Respirateurs : à la recherche d’un nouveau souffle

Paris, le jeudi 26 mars 2020 – La déprogrammation des interventions non urgentes et le confinement, décidés face à l’épidémie de Covid-19, sont destinés à retarder et même à éviter le point critique de saturation des lits de réanimation. Dans le Grand-Est, le dépassement de cette limite n’a pas pu être évité et les équipes ont dû parfois s’atteler à des choix particulièrement difficiles éthiquement et humainement, tandis que de nombreux transferts vers des régions moins touchées ont été réalisés ces derniers jours (et jusqu’à aujourd’hui grâce à un TGV médicalisé).

Un peu plus de 7 000 respirateurs artificiels selon un recensement ancien

Notre pays compte 3,1 lits de soins intensifs pour 1 000 habitants, un taux qui le classe au 19ème rang des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). On comptabilisait par ailleurs 7007 respirateurs, selon un recensement effectué il y a déjà dix ans par le ministère de la Santé, et qui fait écho aux 7 000 lits de réanimation signalés par le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Sur ces 7 000 respirateurs artificiels, 5 607 sont fixes et 1 400 mobiles (6 336 se trouvent en secteur public).

Quelques 30 000 appareils

Le parc français d’appareils d’assistance respiratoire en soins intensifs, incluant les respirateurs artificiels et les ventilateurs (avec masque nasal ou facial / ou avec sonde d’intubation) pourrait être beaucoup plus élevé. S’ajoutent en effet aux respirateurs artificiels stricts, les dispositifs légers présents dans les blocs opératoires ou dans les camions des SAMU. « Au total, notre pays a un parc d’environ 30 000 respirateurs, tous appareils confondus. Mais il n’est pas certain que cela suffise à la vitesse à laquelle se répand le virus » indiquait cité dans La Tribune, le président de la Société de réanimation de langue française (SRLF).

Recensement des ventilateurs utilisés à domicile

Dès lors, une mobilisation nationale est activée non seulement pour recenser de manière exhaustive l’ensemble des ressources disponibles et d’autre part pour accélérer la production de nouveaux appareils. Concernant les dispositifs disponibles (au-delà de ceux présents dans les hôpitaux publics et privés) la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) finalise une comptabilisation des ventilateurs (non invasifs) utilisés par les services de soins à domicile. La Fédération des prestataires de santé à domicile (FédéPsad) participe activement à cet inventaire dont la complexité est de déterminer la part d’appareils mobilisables sans nuire à la continuité et à la sécurité des soins à domicile. Autre piste, qui serait envisagée par les pouvoirs publics selon certains représentants de médecins réanimateurs, mais sans confirmation à ce jour : la réquisition des ventilateurs de la réserve stratégique nationale d’équipements constituée pour répondre aux menaces de risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Enfin, on le sait, l’armée devrait plus largement mettre ses ressources propres au service des hôpitaux civils.

Des fabricants sur-sollicités

L’autre orientation stratégique est la fabrication. La France ne compte qu’un fabricant de respirateurs artificiels : Air Liquide, dont la production était jusqu’à aujourd’hui restreinte à 500 appareils par mois. L’augmentation de ses capacités de production (néanmoins limitée par les difficultés de recrutement en cette période) doit lui permettre de fournir 1 000 appareils par mois en avril. Parallèlement, la branche dédiée aux ventilateurs non invasifs destinés aux soins à domicile va également accroître sa production (avec l’objectif de passer de 200 à 600 appareils par mois). Les fabricants étrangers (allemands et américains notamment) sont également sollicités, mais font face à une explosion des demandes venues du monde entier et d’abord de leur propre pays. Ainsi, le géant allemand Dräger en Allemagne doit honorer en priorité une commande du ministre allemand de la Santé de plus de 10 000 appareils.

Airbus à la rescousse

Pour pallier les limites des fabricants classiques, dans le cadre d’une « économie de guerre » (officiellement décrétée par exemple en Grande-Bretagne), les lignes de production des autres industries peuvent être utilisées pour la fabrication de ventilateurs et de respirateurs. Ainsi, en Grande-Bretagne, Jaguar, Ford, Vauxhall et Rolls-Royce se sont déjà engagés dans cette voie, à l’instar de Tesla, General Motors et Ford aux Etats-Unis. En France, Airbus s’est déjà rapproché d’autres industriels pour mettre ses capacités au service de la fabrication de différentes pièces. « On attend une feuille de route plus précise dans les jours à venir » indique un porte-parole de l’entreprise française cité par Le Monde.

Innovation et impression en 3D

Enfin, cette période troublée est un moteur très dynamique pour l’innovation. De nombreuses équipes et des entreprises de biotechnologie utilisent la technologie de l’impression en trois dimensions pour fabriquer plus rapidement des valves et des pièces essentielles au fonctionnement des respirateurs. Des consortiums ont été déployés dans plusieurs pays et les initiatives fleurissent pour doper l’émulation de ces groupes de recherche. Ainsi, en Espagne, le premier prototype d’un ventilateur entièrement conçu grâce à l’impression en trois dimensions vient de voir le jour.

Des appareils et des hommes

Cette mobilisation nationale n’est cependant pas suffisante pour espérer disposer d’appareils en nombre suffisant pour répondre à la demande des prochaines semaines ou mois. L’inquiétude des spécialistes concerne également le possible manque de personnels médicaux dans les services de réanimation, préoccupation constante des équipes et encore rappelée hier par le directeur de l’Assistance publique / hôpitaux de Paris, Martin Hirsch.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Masques de plongée adaptés pour une aide à la ventilation en pression positive non invasive.

    Le 30 mars 2020

    Après une entreprise italienne, une équipe pluridisciplinaire de soins intensifs de l'Université Libre de Bruxelles a conçu une valve imprimable en 3D, qui s'adapte à des masques de plongée en apnée qui recouvrent tout le visage, produits par la société française Décathlon.

    Cette valve prend la place du tuba et permet le raccord de ce masque de plongée à l'arrivée d'oxygène, avec une pression positive, évitant ainsi, ou retardant, certaines intubations et l'utilisation de respirateurs.

    Ce masque est à patient unique car il n'a pas d'homologation médicale et que ses matériaux n'ont été ni pensés pour supporter des techniques de désinfection et de stérilisation, ni testés.

    La société Décathlon a partagé les plans 3D et les informations techniques de son masque de plongée à recouvrement facial complet, avec les équipes aux projets thérapeutiques les plus sérieux et les plus avancés.

    La société reste à la disposition de la recherche et assure toujours détenir un stock important de ce type de masques après ses dons aux hôpitaux et médecins italiens et belges.

    Céline Piat, Sage-femme.

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