
Paris, le lundi 15 mai 2023 – A compter de ce lundi, les soignants suspendus pour ne pas s’être fait vacciner contre la Covid-19 peuvent revenir à l’hôpital.
C’est la fin d’une polémique qui aura duré plus de 20 mois et qui aura connu son lot de psychodrames, jusque dans les derniers instants. Ce dimanche, le gouvernement a publié un décret, qui entre en application ce lundi, disposant que « l’obligation de vaccination contre la Covid-19 est suspendue ». Suspendue et non supprimée, comme le prévoit à l’inverse la proposition de loi du groupe communiste votée en première lecture par l’Assemblée Nationale le 4 mai mais qui doit encore être examinée par le Sénat. Pour le moment, le gouvernement a donc encore la possibilité théorique de rétablir cette obligation vaccinale, en vigueur depuis septembre 2021.
Une instruction ministérielle adressée aux établissements hospitaliers et médico-sociaux le 2 mai dernier indique la marche à suivre pour réintégrer ces soignants suspendus, si possible dans les deux semaines à venir. Les chefs d’établissements vont devoir « au plus tôt contacter chaque professionnel suspendu pour lui signifier la fin de la suspension et si possible lui indiquer le poste d’affectation et la date de reprise du travail ».
Très peu de soignants à réintégrer
Le principe posé par l’instruction ministérielle est celui d’une « réaffectation dans un emploi équivalent ». Si le soignant réintégré refuse ce poste, trois solutions sont possibles. En premier lieu, le directeur de l’établissement concerné peut lui proposer un changement d’affectation, via une procédure de médiation le cas échéant. Les deux parties peuvent également tenter de « trouver une solution pour mettre un terme à la relation de travail » par « la voie de la rupture conventionnelle individuelle ». Enfin, l’employeur peut se montrer plus intransigeant et procéder à la radiation du soignant récalcitrant, après mise en demeure.
L’importance pratique de cette réintégration est presque inversement proportionnelle au lot de polémiques qu’elle aura suscité. Si les chiffres divergent selon les sources, une seule certitude : ces soignants suspendus et bientôt réintégrés représentent une goutte d’eau dans l’océan de la fonction publique hospitalière. Selon la Fédération Hospitalière de France (FHF), il serait environ 4 000 agents encore suspendus (sur 1,2 million d’agents publics), une moitié dans le secteur sanitaire, l’autre dans le secteur médico-social (mais la CGT évoque entre 20 000 et 40 000 agents suspendus). Dans le secteur libéral, l’Assurance Maladie comptabilise environ 1 900 professionnels suspendus, dont 275 médecins. Et si l’on parle abusivement de soignants suspendus, la majorité des personnels non-vaccinés sont en réalité des agents administratifs ou des aides-soignants : les infirmiers et médecins hospitaliers qui ont refusé la vaccination obligatoire sont extrêmement peu nombreux.
Pas encore la fin des polémiques
Il n’y aura donc pas de grande vague de réintégration dans les hôpitaux. Selon les premiers décomptes, ils ne seront que 200 à l’AP-HP (sur 100 000 employés), 28 (dont un seul médecin) aux Hospices Civils de Lyon (sur 28 000 agents), une douzaine à l’AP-HM (dont une seule infirmière), 18 au CHU de Rennes (sur 8 000 employés). Et parmi ces personnels suspendus, tout le monde ne reviendra pas, car beaucoup ont changé de métier durant ces 20 mois d’exclusion. « A notre connaissance, beaucoup d’infirmiers suspendus ont tourné la page, quand ils n’avaient pas déjà en tête, lors de leur suspension, un projet de reconversion » explique Patrick Chamboredon, président de l’ordre des infirmiers.
Malgré ce petit nombre d’agents de retour, la réintégration risque de provoquer quelques tensions. « Les non-vaccinés ne sont pas attendus avec des fleurs dans tous les services » avait reconnu le ministre de la Santé François Braun le 28 avril dernier, qui estime que « l’enjeu est que cette étape se passe le mieux possible…ou en tout cas le moins mal possible ». Depuis que la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu, le 30 mars dernier, un avis favorable à la levée de l’obligation vaccinale, de nombreux médecins ont exprimé publiquement leur mécontentement face à cette réintégration. « Les rares médecins qui ont refusé la vaccination ne sont plus crédibles, on ne peut pas imaginer que ceux qui ont affirmé des inepties sur le vaccin, les traitements, dans l’ignorance complète des essais cliniques ou de l’épidémiologie, puissent se réinsérer dans la communauté médicale » s’indigne le Dr Mathias Wargon, chef du service des urgences à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde ce jeudi.
La France était le dernier pays d’Europe à maintenir une obligation vaccinale pour les soignants. Avec cette réintégration, notre pays tourne peut-être définitivement la page de la Covid-19.
Quentin Haroche