
De fait, la dépression est une maladie redoutable, en 3°
position quant au nombre d’années vécues avec une incapacité, après
le mal de dos et les céphalées. Elle génère des coûts importants
qui ne cessent d’augmenter. Circonstances aggravantes, nombre de
sujets dépressifs ne reçoivent pas de traitement adéquat et de
larges disparités d’accès aux soins sont constatées.
Par rapport aux recommandations de 2016, ce synopsis
s’intéresse aux MDD non compliqués versus MDD grave ou avec réponse
partielle au traitement. Il analyse l’apport de nouvelles
interventions thérapeutique, dont la psychothérapie psychodynamique
à court terme (STPP), la trazodone, la stimulation magnétique
trans-crânienne répétitive (rTMS)...
La psychiatrie à distance
Le recours à la télé médecine et aux soins virtuels est une
conséquence directe de la pandémie de Covid-19. A ce jour, la
majorité des intervenants en santé utilisent une forme de
téléconférence. Toutefois, le groupe de travail ne peut préciser si
l’impact de la télémédecine est supérieur ou inférieur à celui
d’une prise en charge directe présentielle, 3 essais cliniques
randomisés n’ayant pu démontrer de différence nette entre les 2
pratiques.
A ce jour, aucun effet délétère de ces pratiques n’a été
identifié. On peut donc considérer qu’un traitement via un
ordinateur ou internet peut être un complément à une
pharmacothérapie, voire même se situer en première ligne
thérapeutique en cas de préférence du patient. Cependant, malgré la
reconnaissance d’une utilité potentielle de la télémédecine
synchrone, la commission VA/DoD estime que les preuves sont
insuffisantes pour pleinement la recommander.
Les psychothérapies
Concernant la psychothérapie, l’actualisation 2022 maintient
les préconisations des diverses modalités : la thérapie
d’acceptation et d’engagement, celle d’activité comportementale, la
psychothérapie interpersonnelle, la thérapie cognitive en pleine
conscience et celle par résolution de problèmes. La mise à jour
récente inclut une préconisation en faveur de la STPP en traitement
initial des MDD non compliquées. A ce jour, aucune de ces méthodes
ne parait avoir d’avantage sur le devenir clinique du
patient.
De l’apport de la lumière et des stimulations magnétiques
Une attention particulière est portée sur la thérapie par
lumière en cas de MDD minime à modérée quelle que soit la saison,
par opposition aux précédentes recommandations en faveur de son
utilisation uniquement selon la période annuelle. La luminothérapie
peut être utilisée en monothérapie ou en association. Le niveau de
confiance de cette recommandation est limité mais les bénéfices
potentiels de cette technique dépassent les effets
secondaires.
Les stimulations rTMS et Theta-Burst (TBS) sont à proposer aux
patients souffrant de MDD avec réponse partielle ou sans réponse à
au moins 2 pharmacothérapies. Le groupe de travail signale
toutefois qu’il n’a pu trouver dans la littérature des preuves
suffisantes pour la TBS. Nombre de publications signalent cependant
un bénéfice de la rTMS sur la symptomatologie dépressive et la
facilitation des rémissions, ces gains dépassant les effets
secondaires potentiels.
Et de la kétamine
Un des changements les plus notables dans le synopsis 2022 a
trait au recours à la kétamine et à l’eskétamine comme traitement
optionnel chez des malades n’ayant pas répondu à plusieurs
tentatives pharmacologiques. Il est suggéré que la kétamine en
perfusion, comme l’eskétamine en intranasal, est efficace sur les
symptômes dépressifs résistants.
En comparaison avec un placebo ou le midazolam, la kétamine en
monothérapie ou associée à un antidépresseur, améliore les
symptômes dépressifs dans les 24 heures, amélioration qui tend à se
maintenir durant 3 jours. De ce fait, les experts préconisent
d’utiliser une perfusion de kétamine en traitement d’appoint, en
vue de réduire à court terme les idées suicidaires.
Il en est de même du recours à l’eskétamine chez les adules
dépressifs avec idées ou comportement suicidaires, la preuve de son
bénéfice n’étant toutefois pas formellement établie. Il faut savoir
que les données concernant l’efficacité à long terme de ces options
thérapeutiques sont manquantes et leurs effets secondaires tardifs
mal précisés. La kétamine doit, de ce fait, être réservée aux
patients en échec ou intolérants aux autres thérapeutiques.
D’autres modalités de prise en charge ont été examinées sans
être recommandées à ce jour. On peut citer les hallucinogènes, dont
la psilocybine, le MDHA ou le cannabis. De même, le recours aux
tests pharmacogénétiques pour guider les choix des antidépresseurs
n’a pas été retenu. Enfin, des travaux complémentaires sont à
venir, ciblant des groupes de populations spécifiques et comparant
plus précisément les options thérapeutiques.
En conclusion, menée sous l’égide de la VA/DoD, cette
actualisation des recommandations aide à la prise de décision en
cas de MDD et oriente les recherches futures. Les options en
psychothérapie, l’apport de la kétamine et de l’eskétamine, de la
lumière vive permettent d’accroitre le choix thérapeutique des
médecins et de leurs patients. A l’inverse, des modalités telles
que la pharmacogénomie ou l’utilisation de médications
psychédéliques nécessitent des travaux complémentaires, tout comme
l’étude de groupes spécifiques de population souffrant de
MDD.
Dr Pierre Margent