Record sur record de contaminations : où va la France ?

Paris, le mercredi 26 janvier 2022 – Le record que beaucoup redoutaient a finalement été atteint : 501 635 infections par SARS-CoV-2 ont été rapportées hier. Le nombre de contaminations a été si important depuis le début du mois de janvier que le spécialiste des data Guillaume Rozier considère que 10,8 % de la population française a été testé positif. Plus inquiétant, pour la première fois depuis avril 2021 le nombre de personnes hospitalisées infectées par SARS-CoV2 a dépassé les 30 000. L’augmentation concerne les hospitalisations en soins conventionnels, qui connaissent une progression de 15 % en une semaine (18 044 patients) et les soins de suite et de réadaptation (+ 23 %, 7557 hospitalisés), tandis que les soins critiques connaissent une légère diminution (- 4 %, 3741). Cependant, la progression des admissions est sans commune mesure (heureusement) avec l’explosion du nombre de cas positifs. Il apparaît par ailleurs que la vague de contaminations provoquée par Omicron se caractérise par une progression du nombre de sujets infectées hospitalisées pour une raison principale étrangère à la Covid. Ainsi, on considère qu’un quart des patients admis à l’hôpital la semaine dernière avec un test positif étaient dans cette situation, une proportion qui atteint quasiment la moitié chez les 20/39 ans.

Vu de l’hôpital, des difficultés continuelles

Cependant, cette donnée qui confirme la gravité moindre des infections liées à Omicron, ne doit nullement conduire à minimiser les difficultés que connaissent les hôpitaux. Le Dr Clarisse Audigier-Valette (Centre hospitalier Sainte-Musse, Toulon France) rappelle ainsi sur Twitter : « Les entrées « avec » sont intégrées dans la tension hospitalière car elles impactent nos organisations (…). Par exemple vous ne pouvez pas mettre en chambre double un patient Covid + pour un infarctus à côté d’un autre patient victime d’un infarctus Covid- ».

Au-delà, cette forte pression qui demeure dans les établissements hospitaliers s’ajoute à des pénuries d’effectifs chroniques aggravées par le nombre important de personnels hospitaliers à leur tour infectés. Or, si les sujets asymptomatiques peuvent continuer à travailler (à condition qu’ils ne soient pas en contact avec des personnes à risque), les organisations sont une nouvelle fois perturbées par la gestion de ces cas. Enfin, en hospitalisation conventionnelle aussi, la hausse majeure des admissions impose des déprogrammations délétères pour le suivi de nombreuses maladies chroniques. Ainsi, le monde hospitalier traverse cette nouvelle vague en devant composer avec les mêmes écueils qu’au cours des deux dernières années. Les pouvoirs publics et autorités sanitaires en paraissent conscients : Olivier Véran a ainsi reconnu que le mois de janvier serait très difficile, tandis que le Président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy estime que l’accalmie dans les établissements hospitaliers ne s’annoncera pas avant le mois de mars.

Il est trop tard…

Pourtant, tout en déplorant qu’aucune mesure n’ait été prise en « amont » (notamment vis-à-vis des écoles) pour tenter de limiter l’impact de la vague (qui atteint un niveau inégalé en Europe) et en regrettant une fois encore les difficultés structurelles de l’hôpital qui l’empêchent de l’affronter de manière plus sereine, un nombre croissant de praticiens paraît considérer que le temps est désormais venu de modifier notre stratégie face à l’épidémie. L’exemple du Danemark est à ce titre marquant. Bien qu’à l’instar de notre pays, le royaume qui applique une politique de dépistage plus intensive encore que la France, pourrait ne pas encore avoir atteint son pic épidémique et a enregistré des records en ce qui concerne le nombre d’hospitalisés, le gouvernement danois s’apprête à annoncer la levée de la plupart des mesures adoptées pour lutter contre la propagation du virus. Le Danemark choisirait de rejoindre des pays comme la Grande-Bretagne et l’Espagne qui ont décidé de modifier leur appréhension de la Covid.

Des tests inutiles et des mesures barrières boudées

C’est notamment la question de la pertinence du dépistage massif qui suscite le plus de questions. « Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement persiste dans ces politiques de tests qui sont excessivement chères, car elles coûtent des millions d'euros par jour à la société. Ces millions d'euros ne sont pas investis dans les infrastructures et les centres de recherche. À la place, on fait des politiques de tests qui ont très peu d'intérêt. Il y a une stratégie à repenser de la part du gouvernement » observe ainsi le Dr Benjamin Rossi (Hôpital Robert Ballanger) interrogé par France Info. Le Dr Nathan Peiffer-Smadja (Hôpital Bichat) lui fait écho constatant sur Twitter : « Avec une telle perte de contrôle de l’épidémie, est-il pertinent de tester autant ? Le virus est partout, je crois qu’il faut plutôt concentrer les efforts sur la réduction de la transmission via des mesures barrières (masques) et la relance de la campagne vaccinale notamment chez les enfants ». Le praticien semble même suggérer que « l’épuisante » multiplicité des tests, en donnant une (fausse) impression de contrôle et en focalisant l’énergie et l’attention de tous pourrait favoriser le relâchement des mesures barrière. Ce relâchement est en tout cas avoué par un grand nombre de Français : l’enquête CoviPrev réalisée par Santé publique France (SPF) signale en effet qu’entre fin novembre et début décembre, un quart des Français admettaient moins respecter les gestes barrières, une tendance plus marquée encore chez 18/24 ans et les 25/34 ans. Par ailleurs, près de la moitié des personnes interrogées jugeaient « trop contraignants au quotidien » les gestes barrières et mettaient en doute leur efficacité pour limiter la contagion. L’image rarissime du Pr Jean-François Delfraissy apparu hier au micro de France Info sans masque symbolise peut-être ce relâchement et cette aspiration de plus en plus forte à retrouver une vie plus normale.

Le pic s’éloigne comme l’horizon

En tout état de cause, Jean-François Delfraissy estime que la gestion de la pandémie doit s’émanciper des chiffres d’incidence. « Dans notre vision, notre logiciel, on doit changer. On va finir à 15,16 ou 17 millions de Français infectés. Mais il n'y a pas d'évolution, il y a même une baisse du nombre d'entrées et de l'occupation des lits dans les hôpitaux. Le chiffre des nouvelles contaminations n'a plus la même valeur qu'avec les variants précédents » a -t-il ainsi observé. De même, attendre le « pic » paraît une stratégie hasardeuse. Si Olivier Véran continue à vouloir croire qu’il est proche (et s’il est vrai qu’en Ile de France il apparaît clairement avoir été atteint), le Pr Delfraissy considère pour sa part difficile toute projection. En cause, notamment, le rôle que pourrait jouer le sous variant BA.2. Au Danemark, champion du séquençage, ce petit nouveau est déjà majoritaire et pourrait expliquer que le pic se fasse toujours attendre. En France, les données issues du séquençage comme toujours manquent. D’une manière générale, BA.2 et son impact suscitent de nombreuses interrogations. S’il semble avoir un profil de virulence tout à fait comparable à Omicron, d’autres questions demeurent. « Il est difficile de comprendre pourquoi il est devenu majoritaire au Danemark et pas en Angleterre par exemple », remarque dans l’Obs Morgane Bomsel, virologue à l’Institut Cochin. De son côté, dans Libération, Patrick Hoscheit, chercheur en mathématiques appliquées à l’Institut national de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (Inrae), constate « le remplacement de BA.1 par BA.2 dans certains pays dont le Danemark et Singapour, qui ont d’excellents réseaux de surveillance génomique […] ne signifie pas nécessairement que BA.2 possède un avantage de transmission, car les différences peuvent être épidémiologiques plutôt que virologiques ». De la même manière, l’affirmation lancée hier par Olivier Véran selon laquelle le variant BA.2 pourrait entraîner des réinfections de personnes précédemment contaminées par le variant Omicron BA.1 ne reste qu’une pure hypothèse.

Épuisement du gouvernement

Ces chiffres explosifs du nombre de contaminations mais qui ne permettent pas une juste appréhension de la gravité de l’épidémie, les difficultés de l’hôpital, l’incertitude liée aux nouveaux variants laissent une nouvelle fois les pouvoirs publics dans une expectative d’autant plus douloureuse que les élections approchent. Il apparaît cependant qu’au sein même du gouvernement la tentation et l’espoir d’en finir prochainement avec les mesures les plus contraignantes en agitent certains. Jean-Michel Blanquer a ainsi redit ce matin qu’il espérait un assouplissement du protocole sanitaire dans les établissements scolaires à la rentrée de février, ce qui pourrait signifier notamment l’abandon d’une politique de dépistage qui à l’école peut-être plus encore qu’ailleurs semble avoir totalement perdu de son sens et de sa pertinence.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (2)

  • La France est dans le champ

    Le 26 janvier 2022

    La France ne se base pas sur les données scientifiques et donc s'égare.
    Pour avoir une bonne idée de ce qu'il faudrait faire, je vous recommande de lire l'opinion assez percutante de Brian Peckford, architecte de la Charte canadienne des droits et libertés et ancien premier ministre de Terre-Neuve, qui dénonce les violations gouvernementales de la Charte en ce qui concerne les politiques COVID-19. Il critique notamment plusieurs jugements récents, qui ont fait, selon lui, abstraction des évidences de la science...(articles scientifiques à l'appui).

    Ce que B. Peckford écrit est valable pour la France et toute l'Europe. Voici la référence web:
    https://www.canadiancovidcarealliance.org/media-resources/a-personal-declaration-of-opposition-to-the-abuse-of-our-charter-of-rights-and-freedoms-by-the-state/

    Je conseille également de visionner la critique très bien faite des essais cliniques de Pfizer sur leur vaccin et publiée dans le NEJM: voici la référence web: https://odysee.com/@ExcaliburTraduction:4/Pfizer-inoculation-Do-More-Harm-Than-Good-doublée:d
    Cette critique est faite par des scientifiques et médecins canadiens.

    Christian Linard (Canada)

  • Pas 2 pays comparables (au Dr Christian Linard)

    Le 27 janvier 2022

    Les mesures de contraintes imposées au Canada me semblent plus " tendues " (liberticides diront certains) qu'en France en climat pré-électoral chez vous comme chez nous.

    J'ai pour ma part consulté le site " Odysee" conseillé sur un sujet que je connais : les Myocardites post-vaccinales (pédiatriques) : Quand le vers est dans le Fruit, je ne mange pas le fruit.

    Ce site est manifestement idéologique
    "Porter un masque augmente par 13 le risque de développer une infection des voies respiratoires supérieures." , plusieurs présentations orientées sur "le déréglement climatique" : Une lithurgie mondialisée présente au Canada comme ici et ailleurs confinant au populisme scientifique.

    Suis je un " mouton " : Non .
    Je me suis opposé au vaccin ARNm des < de 18ans en bonne santé , faute de stratification permettant d'établir un bénéfice individuel mais aussi un bagage pédiatrique "solide".
    J'ai revu à la baisse les bienfaits du passe devenu vaccinal en France : il ne me semble plus d'actualité en climat Omicron 1-2.
    Je considère que le paramêtre " Record de contaminations " est anxiogêne et surtout inapproprié en raison du climat viral et de l'explosion du nombre de tests faits à grand frais mais aussi gros profits, sans isolement contraint ni traçage devenu obsolète.
    La pertinence de l'épidémiologie moléculaire Canadienne ou Danoise ou Sud-Africaine n'est probablement pas le reflet de sa situation nationale.

    Un seul paramètre à retenir , pragmatique : Soins intensifs et Mortalité , objectif primaire des stratégies vaccinales.
    Une seule leçon à retenir : le découplage persistant infections - Soins intensifs : La triste expérience des territoires ultra-marins français le rappelle. Ce découplage pourra être mis sur le compte de la couverture vaccinale et / ou ... des climats Delta puis Omicron qui se chevauchent.

    Je ne vois pas 2 pays pour lesquels les éternelles comparaisons ne soient pas entachées de biais patents : Structures sanitaires - Stratégies vaccinales - Couverture sociale - Fédéralisme - Co-morbidités - Démographie -"Mental" et ... Génétique.

    Dr JP Bonnet

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