Sale temps à la bibliothèque interuniversitaire de santé

Paris, le jeudi 23 avril 2015 - Il n’est pas nécessaire d’avoir été étudiant en médecine à Paris pour connaître la bibliothèque interuniversitaire de santé (BIU Santé) située rue de l’Ecole de médecine. Sa réputation dépasse largement la capitale et beaucoup, Français et étrangers, étudiants ou chercheurs, ont passé de longues heures sur les bancs inconfortables installés dans les grandes salles où de vieux grimoires continuent à veiller sur la transmission du savoir. La denrée la plus fréquemment recherchée ne se trouve cependant pas dans ces livres, mais dans les revues soigneusement conservées. Pour les obtenir, une fiche est remplie et les documents sont bientôt transmis. Ces derniers temps, concernant les articles les plus récemment publiés, il fallait préférer la version électronique : la BIU Santé offre un accès à un grand nombre de revues en ligne. Pourtant, l’année dernière, les habitués et les novices ont été un peu surpris. Un grand nombre de demandes papiers concernant des études récentes n’ont pas trouvé de réponse, tandis que les accès internet se sont révélés verrouillés. Difficile sous ce régime de proposer une bibliographie exhaustive et parfaitement actualisée.

Une fusion malheureuse

Une telle situation dans une institution qui compte parmi les trois plus importantes bibliothèques médicales du monde paraît difficilement explicable. La réponse est pourtant simple : financière. Faute de budget suffisant, en 2014, la Bibliothèque a dû se désabonner de « toutes les revues imprimées » des deux tiers des revues électroniques et de la moitié des bases de données, indique le personnel de l’établissement dans une récente lettre ouverte. Ce collectif qui compte 72 membres (sur 91 employés de la bibliothèque) dénonce une diminution drastique du budget. Cette dernière aurait notamment été rendue possible par la fusion en 2011 des bibliothèques interuniversitaire de médecine et de pharmacie ; une alliance qui aurait fragilisé le statut de la BIU Santé. « Cet état de fait a permis à la nouvelle équipe dirigeante de l’Université de supprimer sa nature de "service à comptabilité distincte" et d’utiliser ainsi une part considérable du budget de la bibliothèque pour d’autres dépenses de l’Université » estiment les salariés qui exigent aujourd’hui le retour à « un budget décent ».

La faute aux éditeurs

Le président de l’Université Paris Descartes Frédéric Dardel, qui s’est exprimé sur ce sujet dans une réponse à ce collectif, estime pour sa part que les difficultés de la bibliothèque sont d’abord liées aux bouleversements de l’édition scientifique et à l’importance des abonnements numériques. « Alors que la BIUS servait une communauté large au travers de ses périodiques « papier », elle ne donne accès en numérique qu’à un public beaucoup limité, circonscrit essentiellement à l’Université Paris Descartes. Pour autant, cette restriction de périmètre d’accès (…) ne s’est pas accompagnée d’une baisse des tarifs des éditeurs, qui sont toujours basés sur le volume des abonnements papier d’il y a près de 20 ans. La conséquence de cette survivance, c’est que pour le même service, nous payons considérablement plus cher que d’autres universités comparables en France et à l’étranger » explique-t-il.

Appel aux lecteurs

Une analyse à laquelle ne souscrit pas totalement, loin s’en faut, le collectif de défense de la BIU. Il rappelle notamment que « le public qui se trouve pénalisé est en réalité un public bien plus large que celui de l’Université Paris Descartes et les missions nationales de la BIU Santé sont ignorées ». Pour les personnels de la bibliothèque, tout se passe comme ci les responsables de l’université considéraient la bibliothèque comme un service de documentation interne. Frédéric Dardel dément une telle vision et souligne que l’Université consacrera en 2015 plus de 4,5 millions d’euros à sa politique documentaire. Néanmoins il admet que « l’effort » réalisé par l’Université pour préserver « cette ressource et ce patrimoine de la BIUS »  « atteint aujourd’hui ses limites ». Aujourd’hui, les personnels jugent que le président de l’Université refuse de prendre la mesure du problème et appelle les lecteurs à la mobilisation. Un reportage consacré par le Monde à cette crise la semaine dernière a offert à cette cause une nouvelle visibilité… Si ce n’est que faute d’abonnement au quotidien du soir, les employés de la BIU Santé ne peuvent aujourd’hui plus accéder à l’article en question !

Aurélie Haroche

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Vos réactions (3)

  • Autodafé

    Le 26 avril 2015

    Lobotomiser la mémoire médicale, supprimer la transmission médicale témoignent d'un mépris absolu pour les médecins. Brûler les tous, les administratifs n'en reconnaitront aucun.

    Dr Isabelle Gautier

  • BIUM

    Le 26 avril 2015

    Suppression des revues médicales à la BIUM.
    Acculturation organisée dans l'enseignement secondaire.
    Millions d'euros consacrés à "l'antiracisme "et aux "stages d'expression".
    Vive la France de François Hollande
    Dr G.B
    AIHP / ACCA

  • Direction : l'Open Access

    Le 05 mai 2015

    Espérons que cela donnera envie aux auteurs de publier en Open Access, ce qui favoriserait la libre circulation des données, des connaissances...et calmerait l'avidité des éditeurs.
    Cet accès à la connaissance, est primordial, en médecine.

    Dr Christian Trape

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