Réintégrer les soignants non vaccinés contre la Covid ou au contraire rendre obligatoire la vaccination grippale des soignants ?

Paris, le mercredi 9 novembre 2022 – Nous l’avons évoqué dans ces colonnes la semaine dernière, le nouveau gouvernement italien de Georgia Meloni a décidé de lever l’obligation vaccinale des soignants contre la Covid, isolant encore un peu plus la position de la France en la matière. Les limites de cette obligation vaccinale sont connues : les vaccins contre la Covid n’offrent qu’une protection restreinte contre l’infection et la transmission du virus et ne permettent donc pas de freiner complétement la circulation virale.

Cependant, la vaccination des soignants permet également de les protéger eux-mêmes (et donc d’empêcher certaines absences, ce qui est précieux en cette période de pénurie de professionnels) et repose par ailleurs sur des fondements éthiques.

C’est dans ce contexte que le ministre de la Santé a été interpellé hier par Caroline Fiat, député LFI qui l’interrogeait sur la réintégration des soins non vaccinés contre la Covid. François Braun a tout d’abord relevé le caractère ironique de voir une disposition prise par un gouvernement proche de l’extrême droite soutenue par la France insoumise. Il a ensuite affirmé que le retour des soignants non vaccinés ne pouvait être considéré comme une réponse aux problèmes des hôpitaux.

D’abord, leur nombre est restreint : 700 infirmières (dont 100 dans des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes) et 75 médecins et pharmaciens hospitaliers (les données ne sont pas connues en ce qui concerne la ville). Par ailleurs, le ministre a voulu insister sur les probables tensions qu’une telle réintégration pourrait provoquer dans les services : les soignants ayant fait le choix de se vacciner pouvant en effet se montrer plus que réservés face à la position de leurs confrères et collègues.

Outre les réticences des professionnels de santé (même si un sondage réalisé sur notre site en juin avait montré qu’une courte majorité d’entre eux pourrait être favorable à une réintégration des soignants non vaccinés), François Braun a évoqué celle des patients. En effet, l’association France Assos Santé a publié il y a moins d’une semaine une lettre ouverte aux députés leur demandant de maintenir l’obligation.

« La vaccination contre le Covid-19 est une mesure de santé publique qui permet à la fois de limiter les risques de contamination au sein des établissements de santé et de protéger ainsi les patients fragilisés hospitalisés, les personnes âgées en établissement et les personnes à risque de forme grave, notamment les personnes immunodéprimées dont le parcours de santé intègre les établissements de soins et protéger les personnels soignants et réduire les risques d’absentéisme dans les services déjà en tension. France Assos Santé demande donc aux parlementaires de ne pas céder aux injonctions d’une minorité de l’opinion publique et de sanctuariser cette obligation de vaccination pour les personnels soignants, dans l’intérêt des usagers de la santé et des soignants eux-mêmes » écrit l’organisation qui regroupe de nombreuses associations de patients.

Il s’agissait notamment de répondre à une proposition de loi déposée le 11 octobre en faveur du retour des non vaccinés et à la mobilisation de 40 députés LR ayant adressé au ministre il y a quelques jours une demande pour que l’obligation vaccinale soit levée.

Une couverture vaccinale contre la grippe très basse et en recul


Si la réponse du ministre à l’Assemblée ne laisse guère de doute sur sa position et sa conviction, il a néanmoins annoncé qu’il allait saisir le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et la Haute autorité de Santé (HAS) sur ce sujet. Cependant, a-t-il précisé, la saisine de la HAS devra prendre de « la distance » et s’intéresser non pas seulement à la vaccination contre la Covid, mais à toutes les autres vaccinations et notamment, a-t-il cité, à celle contre la grippe.

De fait, la couverture vaccinale des professionnels de santé contre la grippe demeure en effet très basse dans notre pays. Ainsi selon des chiffres présentés en juin par Santé publique France, 22 % des professionnels exerçant en établissement de santé étaient vaccinés contre la grippe au printemps 2022. Ce taux n’était que de35,6 % chez les sages-femmes 21,3 % chez les infirmières et de 15 % chez les aides-soignants. Ces chiffres sont en diminution par rapport à la saison 2020-2021 et confirment combien de nouvelles mesures seraient nécessaires pour faire progresser cette couverture… y compris l’obligation ?

Aurélie Haroche

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Vos réactions (4)

  • Vaccination contre la grippe des personnels soignants

    Le 10 novembre 2022

    Rappelons que la vaccination contre la grippe était obligatoire pour les personnels de santé en France avant 2006. Le décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006 pris en application de l'article L. 3111-1 -4 du code de santé publique a suspendu cette obligation ! L’académie de Médecine a demandé en 2020 de rendre obligatoire la vaccination contre la grippe pour l’ensemble des personnels soignants des secteurs public et libéral et pour les auxiliaires de vie pour personnes âgées.
    La couverture vaccinale selon des chiffres présentés en juin par Santé publique France était de 22 % chez les professionnels exerçant en établissement de santé au printemps 2022. Elle est en baisse par rapport à 2019 ; en effet, selon Santé Publique France, pour la saison 2018-2019, la vaccination était estimée à 35 % dans les établissements de santé (67 % pour les médecins, 48 % pour les sages-femmes, 36 % pour les infirmiers et 21 % pour les aides-soignants) et à 32 % dans les EHPAD (75 % pour les médecins, 43 % pour les infirmiers, 27 % pour les aides-soignants et 34 % pour les autres paramédicaux). Certains « scientifiques experts » demandent que la vaccination soit faite aussi chez les enfants ; en effet, à la différence avec le Covid-19, les enfants peuvent être porteurs asymptomatiques du virus de la grippe, peuvent être malades et surtout sont d’excellent transmetteurs du virus. Certains demandent même que la vaccination touche l’ensemble de la population créant ainsi une immunité collective.

    Dr D Baudon

  • On prend les mêmes...

    Le 10 novembre 2022

    ... on recommence.
    Tout le monde sait que ce sont les soignants qui tuent les gens.
    Vive la COVID.

    Dr F Albertini

  • Un peu plus de médecine basée sur les preuves, svp....

    Le 11 novembre 2022

    "Hoskins Paradoxe", décrit en 1979 par Trevor Hoskins, a été confirmé en Australie en 2017 : "...Pour les patients vaccinés au cours de la saison 2016, l'efficacité vaccinale pour A(H3) était de 3 à 4 %, qu'ils aient été ou non également vaccinés en 2017..." (1).
    En effet, "Hoskins Paradoxe" démontre, en particulier pour le virus H3N2, une baisse d'efficacité vaccinale de 90 % chez les personnes ayant été vaccinées l'année précédente.
    Enfin, les données actuellement disponibles, 2022, sur l'hémisphère sud (Australie) démontrent que la "...Gravité clinique pour la saison à ce jour, mesurée par la proportion de patients admis directement aux soins intensifs, et les décès attribués à la grippe, sont faibles..." (2).
    Et les données préliminaires 2022 pour Australie démontrent que l'efficacité des vaccins se situe à l'extrémité inférieure de la moyenne. Ainsi le vaccin ne réduit que d'environ 40 % le risque de tomber gravement malade (2).
    Alors avec une efficacité entre 4 % et 40 %, quel intérêt de rendre obligatoire le vaccin contre la grippe ?
    1. https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2017.22.43.17-00707
    2. https://www.health.gov.au/sites/default/files/documents/2022/10/aisr-fortnightly-report-no-14-26-september-to-9-october-2022.pdf

    Dr J Hambura

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