis plusieurs années très exposée au risque de dérives sectaires. Ainsi, environ 40 % des signalements concernent des questions de santé ou de bien-être. Outre les pratiques parfois tendancieuses liées au « développement personnel », les stages de jeûnes extrêmes ou de crudivorisme prospèrent partout en France.

D’après le rapport, certains pseudo thérapeutes n’hésitent pas à proposer des soins individualisés pour des prix exorbitants « pouvant aller jusqu’à 100 000 euros pour un coaching individuel ». Parmi ces personnalités, la note cite, entre autres, le Belge Jean-Jacques Crèvecœur, installé au Québec, qui utilise la pandémie « pour dénoncer un complot de la 5G qui serait à l’origine de l’apparition du virus » ou Thierry Casanovas, théoricien du crudivorisme, dont la chaîne YouTube compte plus de 525 000 abonnés (100 000 nouveaux en 2020) et des dizaines de millions de vues cumulées. Parmi les thèses évoquées dans les différentes vidéos : l’efficacité du jus de légume ou du trampoline « pour faire bouger la lymphe ». D’après le rapport déposé auprès du Tribunal de commerce de Perpignan, son entreprise aurait réalisé un bénéfice de 645 812 euros en 2020.

Le complotisme constitue-t-il une dérive sectaire ?

La Miviludes ne cache pas également son inquiétude face à la multiplication des discours conspirationnistes. Même si ces derniers ne peuvent être « considérés comme une dérive sectaire dans son acception juridique » certains phénomènes « peuvent répondre aux critères de dérives et de nocivité ».

Le mouvement conspirationniste américain QAnon, considéré par le FBI comme source potentielle de terrorisme intérieur, et faisant la promotion de l’idée selon laquelle Donald Trump serait chargé d’une guerre secrète menée contre un « État profond » commettant des crimes satanistes, et qui pourrait avoir inspiré à ce dernier certaines de ses positions iconoclastes sur l’épidémie, serait désormais bien implanté en France et en Europe.

Pour la Miviludes, « l’augmentation des membres et diffuseurs de fausses informations inquiète au regard de la prochaine élection présidentielle ».

Enfin un dirigeant pour la Miviludes

Ce rapport marquera-t-il le retour de la Miviludes après deux ans sans dirigeant et à un moment où beaucoup s’inquiétaient pour son avenir ? Désormais, c’est une ancienne magistrate, Hanène Romdhane, qui sera chargée d’incarner le visage de la lutte contre les sectes en France.

C.H.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Réagir à cet article

Les réactions sont réservées aux professionnels de santé inscrits et identifiés sur le site.
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.


Lorsque cela est nécessaire et possible, les réactions doivent être référencées (notamment si les données ou les affirmations présentées ne proviennent pas de l’expérience de l’auteur).

JIM se réserve le droit de ne pas mettre en ligne une réaction, en particulier si il juge qu’elle présente un caractère injurieux, diffamatoire ou discriminatoire ou qu’elle peut porter atteinte à l’image du site.