Quelques avancées contre la dépression

En Février 2022, l’US Department of Veterans Affairs et de la Defense (US VA/DoD) ont publié un guide de recommandations cliniques sur la prise en charge d’un épisode dépressif majeur (MDD). Il comporte 36 avis établis selon le système GRADE (Grading of Recommandations Assessment, Developpement and Evaluation) et cible les avancées récentes pharmacologiques, de la pharmacogénomie, la psychothérapie, les thérapeutiques complémentaires et alternatives et le recours à la télémédecine.

De fait, la dépression est une maladie redoutable, en 3° position quant au nombre d’années vécues avec une incapacité, après le mal de dos et les céphalées. Elle génère des coûts importants qui ne cessent d’augmenter. Circonstances aggravantes, nombre de sujets dépressifs ne reçoivent pas de traitement adéquat et de larges disparités d’accès aux soins sont constatées.

Par rapport aux recommandations de 2016, ce synopsis s’intéresse aux MDD non compliqués versus MDD grave ou avec réponse partielle au traitement. Il analyse l’apport de nouvelles interventions thérapeutique, dont la psychothérapie psychodynamique à court terme (STPP), la trazodone, la stimulation magnétique trans-crânienne répétitive (rTMS)...

La psychiatrie à distance


Le recours à la télé médecine et aux soins virtuels est une conséquence directe de la pandémie de Covid-19. A ce jour, la majorité des intervenants en santé utilisent une forme de téléconférence. Toutefois, le groupe de travail ne peut préciser si l’impact de la télémédecine est supérieur ou inférieur à celui d’une prise en charge directe présentielle, 3 essais cliniques randomisés n’ayant pu démontrer de différence nette entre les 2 pratiques.

A ce jour, aucun effet délétère de ces pratiques n’a été identifié. On peut donc considérer qu’un traitement via un ordinateur ou internet peut être un complément à une pharmacothérapie, voire même se situer en première ligne thérapeutique en cas de préférence du patient. Cependant, malgré la reconnaissance d’une utilité potentielle de la télémédecine synchrone, la commission VA/DoD estime que les preuves sont insuffisantes pour pleinement la recommander.

Les psychothérapies


Concernant la psychothérapie, l’actualisation 2022 maintient les préconisations des diverses modalités : la thérapie d’acceptation et d’engagement, celle d’activité comportementale, la psychothérapie interpersonnelle, la thérapie cognitive en pleine conscience et celle par résolution de problèmes. La mise à jour récente inclut une préconisation en faveur de la STPP en traitement initial des MDD non compliquées. A ce jour, aucune de ces méthodes ne parait avoir d’avantage sur le devenir clinique du patient.

De l’apport de la lumière et des stimulations magnétiques


Une attention particulière est portée sur la thérapie par lumière en cas de MDD minime à modérée quelle que soit la saison, par opposition aux précédentes recommandations en faveur de son utilisation uniquement selon la période annuelle. La luminothérapie peut être utilisée en monothérapie ou en association. Le niveau de confiance de cette recommandation est limité mais les bénéfices potentiels de cette technique dépassent les effets secondaires.

Les stimulations rTMS et Theta-Burst (TBS) sont à proposer aux patients souffrant de MDD avec réponse partielle ou sans réponse à au moins 2 pharmacothérapies. Le groupe de travail signale toutefois qu’il n’a pu trouver dans la littérature des preuves suffisantes pour la TBS. Nombre de publications signalent cependant un bénéfice de la rTMS sur la symptomatologie dépressive et la facilitation des rémissions, ces gains dépassant les effets secondaires potentiels.

Et de la kétamine


Un des changements les plus notables dans le synopsis 2022 a trait au recours à la kétamine et à l’eskétamine comme traitement optionnel chez des malades n’ayant pas répondu à plusieurs tentatives pharmacologiques. Il est suggéré que la kétamine en perfusion, comme l’eskétamine en intranasal, est efficace sur les symptômes dépressifs résistants.

En comparaison avec un placebo ou le midazolam, la kétamine en monothérapie ou associée à un antidépresseur, améliore les symptômes dépressifs dans les 24 heures, amélioration qui tend à se maintenir durant 3 jours. De ce fait, les experts préconisent d’utiliser une perfusion de kétamine en traitement d’appoint, en vue de réduire à court terme les idées suicidaires.

Il en est de même du recours à l’eskétamine chez les adules dépressifs avec idées ou comportement suicidaires, la preuve de son bénéfice n’étant toutefois pas formellement établie. Il faut savoir que les données concernant l’efficacité à long terme de ces options thérapeutiques sont manquantes et leurs effets secondaires tardifs mal précisés. La kétamine doit, de ce fait, être réservée aux patients en échec ou intolérants aux autres thérapeutiques.

D’autres modalités de prise en charge ont été examinées sans être recommandées à ce jour. On peut citer les hallucinogènes, dont la psilocybine, le MDHA ou le cannabis. De même, le recours aux tests pharmacogénétiques pour guider les choix des antidépresseurs n’a pas été retenu. Enfin, des travaux complémentaires sont à venir, ciblant des groupes de populations spécifiques et comparant plus précisément les options thérapeutiques.

En conclusion, menée sous l’égide de la VA/DoD, cette actualisation des recommandations aide à la prise de décision en cas de MDD et oriente les recherches futures. Les options en psychothérapie, l’apport de la kétamine et de l’eskétamine, de la lumière vive permettent d’accroitre le choix thérapeutique des médecins et de leurs patients. A l’inverse, des modalités telles que la pharmacogénomie ou l’utilisation de médications psychédéliques nécessitent des travaux complémentaires, tout comme l’étude de groupes spécifiques de population souffrant de MDD.

Dr Pierre Margent

Référence
McQuaid JR, Buelt A, Capaldi V, et coll. : The Management of Major Depressive Disorder: Synopsis of the 2022 U.S. Department of Veterans Affairs and U.S. Department of Defense Clinical Practice Guideline. Ann Intern Med., 2022 publication avancée en ligne le 20 septembre. doi: 10.7326/M22-1603.

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Vos réactions (1)

  • Un oubli

    Le 06 octobre 2022

    Il manque à cet inventaire la prise en compte de l'homéostasie intestinale. L'axe intestin-cerveau (gut-brain axis) est un facteur démontré de modification de l'humeur. Il est donc indispensable d'analyser la fonction digestive des dépressifs et de corriger les "microbiotes psychotoxiques".
    L'enquête alimentaire (diététique et comportementale) et la prise en charge active des anomalies nutritionnelles sont essentielles en psychiatrie. Les thérapeutiques pré-/ pro-/post-biotiques pourraient y jouer un rôle considérable.

    Dr Pierre Rimbaud

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