
L’ostéoporose est définie comme étant une réduction et une
altération de la micro architecture osseuse, amenant à une
fragilité osseuse et à un risque accru de fractures. Plus de 40
millions d’américains, âgés de plus de 50 ans, présentent une
ostéoporose et près de 2 millions souffrent, chaque année, d’une
fracture ostéoporotique ou faisant suite à un à traumatisme minime.
Les conséquences en sont des douleurs, une invalidité, une moindre
qualité de vie, voire, en cas de fractures de hanche ou de rachis,
une augmentation de la mortalité.
Plusieurs traitements anti ostéoporose (ODT) ont fait la
preuve de leur efficacité à court terme, jusqu’à 3 ans. Les
bisphosphonates, le dénosumab, le tériparatide et l’abaloparatide
diminuent l’incidence, tant des fractures non vertébrales, que des
fractures vertébrales radiologiques et cliniques. Les
bisphosphonates et le dénosumab sont aussi efficaces en diminuant
le risque de fracture de hanche. Toutefois, les bénéfices et la
dangerosité des ODT à long terme restent mal définis. Une récente
recommandation de l’American College of Physicians préconise
un traitement de 5 ans seulement, par bisphosphonates ou dénosumab,
en vue de réduire le risque de fracture de hanche ou du rachis chez
les femmes ostéoporotiques et suggère que les patientes à haut
risque pourraient bénéficier d’un traitement plus prolongé. Mais, à
long terme, la prise de bisphosphonates tend à augmenter le risque
fracturaire en inhibant la réparation des micro dommages osseux,
d’où la proposition d’arrêts provisoire avant reprise éventuelle,
encore dénommés « vacances thérapeutiques ». Il n’en va pas
de même pour le dénosumab dont l’arrêt est suivi rapidement d’une
perte osseuse.
35 essais cliniques et 13 études observationnelles contrôlées
Une revue systématique a été menée afin de préciser les effets
au long cours des divers ODT, l’impact des traitements continus
vs ceux avec arrêts temporaires et d’analyser l’influence
propre du patient, de la nature de l’os et des différentes drogues.
Les éléments de cette revue ont été issus des principales banques
de données informatiques, de janvier 1995 à octobre 2018, ainsi que
de revues systématiques publiées à ce sujet depuis 2012. Ne furent
inclus que les publications de langue anglaise, ayant enrôlé des
femmes ménopausées, très rarement des hommes, traités
préventivement. Les malades souffrant d’ostéoporose secondaire
étaient exclus de l’enquête. Les ODT retenus étaient ceux approuvés
par la FDA. Deux lecteurs indépendants recueillirent les données,
en vérifièrent l’authenticité, analysèrent les risques de biais et
déterminèrent la qualité des preuves.
Sur 8 356 publications identifiées, 61 furent éligibles. Parmi
elles, on notait 35 essais cliniques et 13 études observationnelles
contrôlées. Tous concernaient des femmes ménopausées. Le diagnostic
d’ostéoporose était le plus souvent porté après étude de la densité
minérale osseuse (DMO) ou sur des antécédents de fractures
vertébrales. L’âge moyen des participantes se situait vers 72
ans.
Alendronate, raloxifène, acide zolédronique, ou traitement estroprogestatif
Chez des femmes ostéopéniques ou ostéoporotiques, sans
antécédent de fracture vertébrale, un traitement de 4 ans par
alendronate, vs placebo, réduisit l’incidence des fractures
vertébrales radiologiques (Hazard Ratio [HR] = 0,56 ; intervalle de
confiance à 95 % de 0,39 à 0,80), le niveau de preuve étant élevé.
Par contre, il ne modifia pas, de façon significative, le nombre de
fractures non vertébrales (HR = 0,88 ; IC95 de 0,74 à 1,04 ; niveau
de preuve faible), ni celui des fractures de hanche (HR = 0,79 ;
IC95 de 0,43 à 1,44) ; faible niveau de preuve).
Le raloxifène administré pendant 4 ans, vs placebo,
réduisit également le risque de fractures vertébrales radiologiques
(RR = 0,64 ; IC95 de 0,53 à 0,70) et cliniques (RR = 0,58 ; IC95 de
0,43 à 0,79) mais ne modifia pas le risque de fractures non
vertébrales ou de hanche.
Chez les femmes âgées ostéopéniques ou ostéoporotiques, un
traitement de 6 ans par acide zolédronique a aussi été efficace,
vs placebo, en réduisant les fractures cliniques (HR = 0,73
; IC95 de 0,60 à 0,90 ; niveau de preuve moyen), y compris les
fractures non vertébrales et vertébrales.
De même, la prise d’un traitement oestro progestatif pendant 6
ans ou par œstrogènes seuls pendant 7 ans a été aussi bénéfique sur
les fractures cliniques, y compris celles de hanche. Les données
ont manqué pour apprécier l’intérêt du dénosumab à long terme, tout
comme l’efficacité des traitements séquentiels associant différents
ODT.
Quels effets secondaires ?
Huit études observationnelles ont révélé que l’alendronate
pendant une longue durée, comme d’autres médicaments de la classe
des bisphosphonates, augmentait le risque de fractures atypiques,
sub trochantériennes et fémorales (niveau de preuve faible) ainsi
que celui d’ostéonécrose de la mâchoire (niveau de preuve faible
également). Par contre, il ne semble pas que l’alendronate au long
cours accroisse le risque de fibrillation ou de flutter
auriculaire. Un traitement prolongé par raloxifène est associé à un
risque 3 fois plus élevé de thromboses veineuses profondes et à un
risque 4 à 5 fois plus grand d’embolies pulmonaires. Les œstrogènes
ou l’association oestro progestatifs, quant à eux, majorent le
risque de maladies CV, de troubles cognitifs et, pour
l’association, de cancer du sein invasif. Enfin, les effets à long
terme du dénosumab, fautes d’études à ce sujet, restent non
définis.
Et après 3 et 5 ans ?
Chez les femmes ménopausées ayant reçu préalablement 5 ans
d’alendronate, 2 essais ne purent démontrer que la poursuite du
traitement, vs son arrêt, réduisait la survenue de fractures
non vertébrales, les résultats étant plus imprécis en ce qui
concerne les fractures vertébrales. Il en alla pareillement après 3
ans d’acide zolédronique qui ne diminua pas le risque de fractures
non vertébrales ou vertébrales cliniques mais qui a cependant
réduit le risque de fractures vertébrales radiologiques (OR = 0,51
; IC95 de 0,26 à 0,98). En analyse post hoc, ni la DMO initiale, ni
l’existence de fractures vertébrales radiologiques ne modifièrent
l’effet d’un arrêt d’un traitement par alendronate, vs sa
poursuite.
Au total, des essais au long cours vs placebo, menés
chez des femmes antérieurement non traitées par ODT, démontrent que
la prise pendant 4 ans d’alendronate réduit le risque de fractures
vertébrales et non vertébrales en cas d’ostéoporose et qu’un
traitement de 6 ans par acide zolédronique est également efficace,
en cas d’ostéoporose comme d’ostéopénie, au prix d’un risque,
minime, de survenue de fractures fémorales atypiques ou
d’ostéonécrose de la mâchoire. Les essais ayant tenté de comparer
poursuite de traitement par ODT vs leur arrêt après 3 à 5
ans ont fourni des résultats plus disparates, d’autant qu’il
n’existe pas, à ce jour, de données précisant les facteurs
susceptibles d’influer, à long terme, sur le risque fracturaire.
Ainsi donc, tenter d’évaluer la balance bénéfices/risques des
traitements prolongés par bisphosphonates reste aléatoire.
Du pain sur la planche…
Dr Pierre Margent