
Paris, le samedi 7 janvier 2023 - Au lendemain de l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques et préventives) était missionné pour réaliser des fouilles préalables au chantier de restauration.
Ces travaux ont notamment permis de mettre à jour deux sarcophages en plomb, enfouis à environ un mètre de profondeur à la croisée du transept. Ils ont été analysés par l’institut médicolégal (IML) du CHU de Toulouse.
Un nettoyage minutieux a révélé sur l’un d’eux une épitaphe gravée sur une plaque de plomb scellée. « Cy est le corps de Messire Antoine de la Porte chanoine de l’église décédé le 24 décembre 1710 en sa 83e année. Requiescat in pace ».
Un mécène du royaume de France
Après plus de vingt ans de mariage stérile ponctués de plusieurs fausses couches entre Louis XIII et Anne d’Autriche, la naissance de Louis XIV est considérée comme un don du ciel. Louis XIII promit alors de consacrer le royaume de France à la Vierge.
Dans le sillage de cette promesse paternelle, en 1698, Louis XIV charge son architecte, Jules Hardouin-Mansart, de concevoir une nouvelle décoration pour le maître-autel de Notre-Dame de Paris.
Mais les caisses sont vides et le projet ne pourra être mené à bien qu’avec l’aide du chanoine Antoine de La Porte. Par un don d’un montant exceptionnel en 1708, le religieux permet de relancer les travaux et contribue ainsi à la conception du maître-autel, la clôture du chœur s’en trouve profondément modifiée et le jubé médiéval est détruit. On ajoute, notamment, des statues d’ange, de Louis XIII et de Louis XIV, ainsi qu’une pietà du sculpteur Nicolas Coustou.
Enterré dans la cathédrale, le sarcophage d’Antoine de La Porte a été retrouvé, ironie du sort, au milieu de fragments de l’ancien jubé, chef-d’œuvre du gothique, dont il contribua à la destruction.
Crise de goutte
Les analyses des prélèvements, toujours en cours, se poursuivront jusqu’à la publication du rapport final en juillet 2024, mais le Pr Éric Crubézy, en conférence de presse, estime que le de cujus « souffrait d’une pathologie du premier métatarsien, sans doute due à la goutte. »
La dépouille du second sarcophage, plus ancienne, n’est-elle toujours pas identifiée. « Cela reste un cold case ! » s’amuse Éric Crubézy. Les premières recherches aboutissent à l’hypothèse d’un sujet d’une trentaine d’années qui pratiquait l’équitation de manière intensive. « Nous avons observé des signes dits du cavalier avec une déformation de l’os du fémur, il devait donc probablement pratiquer beaucoup d’équitation depuis son plus jeune âge », décrit le spécialiste.
Cette seconde dépouille est bien différente de celle du chanoine, le crâne est scié, ce qui laisse penser qu’il a été embaumé et laisse envisager un statut aristocratique. « Nous avons aussi observé un trou occipital, décrit Pr Crubézy. Ceci laisse penser qu’il souffrait d’une méningite chronique sachant que la cause la plus fréquente en était la tuberculose et il avait d’ailleurs perdu toutes ses dents et a probablement connu une fin de vie difficile. » Reste qu’une identification formelle de ce « cavalier » semble impossible. Pour affiner la date de sa mort les experts vont maintenant réaliser une datation par le carbone 14.
F.H.