
Paris, le vendredi 25 janvier 2019 – Cette illusion d’optique a largement circulé ces dernières semaines sur internet et notamment sur Facebook. Initialement mise en ligne au Japon, elle a ensuite été diffusée aux Etats-Unis, aux Philippines, en Espagne, en Turquie ou en France. L’image était assortie d’une histoire séduisante : un neurologue japonais aurait mis au point un système très simple permettant d’évaluer le niveau de stress d’une personne. Beaucoup affirmaient en effet que face à une personne présentant un niveau de stress faible, l’image ne bouge pas, alors qu’elle s’anime quand l’anxiété grimpe. En dépit du caractère très fantaisiste de cette information (ou à cause de ce caractère), cette illusion d’optique a été très largement partagée : plus de 180 000 fois sur Facebook depuis le 22 novembre 2018 et beaucoup ont été convaincus qu’il s’agissait bien d’un test.
Une image produite grâce à Adobe
Pourtant, l’image n’est nullement le fruit d’une recherche neurologique, mais le travail d’un designer graphique ukrainien Yurii Perepadia comme l’a facilement mis en évidence le programme de vérification des informations de l’AFP en recherchant l’image sur le site Shutterstock. Sollicité, l’artiste a confirmé être à l’origine de cette illusion d’optique, grâce au logiciel Adobe Illustrator ! « Ce sont des traits noirs et blanc sur un arrière-plan coloré, ce qui met en mouvement le focus du point de vue et donne l’impression à une personne que l’image bouge » détaille-t-il.
Les illusions ont encore de beau jour devant elles
La révélation de cette double illusion n’a cependant pas eu le même succès que le message initial associant l’image à la découverte d’un neurologue japonais. S’intéressant à la performance des sites de vérification de l’information (encore souvent appelé de "fact checking"), un journaliste de l’Institut Poynter a comparé le nombre de partages en une semaine d'une part des fausses nouvelles et d'autre part de leur infirmation. Il a pu observer d’une manière encourageante que sur certains sujets, la vérification connaît un plus grand succès que l’intox. Mais dans le cas de cette illusion d’optique, la bataille est loin d’être gagnée : l’article de l’Agence France Presse a en effet été publié moins de 1 000 fois sur Facebook quand la rumeur a continué à être largement propagée (plus de 11 000 fois entre le décompte fait par l’AFP le 11 janvier et celui de l’Institut Poynter le 17 janvier). Si l’ancienneté de la "fake news", son internationalisme et son côté ludique sont des éléments qui ont certainement contribué au déséquilibre (sans compter le fait que notre esprit est doué pour accepter les corrélations les plus stupides !), l’observation suggère que dans certains domaines, et notamment éventuellement en santé, la popularité des fausses informations pourrait être difficile à ébranler.
Fact checking : utile mais pas suffisant
L’Institut Poynter signale à cet égard que de la même manière,
une rumeur assurant que la couleur de la viande hachée vendue en
Turquie est liée à la présence d’additifs cachés, partagée 19 000
fois n’a pas su être détrônée par le rétablissement de la vérité
établi par le site turc Teyit, dont l’enquête n’a été publiée que 1
900 fois sur Facebook (il n’est pas impossible que l’idée d’un
stratagème de l’industrie ait plus séduit que des explications plus
rationnelles). Si une fois encore partage ne signifie pas
nécessairement adhésion et si les comparaisons sont ardues (puisque
il faut tenir compte de nombreux paramètres, dont la popularité des
sites d’origine), ces données confirment une nouvelle fois que si
elles peuvent être utiles, les opérations de "fact checking" ne
sauraient être suffisantes pour combattre le fléau universel et
intemporel de la rumeur, fléau renforcé par les médias et les
méthodes de communication d’aujourd’hui. Notamment dans le domaine
de la santé où la différence entre nombre de partages de la fausse
information et celui de sa vérification est souvent plus élevée que
dans les autres sphères : ainsi l’information selon laquelle 63 000
Américains auraient été tués par des migrants (!) n’a été répliquée
que 200 fois sur Facebook, quand son démenti sur le réputé
PolitiFact a été partagé quatre-vingt fois plus.
Aurélie Haroche