
Les patients sont de plus en plus attentifs à la
question des conséquences potentielles de l’exposition aux
polluants sur leur santé. Parmi eux, les femmes enceintes sont
particulièrement sensibles à ces sujets. Mais les médecins ne sont
pas encore parfaitement armés pour y répondre, pour les aider à
faire le tri entre les différentes informations disponibles et
surtout pour leur délivrer des conseils appropriés et
personnalisés. Pour le
Dr François Lisik, gynécologue-obstétricien au sein de la
Polyclinique Urbain V à Avignon (un établissement ELSAN au sein des
Hôpitaux privés du Vaucluse), il ne fait aucun doute que non
seulement les praticiens doivent être formés en la matière et que
par ailleurs ils doivent pouvoir s’appuyer sur des outils
diagnostics qui leur permettront de mieux intégrer la santé
environnementale dans leur pratique. C’est pour lui l’une des
principales conclusions d’une étude en recherche clinique qu’il a
pu conduire avec le Dr Eric Glowaczower, gynécologue-obstétricien à
Marseille et le soutien complet d’ELSAN auprès de 180 femmes
enceintes ou ayant un projet de grossesse. Cette étude avait été
acceptée lors de la campagne d’appel à
projets de recherche ELSAN laquelle soutient les chercheurs
dans leurs projets scientifiques. Les projets sélectionnés
bénéficient d'un soutien allant de l'aide méthodologique aux
soumissions technico-réglementaires, du data management, l’analyse
statistique, du temps d’attaché de recherche clinique ou de la
rédaction médicale.
Il évoque pour nous les objectifs et enjeux de cette
étude et d’une manière générale, la question de l’exposition aux
polluants environnementaux chez les femmes ayant un projet de
grossesse ou enceintes.
JIM.fr : Considérez-vous que l’exposition aux métaux soit
un sujet de préoccupation suffisamment important des femmes
enceintes (ou ayant un projet de grossesse) et des médecins qui les
suivent ?
Dr François Lisik : Il faut informer nos patientes des
nombreuses conclusions d’études scientifiques qui abondent dans le
même sens : l’exposition aux polluants environnementaux, tels que
l’antimoine, l’arsenic, le mercure ou le plomb est nocive pour la
santé humaine, et plus encore, dans la période de vulnérabilité
qu’est la grossesse. On sait aujourd’hui que certaines maladies
telles que les cancers ou pathologies cardio-vasculaires,
respiratoires, thyroïdiennes, voire neurodégénératives, trouvent
leurs origines aux premiers moments de la vie. En effet, les
produits toxiques présents dans le quotidien de la femme enceinte
peuvent traverser le placenta et atteindre le fœtus. L’exposition
des 100 premiers jours de vie impacte le capital santé de la vie
future du bébé à naitre : le compteur débutant le jour de la
conception. Il est donc important que le corps de la future mère
soit préparé, que tout ait été mis en œuvre en amont pour éviter
les expositions aux polluants au moment de la
conception.
Des femmes ayant un projet de grossesse ou enceintes
portent un intérêt majeur sur ces sujets
Nous sommes passés à l’ère de la prévention, le médecin se
doit de prévenir les maladies environnementales en informant leurs
patients du risque encouru pour tel ou tel polluant. Mais le
médecin peut être un peu perdu face à toutes les informations en
santé environnementale, d’autant plus qu’il n’a pas eu de formation
en la matière pendant ses études, et souvent les patients qui le
consultent ont déjà pour leur part de nombreuses questions et
attentes sur ces sujets. Dès lors, il est primordial pour les
praticiens de pouvoir se reposer sur un outil diagnostic
personnalisé leur permettant de guider chaque patient, de
hiérarchiser ce qui doit être changé dans le quotidien individu par
individu. Au même titre qu’après un test mettant en évidence un
diabète gestationnel, des conseils hygiéno-diététiques vont pouvoir
être donnés, le résultat d’un test de détection de différentes
substances polluantes va permettre d’orienter les conseils des
médecins.
L’étude sur les métaux que nous avons réalisée a permis de
montrer l’intérêt majeur sur ces sujet de la part des femmes ayant
un projet de grossesse ou enceintes . A chaque fois que j’ai
proposé de participer à cette étude, les patientes étaient très
enthousiastes à l’idée de pouvoir bénéficier d’un test de
détection. Les patientes étaient manifestement très satisfaites de
voir qu’un médecin gynécologue s’intéresse à la santé
environnementale.
La pertinence de l’intérêt du médecin gynécologue est double :
d’abord parce que la pré-conception et la grossesse sont des
périodes de vulnérabilité importante quant à l’exposition à
différents polluants. Par ailleurs, la grossesse est une période
privilégiée pour transmettre des conseils sur leur vie quotidienne
aux femmes, qui sont très sensibles à tout ce qui pourrait avoir
une influence sur leur enfant à naître.
JIM.fr : Cependant, la grossesse est également une période
où les nombreuses recommandations et interdictions peuvent
favoriser l’anxiété de certaines patientes. La surveillance de
l’exposition aux polluants ne risque-t-elle pas d’accroître les
inquiétudes de certaines ?
Dr François Lisik : Une fois les autorisations
règlementaires obtenues, notre étude était menée en deux temps. Un
premier test permettait d’évaluer le niveau de contamination aux
métaux des participantes. Un protocole de conseils adaptés aux
métaux retrouvés était alors remis à celles qui présentaient un
niveau d’exposition à risque. Six mois après, un second test
leur était proposé pour évaluer l’efficacité de ces conseils. Or,
si les patientes étaient ravies de savoir à un instant T leur
niveau de contamination, on a pu constater (mais nous y reviendrons
plus tard) que toutes ne sont pas prêtes à changer leurs habitudes
de vie en ce qui concerne les substances polluantes.
C’est vrai que c’est une période où les femmes ont envie de
faire attention, mais en même temps elles ont déjà beaucoup de
choses à surveiller. Par ailleurs, quand on délivre des conseils de
vie, on touche à l’intime. Mais notre priorité, c’est d’apporter de
l’information.
JIM.fr : Quels sont les risques bien établis associés à une
exposition aux métaux des femmes en âge de procréer et des femmes
enceintes ?
Dr François Lisik : Ce qui est étonnant quand on
analyse les études en santé environnementale c’est le nombre de
travaux scientifiques établissant des liens forts entre polluants
environnementaux et risque de perturbations de la santé humaine. Le
nombre d’études abondant dans le même sens devrait à mon sens
amener les médecins et les autorités sanitaires à s’engager
davantage en ce qui concerne l’information de la population et la
formation des professionnels de santé, quant aux modifications de
comportement permettant de limiter l’exposition aux polluants
environnementaux.
Nous pouvons citer comme exemple les liens de causalité
établis entre certains polluants et quelques pathologies de la
femme, tels le bisphénol A et le cancer du sein ou encore les
phtalates (particules de plastique) et l’endométriose. Concernant
les métaux : pour le cadmium, on connaît son effet cancérigène au
niveau pulmonaire. Pour le mercure, ses effets neurologiques ou son
rôle dans la survenue de certaines malformations fœtales (on l’a vu
notamment chez les orpailleurs) sont bien décrits. Il en est de
même en ce qui concerne le plomb et les retards de croissance ainsi
que les retards mentaux (saturnisme).
JIM.fr : Est-ce que vous pensez qu’il y a eu une diminution
ou une augmentation de l’exposition des femmes, notamment parce que
pour certains polluants, des actions ont été menées (interdiction
de la peinture au plomb, actions fortes concernant le tabagisme,
recommandations fortes quant à la consommation de poisson pendant
la grossesse…) ?
Dr François Lisik : Plus on apporte d’information,
meilleur c’est pour les patientes. Tout cela va en effet dans le
bon sens. Mais en apportant davantage d’informations, cela
permettra d’accélérer le changement que ce soit en ce qui concerne
les patients ou vis-à-vis des industriels, car beaucoup d’études
demeurent encore lettre morte.
JIM.fr : Quelles femmes sont particulièrement exposées aux
métaux ?
Dr François Lisik : Ces données concernant la
population française n’existent pas. C’est la raison pour laquelle
il convient désormais de proposer un test de détection de nombreux
polluants à nos patientes. Elles pourront ainsi savoir si leurs
comportements au quotidien (alimentation, produits cosmétiques,
activité professionnelle, vie à la maison) ne les exposent pas à
certaines pathologies à long terme, dans le cas où l’on détecterait
une exposition à risque à telle ou telle substance. Ces nouvelles
données permettront de valider des habitudes de vie pour les
patientes dont les tests ne mettront pas en évidence de
sur-exposition ou permettront de corriger une habitude de vie
délétère. Ces données permettront également d’avoir des études
comparatives concernant l’augmentation ou la diminution de
l’exposition des femmes enceintes aux polluants
environnementaux.
JIM.fr : Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes de
votre étude ? Quel est son objectif ?
Dr François Lisik : C’était une étude concentrée sur
les métaux, c’était un choix. Les métaux sont en effet associés à
des marqueurs et à des limites minimales et maximales qui sont bien
établis. On peut aussi tester des polluants type pesticides,
bisphénol, glyphosate, parabène, mais pour certaines de ces
substances, les limites ne sont pas connues ; la communauté
internationale n’a pas statué sur les seuils, parce qu’il n’y a pas
suffisamment de données.
Une étude en deux temps
Notre test consistait donc en la recherche des trois métaux
lourds (cadmium, mercure et plomb) et de quarante-deux autres
métaux (éléments traces métalliques).
L’objectif principal de l’étude était d’évaluer les conseils
comportementaux sur la réduction du niveau d’exposition aux
polluants environnementaux (métaux) chez les femmes enceintes ou en
désir d’enfant. On proposait à toutes les patientes (en désir
d’enfant ou au premier trimestre de grossesse) de leur prendre une
mèche de cheveux et de l’analyser pour rechercher des métaux. Il y
avait trois niveaux d’exposition : un niveau à risque, un niveau
intermédiaire et un niveau faible. N’étaient concernées par le
deuxième test que les patientes qui avaient un niveau d’exposition
à risque, ce sont à ces patientes-là que l’on donnait des conseils,
quand cela était possible (pour certains métaux, les informations
restent parcellaires).
L’objectif secondaire était l’évaluation du profil
toxicologique d’une population définie dans un territoire
géographique donné. Nous souhaitions également évaluer la
satisfaction des patientes quant à une telle approche de santé et
nous l’avons déjà dit, la satisfaction était très bonne en ce qui
concerne l’obtention de l’information.
JIM.fr : Combien de femmes ont été incluses dans votre
étude ? Sont-elles représentatives de la population générale ?
Combien de praticiens y ont participé ?
Dr François Lisik : L’étude a été conduite par deux
centres, un premier à Saint Rémy de Provence et un second à
Marseille, ce qui était assez intéressant et cohérent avec la
population générale.
Le centre à Saint Rémy de Provence concernait des patientes
semi-rurales ou rurales et les patientes à Marseille (centre ville)
étaient citadines. Nous avons inclus 90 patientes à Saint Rémy et
90 à Marseille.Les premiers résultats ont montré que la moitié des patientes
à Saint Rémy présentaient un test positif : c’est-à-dire une
exposition à risque pour un ou plusieurs métaux. Donc les
quarante-cinq patientes qui avaient un test négatif étaient
rassurées sur le fait qu’elles n’avaient pas de
sur-exposition.
Les métaux présents dans les composants des téléphones
portables plus souvent retrouvés
Un nouveau test était proposé six mois plus tard. Cependant,
sur les 45 patientes concernées à Saint Rémy, la moitié ont répondu
à l’appel seulement. Avec un petit peu de distance, elles nous ont
confié qu’elles avaient beaucoup de mal à changer leurs
comportements et donc elles ont craint des remontrances. Concernant
les patientes qui ont réalisé le second test, la moitié présentait
un test devenu négatif.
A Marseille, les deux tiers des patientes présentaient un test
positif, mais aucune patiente n’a accepté de réaliser le second
test.
Il me semble que si la prise en charge du test avait été
conditionnée à la réalisation du second test, l’adhésion aurait pu
être plus importante.Les métaux retrouvés étaient les mêmes à Marseille et à
Saint-Rémy de Provence. En numéro 1 ce sont les terres rares, en
numéro 2, le titane et ensuite un peu d’aluminium. Les terres rares
sont notamment utilisées dans les composants des nouvelles
technologies, les batteries des aimants, les écrans de téléphone
portable.
JIM.fr : Que comporte le protocole de conseils dont vous
évaluez l’efficacité ? Les conseils sont-ils adaptés en fonction
des résultats du test de dépistage ?
Dr François Lisik : Pour celles qui étaient positives,
on leur donnait deux types d’information. D’abord, des fiches de
conseils généraux. J’utilisais les fiches de l’ASEF, Association
santé environnement France, qui a produit une fiche à destination
des patientes, concernant les habitudes de vie globales (peinture,
alimentation, cosmétique, conservation des aliments, produits
ménagers…).
Parallèlement, nous disposions de fiches qui concernent le
titane, l’aluminium, le cadmium, l’étain, le mercure, le plomb, le
palladium et les antimoines, qui étaient transmises aux patientes
chez lesquelles un niveau d’exposition à risque concernant un de
ces métaux avait été retrouvé. Ces conseils ciblés permettent
également d’éviter que le résultat obtenu soit
dramatisé.
JIM.fr : Quelles sont les prochaines étapes
?
Dr François Lisik : C’est de susciter l’adhésion des
médecins sur ces questions de santé environnementale. Il faut les
aider, parce qu’ils n’ont pas été formés. Or, pour conserver la
crédibilité de la parole médicale, il est important que les
conseils en santé environnementale et la prévention dans ce domaine
se développent, compte-tenu notamment de l’attention importante des
patients sur ces sujets (comme en témoigne la forte adhésion au
premier test). On a une nécessité à être formé sur ce sujet : les
autorités sanitaires ont, me semble-t-il, pris la mesure de
l’importance de ce point. Par ailleurs, ce qui ressort de l’étude
c’est que c’est difficile de changer ses habitudes, surtout face à
la multiplicité des conseils. Mais si le conseil peut-être plus
ciblé, en se basant sur le résultat d’un test, cela pourrait être
mieux suivi. L’existence d’un test diagnostique incitera davantage
les médecins à intégrer la santé environnementale dans leur
pratique.
JIM.fr : Dans quelle mesure ELSAN vous a soutenu dans la
mise en œuvre pratique de votre travail de recherche ? De quels
soutiens avez-vous pu bénéficier en particulier ?
Dr François Lisik : Tout d’abord, c’est certain, en
finançant tous les tests, cela a permis de monter une étude
d’envergure sur deux centres, la Polyclinique Urbain V et le
Centre d’infertilité Cabinet Carré Saint-Giniez, alors que
sans cette gratuité, cela n’aurait probablement pas été aussi
rapide. Par ailleurs, le soutien est un soutien complet. Il
concerne la mise en place de l’étude, avec notamment la
détermination des critères d’inclusion, des critères d’exclusion,
la durée de l’étude, l’accompagnement sur tous les aspects
réglementaires, et méthodologiques. Cela a été indispensable pour
moi qui suis praticien libéral. Je ne suis pas rodé à la
réalisation de telles études, et grâce à ELSAN, j’ai pu travailler
parfaitement sereinement. Le groupe ELSAN continue à m’aider dans
la rédaction de l’article, tandis qu’une présentation de mes
résultats est prévue en novembre à la Société francophone de santé
environnementale. Je pense que le groupe a pris la mesure de
l’importance de ces études en santé environnementale sur le
patient, parce qu’il y a un vrai enjeu.
Tout au long de l’année, ELSAN accompagne ses praticiens pour développer ou poursuivre une activité de recherche clinique jusqu’à la valorisation de leurs résultats au travers de publications scientifiques. La recherche clinique au sein d’ELSAN s’inscrit dans la mission que le Groupe s’est fixée : offrir à chacun et partout, des soins de qualité, innovants et humains. Elle est un pilier incontournable et fondamental au service des patients, au service de l’excellence médicale d’aujourd’hui et des standards que cette même excellence imposera demain. Au cours des quatre dernières années, 851 médecins ont publié 2158 articles scientifiques. Depuis 2016, 216 projets ont été financés ou cofinancés, dont : 111 dans le cadre des campagnes d’appels à projets ELSAN , 6 projets de promotion interne en cours et 260 études à promotion externe ont été soutenues.
A
propos d’ELSAN : leader de l’hospitalisation privée en
France en médecine, chirurgie et obstétrique, ELSAN est présent sur
l’ensemble des métiers de l’hospitalisation et dans toutes les
régions de France pour offrir à chacun et partout des soins de
qualité, innovants et humains. Agir et innover pour la santé
de tous au cœur des territoires, c’est la raison d’être d’ELSAN. Le
groupe compte désormais 28 000 collaborateurs, et 7 500 médecins
libéraux exercent dans les 137 établissements du groupe. Ils
prennent en charge plus de deux millions de patients par
an.
ELSAN assume pleinement sa Responsabilité Sociétale
d’Entreprise. La démarche RSE a pour ambition de répondre aux
enjeux du développement durable et de valoriser les établissements
et les collaborateurs dans leur mission au service des patients et
des territoires. Pour en savoir plus sur ELSAN #ResponsableEtEngagé