Quand un gazouillis fait trembler l’industrie pharmaceutique

Indianapolis, le samedi 19 novembre 2022 – Toute société cotée en bourse le sait bien : une simple petite erreur de communication sur les réseaux sociaux peut faire chuter rapidement et drastiquement le cours de son action. Les grandes entreprises multinationales, y compris dans l’industrie pharmaceutique, font donc très attention au moindre de leurs tweets. Mais il est difficile de contrôler sa communication quand on est victime d’une usurpation d’identité, comme l’a été récemment le laboratoire américain Eli Lily.

Pour comprendre la mésaventure subie par le géant de l’industrie pharmaceutique, il faut remonter au 28 octobre dernier, lorsque le fantasque milliardaire Elon Musk rachète le réseau social Twitter pour la somme quelque peu mirobolante de 44 milliards de dollars. Parmi les nouvelles idées pas toujours heureuses de l’homme d’affaire pour faire s’envoler l’oiseau bleu, on compte notamment la mise en place de la certification payante. Désormais, tout utilisateur peut faire certifier son compte Twitter comme étant « authentique » (sic) en payant 8 dollars.

Le problème étant qu’aucune autre preuve que le paiement n’est demandée en vue d’obtenir la certification. Pour cette faible somme, n’importe qui peut donc se faire passer pour Emmanuel Macron, Joe Biden, Lady Gaga…ou une grande firme pharmaceutique.

Faux compte et vrai panique boursière


C’est le tour que s’est amusé à jouer un internaute américain. Pour 8 dollars seulement donc, il a pu créer un compte Twitter appelé @EliLillyandCo. Désormais certifié comme compte officiel de la compagnie pharmaceutique américaine, il a annoncé le 10 novembre dernier dans un simple tweet que la société était « heureuse d’annoncer que l’insuline était désormais gratuite ».

Un vrai soulagement pour les millions de diabétiques américains, qui doivent payer parfois 1 000 dollars par mois pour se fournir en insuline. Le prix des médicaments n’est en effet pas régulé aux Etats-Unis et les compagnies pharmaceutiques comme Eli Lily and Company peuvent facturer jusqu’à 100 dollars par dose d’insuline, contre environ 9 euros en France.

La vraie fausse annonce du faux vrai compte a immédiatement provoqué une chute du cours de l’action Eli Lily, qui aurait perdu (virtuellement) 16 milliards de dollars en quelques heures seulement. La société a très rapidement repris la main en annonçant, via son véritable compte @LillyPad cette fois, qu’elle « s’excusait auprès des personnes qui ont reçu un message de désinformation émanant d’un faux compte ».

Le compte dont avait émané le premier tweet a depuis perdu sa certification et Elon Musk a suspendu le dispositif de certification payante. Par ricochet, les actions d’autres sociétés pharmaceutiques commercialisant de l’insuline, comme le danois Novo Nordisk ou le français Sanofi, ont également perdu de la valeur.

Un brevet vendu pour 1 dollar symbolique


La polémique aura au moins eu le mérite de relancer les débats sur les prix des médicaments aux Etats-Unis et l’absence de couverture médicale universelle dans ce pays. En réponse au tweet d’excuse du véritable compte d’Eli Lily, de nombreux internautes ont répondu que, plutôt que de s’excuser pour la diffusion d’une information erronée, cette société devrait cesser de vendre à des prix exorbitants des médicaments vitaux.

« Eli Lilly devrait s’excuser d’avoir fait augmenter le prix de l’insuline de 1 200 % depuis 1996 et de vendre 275 dollars ce qui ne coute que 10 dollars à fabriquer » a ainsi réagi le sénateur démocrate Bernie Sanders, qui milite depuis plusieurs années pour la mise en place aux Etats-Unis d’un système d’assurance santé à l’européenne. L’élu a rappelé que Frederick Banting et John Macleod, les deux scientifiques qui ont réussi la première extraction de l’insuline en 1921, ont vendu leur brevet pour 1 dollar symbolique, « pour sauver des vies et non pas pour rendre le PDG d’Eli Lilly honteusement riche ».

On savait qu’un battement d’aile de papillon pouvait provoquer une tornade à l’autre bout du monde, on sait désormais qu’un gazouillis d’oiseau (« twitter » en anglais) peut faire trembler l’industrie pharmaceutique.

Quentin Haroche

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