
L’augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC) est
associée à un risque accru de maladie veineuse thrombo-embolique
(MVTE). Le lien de causalité ne fait guère de doute, mais il semble
que l’obésité centrale dite aussi abdominale soit plus souvent en
cause. De fait, le tissu adipeux viscéral se comporte comme une
véritable glande endocrine capable de sécréter des médiateurs
impliqués dans l’insulinorésistance, l’inflammation, la
coagulation, la fibrinolyse, le contrôle de la pression artérielle
et du métabolisme lipidique, autant de facteurs qui favorisent le
dysfonctionnement endothélial et l’athérosclérose.
Mais cette forme d’obésité est-elle à même de contribuer à la
pathogénie de certains cas de MVTE ? La question se pose car les
mécanismes de l’athérogenèse ne sont pas tout à fait ceux qui
président à la formation des thromboses veineuses profondes et des
embolies pulmonaires, même s’il existe quelques points
communs.
Une étude de cohorte prospective menée en Suède, dans laquelle ont été inclus, en 1997, 74 317 adultes s’est penchée sur la question. Des données anthropométriques ont été recueillies à l’état basal, principalement l’IMC en tant que variable représentative de toutes les formes d’obésité et le tour de taille (TT), reflet plus fidèle de l’obésité abdominale. Au cours des vingt années qui ont suivi, 4 332 participants ont été victimes d’une complication révélatrice d’une MVTE, qu’il s’agisse d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire. Une étude par randomisation mendélienne a examiné les liens de causalité éventuels entre IMC et TT, d’une part, MVTE, d’autre part. Les informations génétiques nécessaires à une telle approche ont été extraites des bases de données FinnGen et UK Biobank.
La graisse viscérale, davantage impliquée
Au sein de cette cohorte, une relation du type dose-effet a
été mise en évidence entre MVTE et les deux variables
représentatives de l’obésité. L’association entre MVTE et IMC a
cependant été grandement atténuée par la prise en compte du TT. En
cas d’IMC normal, l’existence d’un TT significativement augmenté
conduisait à une augmentation substantielle du risque de MVTE, le
hazard ratio correspondant étant de 1,53 (intervalle de confiance à
95 % IC 95%, 1,28-1,81) (versus IMC normal). Le lien de
causalité entre TT ajusté en fonction de l’IMC a été confirmé par
l’analyse de randomisation mendélienne.
Le risque attribuable à l’augmentation de l’IMC au sein de la
population a été estimé à 12,4 % (8,4- 16,5), versus 23,7 %
(18,1-29,4) pour ce qui est du TT.
L’obésité toutes formes confondues semble bien prédisposer à la MVTE. Mais l’obésité abdominale serait une plus grande pourvoyeuse de cette complication, sans doute par le biais de la graisse viscérale. De fait le TT serait plus précis que l’IMC pour apprécier le risque de MVTE, mais quel que soit le cas de figure, la lutte contre l’obésité notamment abdominale est une priorité en santé publique.
Dr Philippe Tellier